Cet ouvrage réunit trois comédies issues de la production de
Ludvig Holberg (1684-1754), le père du théâtre danois, souvent comparé à
Molière, dont il s'inspire en effet, sans pour autant l'égaler. Les trois pièces sont précédées d'une présentation qui permet de resituer le contexte littéraire, intellectuel et politique dans lequel elles ont été écrites. La première, Jeppe du Mont, est une des plus célèbres et des meilleures pièces de Holberg ; elle présente un simple paysan, inféodé au seigneur local, porté sur la bouteille et malmené par une femme tyrannique, qui à l'occasion d'une blague, échange pour un jour sa situation avec celle du châtelain. Mais le paysan se transforme en despote pire encore que l'aristo du coin. Lue à notre époque, avec notre recul et le contexte culturel qui est le nôtre, la pièce semble évoquer les idéaux de la Révolution française, mais c'est une erreur de la lire sous cet angle. La position de Holberg est plutôt une ligne conservatrice, où il n'est pas prudent d'amener le peuple trop rapidement à une liberté à laquelle il n'est pas accoutumé. Cette pièce se lit très agréablement encore à notre époque. La deuxième, L'homme affairé, s'empare d'un sujet original, celle d'un homme qui "brasse du vent" comme on dirait aujourd'hui. Un jeu de tromperies et de quiproquos va venir s'y ajouter, certains personnages se faisant passer pour qui ils ne sont pas, pour organiser des mariages contre l'avis du père. le ton est drôle, léger, c'est rapide et enlevé, et là encore, malgré quelques faiblesses, la pièce se lit avec un certain plaisir. Je n'ai en revanche pas adhéré à la dernière, L'heureux naufrage, qui fait le portrait de deux poètes, l'un vil flatteur prêt à écrire n'importe quoi pour peu qu'il en tire profit, et l'autre, portrait à peine caché de l'auteur lui-même, qui préfère s'en tenir à la vérité, dut-il en payer le prix fort. le propos un peu trop manichéen et le style pompeux m'ont un peu lassé.