Les travaux de Said furent introduits en Chine dans le contexte politique particulier qui suivit le massacre de Tiananmen. Dans une réaction anti-impérialiste pavlovienne, les autorités chinoises attribuèrent les troubles à la diffusion d’une pensée contre-révolutionnaire inspirée par un « Occident » libéral, bourgeois et capitaliste.
Dans ce contexte, alors que la légitimité du régime était en jeu, et que l’idéal révolutionnaire était en berne, la réactualisation d’un discours et d’un imaginaire patriotique est venue combler une période de « vide et de désarticulation idéologique ».
Bien qu’il repose encore sur une historiographie et un langage propre à la Chine communiste, ce nationalisme officiel effectue progressivement une mue culturaliste pour mobiliser des personnages, une symbolique et des valeurs pré-modernes. La réhabilitation de Confucius, l’usage politique de ses notions, et l’épanouissement de la rhétorique des « valeurs
asiatiques » empruntée au singapourien Lee Kuan Yew s’inscrivent dans ce climat de glorification d’une identité chinoise retrouvée. Dans ce contexte, certains intellectuels conservateurs vont développer une argumentation farouchement anti-impérialiste.
Dans "La pratique de la Chine" (en compagnie de François Jullien), André Chieng considère qu’une analyse de la «réalité chinoise» avec les «instruments intellectuels de l’Occident» serait comme «faire de l’ébénisterie avec des outils de plomberie». Il suggère que François Jullien proposerait au contraire une «boîte à outils» susceptible d’appréhender la Chine en se libérant de cet ethnocentrisme cognitif trop courant chez les Européens.