Un livre d'une poésie qui m'a personnellement bouleversé. Chaque page est à déguster et à savourer puis à laisser infuser.
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COMMENT FAIRE FACE AU CHAGRIN
J’étais en train de parler avec un ami qui avait d’un coup perdu une personne qui était très proche de lui. Il avait le cœur brisé. Il se sentait nu, exposé, sans protection, vulnérable, vide de réponses, incapable de comprendre les mystères de la naissance, de la mort et de la perte soudaine, incapable de se réconforter avec des clichés. Pourquoi les personnes que l’on aime disparaissent-elles d’un coup ? Pourquoi une telle beauté semble s’évanouir si rapidement ? Pourquoi y a-t-il une telle douleur, et pourquoi une telle grâce ?
À la recherche de réponses, il avait parcouru le circuit des enseignants spirituels contemporains ; chacun lui avait fait un discours sur la réalité et ce qui est ou n’est pas « au-delà ». L’un d’eux lui avait fait un discours à propos de la réincarnation, un autre à propos de l’expérience sans expérience du sommeil profond et sans rêve, un autre à propos du voyage de l’âme après la mort, un autre à propos de la pure perfection de la conscience pure et non contaminée, et un autre se mit à rire simplement devant ses questions et lui fit sentir qu’il était un idiot et loin d’être illuminé. Aucune de ces réponses ne parlait à son cœur brisé.
Qui serait allé à sa rencontre au milieu de ce feu déchaîné ? Qui aurait validé sa douleur brûlante et la perte de ses rêves ? Qui se serait, simplement pour un moment, arrêté de lui faire des discours, arrêté de lui dire ce qu’il savait ou croyait être vrai, et aurait simplement fait sa connaissance tel qu’il était ? Qui se serait arrêté de se cacher derrière son rôle d’ « expert spirituel », d’ « enseignant parfait », qui se serait permis d’éprouver du chagrin avec lui, simplement pour un moment ? Qui aurait désiré être avec lui sans protection, vulnérable, ouvert à la vie et à la perte de son image ?
Amis, sommes-nous prêts à arrêter de prétendre que nous avons les réponses ? Sommes-nous prêts à mettre fin à notre régurgitation incessante de clichés spirituels (« il n’y a pas de moi », « personne ne meurt », « tout est parfait », « il n’y a que l’Unité »). N’est-il pas temps pour nous de nous éveiller de ce rêve de non-dualité, de laisser tomber nos dernières béquilles, de laisser choir ces dernières barrières qui nous séparent de la vérité brute, fragile et précieuse de l’existence, et d’aller vraiment à la rencontre de celui qui nous fait face ?
Car ce sont nos fils, nos filles, nos mères et nos pères, nos maris, nos femmes et les amis que nous aimons qui sont morts. Nous ne faisons que faire connaissance avec nous-mêmes, et nos cœurs pleurent ensemble, comme ils le doivent. Aucun mouvement vers une réponse n’est nécessaire. Aucune formule éculée à propos de la réincarnation, du karma, du voyage de l’âme et de l’existence ou de l’inexistence de l’après vie ne tiendra ici. Aucun enseignant, aucun étudiant, aucune spécialisation personnelle, ne survivra à cette fournaise de l’intimité.
Un cœur brisé ne demande pas de discours. Donc retrouvons-nous, maintenant.
Qui es-tu sans ton histoire spirituelle ?
"S’il te plaît, ne me parle pas de la ’Pure Conscience’ ou de ’Demeurer dans l’Absolu’.
Je veux voir comment tu traites ta partenaire, tes enfants, tes parents, ton précieux corps.
S’il te plaît, ne me fais pas un cours sur ’L’illusion du soi séparé’ ou sur la façon dont tu as atteint le bonheur permanent en seulement 7 jours.
Je veux sentir ton cœur rayonner d’une chaleur réelle.
Je veux entendre comment tu écoutes, comment tu encaisses toute information qui ne correspond pas à ta philosophie personnelle.
