Marc Abélès différencie la mondialisation, phénomène d'accroissement des échanges commerciaux à l'échelle mondiale telle qu'il s'est déjà produit à la Belle époque, de la globalisation, mondialisation particulière qui ajoute la constitution d'un marché unique des capitaux à l'échelle mondiale. La globalisation serait née au cours des années 70 après que les entreprises américaines se sont rendues compte que l'augmentation des salaires n'ajoutait plus de valeur ajoutée aux produits, mais contribuait seulement à créer de l'inflation. La fin du fordisme et la mise en place d'un modèle de développement économique plus flexible jouant sur l'horizontalité du management et la production éclatée, le toyotisme, n'a pu être possible que par la facilitation des échanges de capitaux. Celle-ci redistribue les centres de pouvoirs et en particuliers ceux que représentaient les Etats. Pour devenir véritable mondiale, ce phénomène d'expansion n'attendait que la fin des protectionnismes, abolis à la suite de la chute de l'URSS, et l'expansion au tiers-monde, rendue possible par les forts endettements de ces pays à la suite des chocs pétroliers des années 70 auprès des banques occidentales. Selon Abélès cependant, globalisation ne signifie pas homogénéisation à l'échelle mondiale, mais plutôt accroissement des interactions.
Ainsi, si l'on a coutume de croire que l'anthropologue ne s'attache qu'à l'étude des sociétés locales et exotiques, on néglige l'étude des savants des interactions et des interconnexions qui constitue le coeur du métier d'anthropologue. Celui-ci est amené à relever les changements de l'imaginaire politique des populations qui s'associent de moins en moins à l'univers fermé de l'Etat-nation et se projettent au contraire de plus en plus dans un concept plus généralisant qu'il reste encore à définir précisément. Les anthropologues croient cependant percevoir les prémisses de la fin de l'Etat laïque qui ne concevait l'idéal citoyen que dans le pouvoir civil, du fait de la génération d'attentes messianiques créées par l'angoisse de la fin de l'ancien-monde sous les effets de la globalisation.
Un autre aspect manifeste de la globalisation est l'accroissement stupéfiant de la violence interethniques dans les vingt dernières années du XXème siècle, lié à l'augmentation des inégalités et l'accaparement du pouvoir par des majorités de plus en plus hégémoniques face aux minorités perçues comme menaçantes, mais également lié aux chocs produits par la pression exercée par les organismes internationaux (FMI, banque mondiale, Etats-Unis) pour obtenir une adaptation des économies du tiers-monde à la nouvelle économie globale. Les migrations engendrées obligent à redéfinir le sens de la société civile, entre citoyenneté, nationalité et ethnie, d'autant que de nouveaux acteurs participent de plus en plus aux décisions internationales. Les ONG prennent en effet en charge des aspects sociaux que les Etats ne sont pas en mesure de prendre en charge et qu'ils ne cherchent peut-être même pas à résoudre. Elles ne sont pas démocratiques et, comme les entreprises, sont soumises aux lois de l'économie. Acteurs aux contours flous, leur rôle s'ancre pourtant dans la nouvelle organisation du monde qui ne fait que commencer de se mettre en place.
Plutôt que d'exposer un point de vue sur la globalisation, l'auteur a choisi de faire la synthèse d'un grand nombre de travaux. La très riche bibliographie et la vitesse du discours de l'auteur font ainsi du livre une sorte de thésaurus dans lequel on peut puiser des pistes de réflexion. le tableau est cependant sombre et tend à insinuer l'idée, par l'absence d'opinions positives sur les effets de la globalisation, que ceux-ci sont exclusivement négatifs.