AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782841160594
139 pages
Cheyne (01/01/2001)
4.5/5   7 notes
Résumé :
Face à une vaste baie qui donne sur le Danube : la pièce de travail de Reiner Kunze. Dans cette pièce, une table nue comme une page vierge. Sur cette table : une statuette, cadeau d'un sculpteur de RDA, lorsqu'en 1977 le poète n'eut plus d'autre horizon de survie que de partir. C'est une toute petite statue façonnée par des gouttes de métal fondu. Elle tient dans le creux de la main : un homme qui se mord le poing pour étouffer son cri. Une telle intensité, si peu d... >Voir plus
Que lire après Un jour sur cette terreVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La noblesse d'un homme se mesure à l'aune de ses engagements et de sa fidélité. Face à la barbarie, celle de la violence et du sang ou celle, plus insidieuse, de l'indifférence et des libertés volées, il convient de ne pas baisser les armes, de surtout ne jamais se renier.
Reiner Kunze, sur ce point, est un modèle de droiture. Issu d'un milieu ouvrier allemand, engagé très tôt en politique, il fut persécuté en Tchécoslovaquie, en 1968, pour avoir dit haut et fort son indignation face à l'invasion des troupes du Pacte de Varsovie. Cette répression du Printemps de Prague fit des centaines de morts civils. Il quitta alors le parti communiste et retourna en RDA, sa terre natale. Hélas, la Stasi l'y attendait. Surveillé, harcelé sans répit, il finit par se réfugier en Allemagne de l'Ouest avec son épouse. de là, il poursuivit son combat contre le totalitarisme. Avec quelles armes? du papier, un crayon et le regard d'un homme qui avait vu le pire mais continuait de croire au meilleur. Car rien, semble-t-il, n'avait pu faire basculer Reiner Kunze dans la haine et l'amertume. C'est un homme qui connait le pouvoir du Mal, celui que nous font les autres et celui que l'on porte en nous:

"Les ténèbres dans le poing
sont un morceau de ténèbres en nous
Qui brandit le poing, brandit
l'obscurité en signe"

A ces ténèbres de vengeance qui nous enserrent et nous dévorent peu à peu, Reiner Kunze préfère le pardon et la paix. Et il n'aura de cesse de le dire, de le chanter.

"S'en tenir
à la terre
Ne pas jeter d'ombre
sur d'autres
Etre dans l'ombre des autres
une clarté" ( Chardon argenté, 1978)

Pour Reiner Kunze, la poésie demeure résistance mais elle est avant tout résilience. Il semble écrire pour dénoncer, mais aussi pour survivre à son lourd passé.

"Avoir un coin de pays et le monde
et jamais plus au mensonge ne devoir
baiser la bague" ( A Salzbourg, debout sur le Mönchsberg, après notre arrivée en Europe de L'Ouest )

Ainsi, à partir de 1977, le poète prend racine dans cette nouvelle terre d'Allemagne et ne cesse d'écrire, cherchant sa voix dans une poésie moins engagée. Renouant avec le plus pur romantisme allemand, sa poésie est traversée par la mort et la beauté fulgurante de la nature. Mais point de lyrisme chez Kunze qui donne alors à ses poèmes une forme épurée, parfois proche du haiku:

"Je m'adapte
J'ai porté un ami en terre
Je m'adapte à cette vérité
comme lui désormais s'adapte à la terre" ( Premier accompagnement, 1978)

"Meurs avant moi, juste un peu avant
Afin que ce ne soit pas toi
qui aies à revenir seule
sur le chemin de la maison ( Pour toi, en hommage, cette demande en pensée, 1983)

D'une simplicité touchante, presque naïve, la poésie de Reiner Kunze est humble et profonde. Voilà sans doute ce qui en fait la force et l'intensité. Mais si le poète se voue désormais à la contemplation des oiseaux, il reste un homme de convictions et de combats qui nous force à ouvrir les yeux et nous rappelle qu'à tout instant, les portes de la liberté peuvent se refermer sur nous.

"Un jour le froid nous transira dans l'âme
et le paysage sera trop rétréci
pour pouvoir le remonter
sur notre poitrine

Alors nous tâterons l'ourlet
si jamais il reste encore un peu de marge" ( Alors, 1997)

Vingt ans après son exil, Reiner Kunze avait écrit ce court mais percutant poème:
"Nous avons toujours un choix,
et ne serait-ce que de ne pas nous incliner devant ceux qui nous en privèrent" (Vers pour le tournant du siècle, 1997)

Le poète ne s'est en effet jamais incliné. Et par ses mots, sa dignité, il nous montre que l'on peut être vaincu mais n'avoir rien perdu.

Commenter  J’apprécie          7119

Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
TABLE DE TRAVAIL PRÈS DE LA FENÊTRE ET IL NEIGE

Les oiseaux épient plus longtemps
qu'ils ne picorent

Et de nouveau je demeure
immobile

Votre reproche de perdre du temps
je le repousse

Le silence s'amoncelle autour de moi
terre pour le poème

Au printemps nous aurons
des poèmes et des oiseaux

1980
Commenter  J’apprécie          375
    
    
Repas du soir dans les labours

Quand grand-père au soir

attisait le feu de fanes

il faisait les étoiles

qui après étaient au-dessus de nos têtes

Nous les reconnaissions

Et la lune était une petite sœur des pauvres

qui allait mendier auprès du soleil

( parfois elle recevait quelque chose,

Parfois rien)

Je ne savais pas encore que la lune

est le visage anticipé

de la terre

Je n’étais pas encore Adam

et grand-père ressemblait à dieu

Autrefois quand je mangeais encore à la table du ciel


/traduit de l’allemand par Mireille Gansel.


J’espère qu’un jour – TRÈS PROCHAIN – sur cette terre
ce satané virus disparaîtra.

Je vous souhaite à toutes et à tous une meilleure année !
Commenter  J’apprécie          20
Chardon argenté


S’en tenir
à la terre

Ne pas jeter d’ombre
sur d’autres

Être dans l’ombre des autres
une clarté

                      1978

//traduction Mireille Gansel
Commenter  J’apprécie          30
    
    
Table de travail près de la fenêtre et il neige

Les oiseaux épient plus longtemps

qu’ils ne picorent

Et de nouveau je demeure

Immobile

Votre reproche de perdre du temps

je le repousse

Le silence s’amoncelle autour de moi,

terre pour le poème

Au printemps nous aurons

des poèmes et des oiseaux


/traduction Mireille Gansel
Commenter  J’apprécie          20
Réponse


Mon père, dites-vous,
mon père au fond de la mine
a des entailles dans le dos,
cicatrices,
traces croûteuses des pierres éboulées,
mais moi, je
chanterais l’amour

Je dis :
justement, pour cela même

                     1956

//traduction Mireille Gansel
Commenter  J’apprécie          20

autres livres classés : poésieVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (21) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1228 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}