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EAN : 9782358731393
60 pages
Le Bruit du temps éditions, 2020 (06/03/2020)
4.12/5   4 notes
Résumé :
Par le titre qu’il a choisi, Emmanuel Moses place d’emblée son poème dans la lignée la plus exigeante, qu’il s’agisse du genre musical qui a donné à la musique de chambre ses plus hauts chefs d’oeuvre ou des Four Quartets, le recueil du poète anglais T. S. Eliot qui, déjà, se référait à la musique et à sa capacité d’ « entretisser plusieurs thèmes qui, superficiellement, ne semblent pas liés ». Et de fait, comme ceux de son illsutre devancier, le Quatuor d’Emmanuel ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Après les recueils Dieu est à l'arrêt du tram et Polonaise, je reviens avec plaisir et curiosité vers la poésie d'Emmanuel Moses au travers de Quatuor, ouvrage publié en 2020 chez le Bruit du Temps éditions.

Le court recueil est divisé en quatre parties, quatre longs poèmes, comme autant de mouvements d'un quatuor musical avec des variations sur des thèmes qui reviennent souvent dans la poésie de l'auteur : l'amour, la rencontre, la mémoire habitée par les êtres, le temps passé et les lieux qui lui sont chers. Dans une flux d'écriture, sans recherche de forme, la pensée se répand, s'articule et parle de l'espoir, de l'altérité, de l'amitié, de l'amour, du mystère de toute vie, de cette banalité du quotidien qui porte en elle quelque chose d'ultime et de précieux.

« […]
La liberté du vent qui siffle à la tombée du soir
Qui a traversé prairies et champs, fleuves et jardins en fleur
Qui a franchi des routes bitumées
Et s'est joué des lignes de haute-tension et leurs pylônes
Le vent au doux parfum de l'heure évanescente
Le vent qui rappelle l'angélus parce qu'il est comme une prière à la
mémoire du jour
À la gloire du jour
Et aussi une célébration de la nuit imminente
Tu l'inspires et l'expires
Tu es heureux comme le merle qui sautille à tes pieds sur la pelouse
Tu emplis tes poumons libres de joie, de tristesse
Il te faudra boire un verre de vin aussi sombre que la vague noire
déferlée à tes pieds
Encore un instant de lumière
Le vent poursuit sa course comme la liberté balaie l'existence
Tu as compris le sens de l'existence, un certain sens, du moins
Et la compréhension n'est jamais définitive, elle ne prend pas racine
Elle va et vient, tel le vent dans ta figure, sous les paupières et au fond
des narines
[…] »

Élégante, l'écriture d'Emmanuel Moses semble se répandre sans effort, épousant sa matière. La vérité de l'instant lui importe plus que la perfection de la forme, laissant le lecteur puiser à son goût une mélodie, un propos recueilli.
Quelques confidences, un fond de douce mélancolie imprègnent les pages. le livre traverse les tonalités pour décrire la vie (la nôtre), cette existence où l'être, tel un acteur, est délivré de toute nécessité, de rôle, de texte, d'indications de jeu, l'homme est donc libre, d'une liberté née du hasard, qui ne résout rien : car elle peut être « décision ou résignation, agissante ou passive, et le refus d'agir est lui-même agissant… »

Errance d'une pensée, saisissant la circonstance pour se déployer dans l'écriture et le temps, chez Emmanuel Moses, l'interrogation existentielle si elle ne s'affranchit jamais de l'histoire et du passé, reste profondément attachée au monde sensible et au présent. Un éloignement autant qu'une présence au monde.

« Je rêve dans ma contemplation à ce qui est proche et lointain
au fait que la distance peut étrangement rapprocher et la proximité
éloigner »

.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
II - Poème


MAIS VOILÀ IL Y A UN AU-DELÀ DES APPARENCES…

Extrait 4

L’instant est silencieux et ce qu’il y a de plus muet entonne un
  chant nouveau
J’ouvre le livre des anciens visages d’Égypte
Et je les écoute
Ils me parlent de la mort et de sa morsure
De l’éternité qu’elle fait sourdre de la chair du temps
Et comme je les en remercie, ces très vieux morts
Peints à l’encaustique sur des sarcophages en bois de tilleul
Ou peints à la détrempe sur des sarcophages en bois d’if, en
  bois de sycomore
Peints sur des masques de plâtre et sur des voiles en lin
Ces hommes, ces matrones, ces jeunes filles, ces enfants
Prenant éternellement congé de nous
Sur les vertes collines des adieux.
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II - Poème


MAIS VOILÀ IL Y A UN AU-DELÀ DES APPARENCES…

Extrait 3

L’indifférence de l’aigle qui vire en cercles larges et lents à
  hauteur de cime
Et pour l’œil brillant et minuscule de qui la vallée n’est rien,
  le fleuve n’est rien
L’activité humaine n’est rien, la circulation des automobiles
  et des trains, rien
La fumée des cheminées d’usines et les chantiers, les carrières,
  rien
Les champs et les prés, avec leurs tracteurs, leurs moissonneuses-
  batteuses, rien
Et même les moutons qu’ils enlèveront dans les airs sans parler
  des menus rongeurs
Ne sont rien sous leur regard souverain où on lirait le refus et le
  mépris
Si on pouvait l’observer de près
Voyez comme il promène sa silhouette cruciforme sur le fond
  du ciel d’azur
Et de quelle manière il joue avec les courants de l’air
Quelle leçon que les jeux de l’aigle en sa sagesse !
Le soleil décline devant ma fenêtre
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II - Poème


