Bien que je sois une rouée du théâtre,
Histoire(s) de France d'
Amine Adjina est la première pièce jeunesse que je prends le temps de lire (à l'âge adulte, du moins). Je l'ai remportée à l'occasion du Masse critique Babelio de novembre 2021. À mon grand bonheur, considérant que je suis aussi historienne et politologue de formation.
Cette petite pièce de théâtre met en scène trois protagonistes : Camille, Ibrahim et Arthur. Dans le cadre de leur cours d'histoire, ces trois jeunes élèves doivent proposer en équipe un exposé original sur trois événements historiques de l'histoire de France qui leur fassent sens. Soucieux de s'approprier l'histoire de leur pays, chacun interrogera son passé au regard de ses questionnements identitaires.
En dépit de sa simplicité, évidente considérant le public auquel elle est adressée, je n'ai pas été déçue par cette lecture.
Légère et aérée, ponctuée d'une belle dose d'humour, elle est facile et accessible. L'absence d'indications laisse libre cours à l'imagination du metteur en scène et des comédiens. Pourtant, on se figure très aisément comment lui donner substance dès la première lecture. le style rédactionnel, exempt de ponctuation, et usant et abusant du saut à la ligne, m'a d'abord laissée perplexe ; puis, me rappelant que je lisais une pièce jeunesse, je lui ai trouvé du sens. Cela facilite la compréhension du ton à mettre dans chaque réplique.
Le fond n'est pas en reste, lui non plus. Construction du sentiment identitaire et national, multiculturalisme, discours dominant / discours subalterne, travail de mémoire… : les questionnements qu'aborde la pièce sont contemporains et méritent une sensibilisation précoce auprès du jeune public, en ce qu'il apporte comme outils pour analyser les productions médiatiques, sociétales, politiques ou même scolaires. Il propose une vulgarisation intéressante de réflexions épistémologiques fondamentales dans le travail de l'historien (construction de l'histoire, origine des sources, mobilisation dans la construction de l'idée de nation, importance de la petite histoire, notion de mémoire…), et que certains enseignants du premier cycle peuvent oublier d'enseigner à leurs élèves.
Si je devais lui adresser quelques points faibles, je dirais que le ton du discours, fort militantiste, ne donne pas d'armes apaisées pour dépasser les remises en question qu'il fait de l'histoire ou de l'État français. Par ailleurs, il tombe à quelques moments dans la critique gratuite et facile qu'adresse usuellement le grand public à une notion d'État lui étant obscure.
Cela n'en fait en rien un mauvais ouvrage, car des armes il en donne d'autres, indispensables elles aussi, et insuffler l'espoir de changer les choses est précieux à cet âge ! En revanche, je conseille un accompagnement pédagogique de qualité aux élèves l'abordant, afin que leur soient donnés les outils qu'il leur manque pour transcender le propos de la pièce, et pour les engager dans un propos plus citoyen que réactionnaire.