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EAN : 9782374910529
150 pages
Quidam (02/09/2016)
3.5/5   7 notes
Résumé :
Le poids d'un père. Une terre qui ne tient pas ses promesses. Le crépuscule. Une fille à reconquérir. La nuit. Une voiture. La route.

Aux abords de la ville, entre chien et loup, certains retournent chez eux, prisonniers de leurs espoirs, du travail qui les use. D'autres, nourris de rages et de désirs, fuient en quête d'argent facile, d'amours perdues ou de l'ombre d'eux-mêmes. Noirs desseins de destins ordinaires, en Ardèche ou ailleurs.

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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
s rapports difficiles au père, des jeunes couples en quête d'argent facile, la ville, la nuit, les voitures, la France des zones commerciales aux ronds points encerclés de McDo, la solitude, les petites gens et leurs petites vies, fatigués, usés avant l'heure, sans illusions. L'amour qui n'est plus, celui qui ne sera jamais, l'attente du crépuscule, l'aube brumeuse qui annonce un nouveau jour triste. Sombre aux abords, le passage vers l'âge adulte n'annonce rien de bon, il confirme surtout la perte définitive de l'innocence.

Un recueil de nouvelles bâti comme un hommage à l'album Darkness on The Edge of Town de Bruce Springsteen. Découpé en deux parties (Face A et beside), chaque texte est présenté à la manière d'une chanson. L'écriture se veut aussi très musicale. Tempo lent, rythmique traînante comme un vieux blues lancinant, rock puissant et énervé… le résultat est surprenant, déstabilisant, assumé. Comme dans tout album, l'ensemble est inégal, les hits en puissance côtoient des morceaux moins réussis, proches de l'anecdotique. Après, chacun aura son titre préféré, le mien s'intitule « Cimenterie » et raconte une vie de prolo, d'ouvrier du petit jour qui enfile son bleu de travail et se met au turbin, vaincu par la machine, par l'usine et le grand capital, comme ses camarades d'agonie.

De la littérature française contemporaine qui sort des sentiers battus, un auteur de nouvelles construisant son recueil comme un « concept album », c'est original et ça fait du bien.

Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Au-delà de l'hommage à Springsteen et des couleurs rock (noir gris blanc rouge, disons), la langue d'Abrigeon se rapproche peut-être surtout du rap, un flow déferlant qui s'emballe et nous embarque.
Même si quelques nouvelles s'achèvent sur un brusque dévoilement qui fait basculer ce qui précède et libère la tension de ce qui y montait (notamment dans "Candice, sa chambre", "Cimenterie" et "Flambent les rues"), Sombre aux abords mise sur l'art du discours plus que sur celui du récit. Chaque nouvelle nous plonge ainsi dans le flux de parole de son personnage, un flux dense, qui s'accélère peu à peu en faisant feu de tout bois, ne s'apaise un instant, comme pour concentrer ses forces, que pour reprendre de plus belle et tracer à toute blinde sur la route que s'ouvre ainsi la parole, filer vers le paroxysme : la langue d'Abrigeon n'est pas avare de munitions et la puissance accumulée progressivement laisse à tout instant craindre l'explosion. Détonation. Silence. Fin de la nouvelle.
Cette violence de la parole, c'est le décalque, mieux, le substrat de celle du monde terne, têtu et bouché où chacun des personnages est emprisonné. Cette violence de la parole, c'est ce par quoi d'Abrigeon brise pour eux, pour nous, le maléfice pesant sur les vies éreintées qu'il dépeint. C'est ainsi qu'il réussit bel et bien à peindre dix losers magnifiques, chez qui la rage de vivre ne se rend pas, ne désarme pas – au risque, évidemment, d'y laisser sa peau.
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"Sombre aux abords" m'a dans un premier temps quelque peu déstabilisée : je pensais lire un roman, et il s'agit en réalité d'un recueil de nouvelles, inspirées d'un album de Bruce Springsteen ("Darkness on The Edge of Town"). Ça, je ne l'ai su qu'après avoir bien entamé ce recueil, la cohérence liant ses textes ayant contribué à entretenir mon erreur... une cohérence à la fois stylistique, et contextuelle.

Julien d'Abrigeon nous emmène dans ces zones rurales dénuées de bucolisme, alternant entre mornes bourgades bornées par des zones commerciales organisées autour de successions de ronds-points, et une terre appauvrie que l'on a abandonnée pour un travail ingrat à l'usine ou au sein d'une des petites entreprises vivotant dans ces lieux sans joie ni perspectives, qui sont comme des cul-de-sac de l'existence...

On y croise des jeunes en quête d'argent facile ou de sensations fortes au volant de bolides qui foncent dans la nuit, et qui parfois s'y écrasent, des êtres que leur différence, leur laideur excluent, qui ont explosé ou sont sur le point de le faire, fauchés dans leurs tentatives pour échapper à une vie médiocre et routinière.