Je veux voir comment tu t’y prends avec les personnes qui ne sont pas d’accord avec toi.
Ne me dis pas à quel point tu as fait du chemin, à quel point tu es libre de l’ego.
Je veux te connaître sous les mots.
Je veux savoir à quoi tu ressembles lorsque les problèmes te tombent dessus.
Si tu peux accepter pleinement ta douleur sans prétendre être invulnérable.
Si tu peux sentir ta colère, sans basculer dans la violence.
Si tu peux accorder un passage sûr à ton chagrin, sans en être esclave.
Si tu peux sentir ta honte sans faire honte aux autres.
Si tu peux merder et l’admettre.
Si tu peux dire ’désolé’, et le penser vraiment.
Si tu peux être pleinement humain dans ton éclatante divinité.
Ami.e, ne me parle pas de ta spiritualité.
Ça ne m’intéresse pas vraiment.
Je veux simplement te rencontrer, TOI.
Connaître ton précieux cœur.
Connaître ce magnifique humain qui lutte pour la lumière.
Le rencontrer avant ’l’être spirituel’.
Avant tous les mots profonds."
Je ne veux pas te changer,
Je ne veux pas te donner des réponses,
Je ne veux pas t’impressionner,
Je ne veux pas que tu sois différent(e),
Je veux juste te rencontrer, exactement comme tu es, derrière tes histoires, tes espoirs, tes rêves, tes jeux et tes protections, ici et maintenant.
Si tu te sens confus(e), sens-toi confus(e) maintenant.
Si tu te sens effrayé(e), sens-toi effrayé(e) maintenant.
Si tu t’ennuies, ennuyons-nous ensemble.
Si tu trépignes de rage, trépignons ensemble consciemment un certain temps et voyons ce qui se passe.
Je veux rencontrer ce qui est vraiment ici, derrière le masque, au-delà du mythe.
L’AMOUR UNIVERSEL
Avant que je naisse, avant d’avoir 5 ans, 49 ans, 84 ans, avant que je meure
Avant d’être étudiant, avant d’être enseignant, avant d’être artiste, commerçant, docteur, moine, prêtre, fermier, scientifique, chercheur spirituel
Avant d’être chrétien ou bouddhiste
Avant d’être bon ou mauvais, bien ou mal
Avant d’être dans le succès ou dans l’échec
Avant d’être illuminé ou l’inverse
Avant d’être un homme ou une femme
Avant d’être ce corps-ci ou ce corps-là
Avant d’être une personne quelconque
Avant d’être « celui qui sait »
Avant d’être « celui qui ne sait pas »
Avant d’être ceci ou cela
Avant d’être quelque chose
Avant d’être quoi que ce soit
Je suis
Cette non-chose qui admet toutes les choses,
Ce vaste espace ouvert,
Illimité, incompréhensible,
Dans lequel chaque pensée, chaque sensation, sentiment, survient et s’en va,
Comme des vagues sur l’océan,
Toujours présent
Sans changement.
Je ne dirai jamais que je suis « éveillé ». Je ne dirai jamais que je ne le suis pas.
Pourquoi ? Parce que je ne peux pas trouver une entité solide et indépendante ici qui pourrait un jour être l’un ou l’autre. Je ne trouve aucune histoire à mon sujet qui peut tenir ici dans cette immensité. Aucune histoire ne peut y prendre racine, aucune conclusion ne peut s’y établir.
Tout ce que je trouve ici, quand j’y jette un regard neuf sans préjugés, c’est un espace largement ouvert en lequel le paysage dynamique de la vie se joue -un espace vivant, inséparable de ce même paysage, un océan vaste et illimité indissociable de ses innombrables vagues, des pensées, des sensations, des sentiments quand ils surgissent et retombent.
Et ainsi dire que je suis illuminé, ou que je suis éveillé, ou ni l’un ni l’autre, est merveilleusement sans importance ici, dans l’immensité déjà éveillée qui n’appartient absolument à personne."