MAIS VOILÀ IL Y A UN AU-DELÀ DES APPARENCES…

Extrait 2

L’indifférence aux années qui roulent depuis toujours et sans fin
Peut-être que c’est cela Dieu : l’au-delà des apparences diverses
L’indifférence suprême, l’indifférencié suprême
Le temps, Dieu et les hommes, indifférents les uns vis-à-vis des
  autres
Tels les acteurs, le public, l’auteur, indifférents les uns envers
  les autres
Pour échapper à la mort
Et non pas comme événement individuel mais comme condition
L’indifférence arc-boutée à l’indifférence
L’une articulée à l’autre
Et formant ensemble un bras plus puissant que celui qui fendit
  les flots de la Mer rouge…
Un bras à défier les machines-robots qui déshumanisent
  l’homme en le dépossédant
Qui ont vaincu l’humanité comme Moïse vainquit l’onde
Pour y faire passer à pied sec son pauvre peuple
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II - Poème


MAIS VOILÀ IL Y A UN AU-DELÀ DES APPARENCES…

Extrait 1

Mais voilà il y a un au-delà des apparences
Il y a comme un ciel vertigineux qui nie les apparences
Et c’est l’indifférence
L’indifférence aux heures qui trottent sur le cadran
  translucide de la vie
L’indifférence aux saisons
Au bas du parchemin duquel est apposé un sceau de quatre
  couleurs différentes :
Vert, jaune, marron et blanc. Ad aeternam
(qu’on pourrait représenter aussi sous l’aspect de quatre
  oiseaux empaillés dans une vitrine)
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Videos de Emmanuel Moses (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Emmanuel Moses
« Voilà bien des années – ce devait être en 1956 ou 1957 – quand j'avais moins de vingt ans, que j'étais marié et que je gagnais ma vie comme coursier chez un pharmacien de Yakima, petite ville dans l'est de l'État de Washington, je me rendis en voiture livrer des médicaments à une adresse du quartier huppé de la ville. Je fus invité à entrer par un monsieur alerte mais très âgé portant un cardigan. Il me demanda de bien vouloir l'attendre au salon pendant qu'il allait chercher son carnet de chèques. Il y avait un tas de livres dans ce salon. […] Pendant que j'attendais, jetant les yeux çà et là, j'avisai sur la table basse un magazine qui portait sur sa couverture un nom singulier et, pour moi, très surprenant : Poetry. Ébahi, je le pris. […] je pris aussi un livre, un truc qui s'intitulait The Little Review Anthology, édité par Margaret Anderson. […] Il y avait des tas de poèmes dans le livre […]. Qu'est-ce que ça pouvait bien être que tout ça ? me demandai-je. […] Quand le vieux monsieur eut fini de rédiger son chèque, il dit, comme s'il lisait dans mon coeur, « Emporte ce livre, fiston. Tu y trouveras peut-être quelque chose qui te plaira. Tu t'intéresses donc à la poésie ? Pourquoi ne prends-tu pas la revue aussi ? Peut-être écriras-tu toi-même quelque chose un jour. Dans ce cas, autant que tu saches où l'envoyer. » Où l'envoyer. Quelque chose – je ne savais quoi au juste, mais je sentis toute l'importance de ce qui se passait. J'avais dix-huit ou dix-neuf ans, le besoin d'« écrire quelque chose » m'obsédait, et je m'étais déjà essayé gauchement à deux ou trois poèmes. Mais il ne m'était jamais venu à l'esprit pour de bon qu'il puisse exister un endroit où l'on envoyait effectivement ces tentatives dans l'espoir qu'elles seraient lues et même, peut-être – si incroyable que cela semble –, prises en considération pour une publication éventuelle. […] Je remerciai le vieux monsieur à plusieurs reprises et quittai sa demeure. J'emportai son chèque à mon patron, le pharmacien, et Poetry et The Little Review chez moi. Et ce fut le commencement d'une éducation. […] Plus tard ce soir-là, la vue brouillée d'avoir tant lu, j'eus le sentiment distinct que ma vie était sur le point de connaître un changement significatif et même, qu'on me pardonne, magnifique. […] […] Et donc, quelle excuse existe-t-il pour avoir attendu vingt-huit ans ou plus avant d'en venir enfin à expédier un peu de mon travail à Poetry ? Aucune. Mais le plus étonnant, le facteur crucial, c'est qu'au moment où j'envoyai effectivement quelque chose, en 1984, la revue était encore là, encore vivante et en bonne santé, et dirigée, comme toujours, par des gens responsables dont le but était de continuer de faire tourner cette entreprise unique et d'en assurer le bon fonctionnement. Et l'une de ces personnes m'écrivit en sa qualité de membre de la rédaction, louant mes poèmes et m'annonçant que la revue publierait six d'entre eux le moment venu. […] Je n'étais qu'un jeune chien alors, mais rien ne peut expliquer, ou disqualifier, un tel instant : l'instant où la chose même dont j'avais le plus grand besoin dans ma vie – appelons-la une boussole – me fut généreusement offerte en toute simplicité. Rien qui approche même de loin cet instant ne s'est produit depuis. »
(Raymond Carver [1938-1988], Un peu de prose à propos de Poetry)
0:00 - Pluie 0:33 - Au moins 2:01 - Demain 3:08 - Dormir 4:07 - Compagnie 4:48 - À travers les branches 5:39 - Générique
Référence bibliographique : Raymond Carver, Volume 9, Poésie, traduit par Jacqueline Huet, Jean-Pierre Carasse et Emmanuel Moses, Éditions de l'Olivier, 2015.
Image d'illustration : https://www.gettyimages.fi/detail/news-photo/raymond-carver-news-photo/533531674
Bande sonore originale : Keys of Moon - Lonesome Journey Lonesome Journey by Keys of Moon is licensed under a CC BY 4.0 Attribution International
Site : https://www.free-stock-music.com/keys-of-moon-lonesome-journey.html
#RaymondCarver #Poésie #PoésieAméricaine
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