Avez-vous besoin d'un petit manuel de bonne conscience… et de bon voisinage ? Vite, lisez «
Une histoire ordinaire », de
Chart Korbjitti !
Comme dans l'un de ses romans précédents que j'ai chroniqué pour Babelio, «
Sonne l'heure », la vie est un théâtre. Dans ce dernier, c'est dit de façon tout à fait explicite : au début, « LE RIDEAU SE LÈVE », à la fin, « le rideau lentement retombe ». Dans «
Une histoire ordinaire », c'est le narrateur qui, à la première personne, développe ce point de vue : comment observer la vie quotidienne et ses personnages, en tant que simple spectateur, pendant que la pièce se déroule ? Ce n'est pas aussi facile qu'il y paraît.
Pendant tout son récit, il hésite entre ce statut d'observateur et celui d'acteur s'impliquant personnellement dans le destin de ses voisines, et il vous prend à témoin : seriez-vous capable d'en faire autant ? le jugez-vous, chaque fois qu'il esquisse un pas en arrière, avec toujours d'excellentes raisons, après un mouvement d'empathie ? Sa compassion s'adresse à une jeune femme qui fut belle mais qui se meurt d'un cancer, malgré les soins de sa mère et de divers charlatans prétendant exercer la médecine, la guérison miraculeuse ou la voyance. Les deux femmes vivent, comme lui, dans une vieille maison louée chambre par chambre, nichée parmi les arbres à quelques minutes d'un quartier de la grande ville – Bangkok – qui possède tous les attributs de la civilisation : des embouteillages, des bowlings, des salons de massage, une polyclinique, une boîte de nuit, des restaurants, un centre commercial, des ascenseurs et des escaliers roulants. Tous les jours, revenant du travail, notre narrateur passe de l'une à l'autre, de la férocité assumée des foules anonymes à l'ambiguïté des relations humaines entre habitants de la grande maison, qui se connaissent peu mais ne peuvent s'ignorer complètement.
Notre époque, conclut-il, est celle de la « société d'observation ». le récit du malheur des autres ne nous affecte pas et n'est qu'une « histoire ordinaire ».
Pourtant c'est lui qui, par une grâce involontaire, fera cadeau à la mère endeuillée d'une histoire et d'une illusion qui la consoleront…