La violence, la détresse sont omniprésentes, la solitude aussi. Les épisodes expriment des relations familiales tendues, des carences affectives, donnent l'impression que c'est un monde fait d'hommes vaincus et de mères absentes ou effacées, un monde où on épate les filles en fanfaronnant face à des dangers que l'on provoque, pour essayer de les retenir...

Mais tout cela est, finalement, accessoire, car "Sombre aux abords", c'est d'abord et surtout une écriture. Au-delà des similarités entre les intrigues -souvent réduites à presque rien-, le véritable fil rouge du recueil est la puissance, le flot de cette langue qui suinte l'urgence et une détresse hurlante, et vous embarque dans sa poésie brutale et incantatoire. Les mots, les phrases, tels des crachats jetés en rafale, vous immergent dans un univers gluant et percutant à la fois, et dans l'intimité de personnages dont vous connaissez rarement l'identité, mais dont vous pénétrez les obsessions et les intériorités dévastées...

Très fort...
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Noirceurs springsteeniennes aux confins de la ville ardéchoise.

Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2016/08/13/note-de-lecture-sombre-aux-abords-julien-dabrigeon/
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L'écriture de Julien d'Abrigeon marque par son rythme soutenu, changeant jusqu'à être parfois haché, toujours mordant. Les sonorités y jouent à se poursuivre, à se heurter dans une langue qui travaille les mots comme une matière vivante et vibrante, use de la polysémie, de la variation, s'amuse avec les références musicales et littéraires, déplace virgules et points pour bousculer le sens et maintenir le lecteur en tension, vigilant de chaque respiration, conscient du souffle. L'influence de l'expérience de la lecture publique et de la poésie sonore pratiquée depuis une vingtaine d'années par l'auteur est manifeste et se déploie parfaitement à l'écrit, donnant naissance un texte que l'on a plaisir à lire comme l'on voudrait l'entendre lu.
Lien : http://www.undernierlivre.ne..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
La cimenterie pointe son nez, giclée de néons dans l’obscur. Des phares et marlboro marchent les gars qui sortent d’un peu partout, convergent vers l’usine, marlboro, marlboro, marchent, le frimas de rigueur enfouissant aussi leurs mains au fond de poches de chaleur, marchent, marchent, marlboro. L’odeur du tabac se fond dans l’âpre rappel de la poussière à venir, qui colle déjà, marlboro marche. Le portail. Passé, la pointeuse et le contremaître en comité, accueillent glacé.
Les néons se succèdent, tracent des lignes. Des couloirs, des entrées, des portes, des couloirs et des compartiments se dispersent, répartis par-ci, par-là. Par là, la machine à café, désertée, les gars ont leur cafetière. Par ici, les placards, des casiers, par là, les bureaux, et, par là, des casiers.
Au bout, en bleu, le travail. Il enfile son bleu, assure. Bâille un coup, décrispe le cou coincé. Puis le père serre silencieusement des mains qui comme les siennes, grosses et raides, râpent, minérales. Les gars savent qu’ils parleront plutôt plus tard. Ils clopent et crachent, cachent clopin à leurs copains clopant leurs éclopages, patte traînée en douce, il ne faut plus paraître faible, les épées suspendues tomberaient à la prochaine restructuration, trop vieux, inutile, nous vous remercions pour toutes ces années sacrifiées à l’Entreprise, dégage maintenant !
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Mais, à force, à force, à force, à bout. On n'en voit pas le bout et, à bout de force, on ne peut plus, on n'a plus la force de voir le bout, nos yeux s'aveuglent pas plus loin que le bout de notre nez qui est dans le guidon, baissé, on coule, on perd de vue l'idée, qu'au bout du bout, il y a quelque part, l'horizon n'est pas borné, il nous attend. Le sang se refroidit et plus rien ne bout, tout est gelé, entravé par la fatigue, l'envie de se coucher, pour pouvoir bosser demain, pour avoir la force de pouvoir s'épuiser, se tuer à la tâche, de replonger la tête dans le guidon, les mains dans le cambouis, de tomber des moteurs, de redresser des tôles.
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J’ai beau avoir un genou à terre et ce sale goût d’aluminium dans la bouche, je ne vais pas me coucher mais me battre rage au ventre, prendre les affaires en main et ne pas faire les choses à moitié : je prends le volant, embraye, passe la première. Je peux encore nous extirper de là, j’en suis sûr. J’en ai vu d’autres, des pas pires.
Je sors de là et reviens te chercher. De suite, tout de suite, maintenant. On repartir à zéro, encore une fois. J’ai de la force pour trois. Pour toi, et moi, et on verra.
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Cent soixante-dix chevaux, assoiffés. Toute une cavalerie au repos, sous ma fenêtre, sur le parking, sous le capot, à l’affût du premier coup de clairon. La nuit va lâcher prise mais elle tien encore debout, éblouie par la lumière polie de boules blanches emmoustiquées perchées tous les huit mètres pour éclairer la chaussée, les trottoirs, leurs poubelles et les chiens qui les grattent afin de mieux les éventrer.
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