Dans La civilisation des Arabes, ouvrage qui sera réédité en 1969 en Algérie, et dans lequel il révèle à l’Occident une civilisation encore mal connue, il écrit : « Au point de vue de la civilisation, bien peu de peuples ont dépassé les Arabes, et l’on n’en citerait pas qui ait réalisé des progrès si grands dans un temps si court. Au point de vue religieux, ils ont fondé une des plus puissantes religions qui aient régné sur le monde, une de celles dont l’influence est la plus vivante encore. Au point de vue politique, ils ont créé un des plus gigantesques empires qu’ait connus l’histoire. Au point de vue intellectuel et moral, ils ont civilisé l’Europe. Peu de races se sont élevées plus haut, mais peu de races sont descendues plus bas. Aucune ne présente d’exemple plus frappant de l’influence des facteurs qui président à la naissance des empires, à leur grandeur et à leur décadence. »
Rentré à Paris, Gustave Le Bon se passionne brusquement pour les sciences. Successivement, il se penche sur les variations du volume crânien, la « lumière noire », l’asphyxie, les levers photographiques, les espèces chimiques, les appareils enregistreurs. Il crée la première horloge se remontant elle-même grâce aux variations diurnes de température. Un jour, près de Paris, son cheval s’emballe et manque de le jeter à terre. L’incident est le point de départ d’une réflexion qui aboutira à un traité de psychologie équestre : L’équitation actuelle et ses principes.
Dès 1896, Le Bon démontre la fausseté du dogme de l’indestructibilité de la matière. Il établit l’équivalence de la matière et de l’énergie, dont la chaleur, la lumière et l’électricité, ne sont que des formes instables. « La force et la matière, écrit-il, sont deux formes diverses d’une même chose. » Il ajoute que « le savant qui trouvera le moyen de libérer économiquement les forces que contient la matière changera presque instantanément la face du monde ». Développées dans L’évolution de la matière (1905) et dans L’évolution des forces (1907), ces affirmations soulèvent de sérieuses polémiques. Elles ne font pourtant qu’anticiper la théorie de la relativité, qui sera mise au point par Einstein entre 1912 et 1917.
On a constamment accusé Rousseau de prétendre que la société n’est pas l’état naturel de l’homme, et qu’il convient d’en revenir à l’état de nature, conçu comme une sorte d’âge d’or ou de paradis perdu. C’est un contresens total. Non seulement Rousseau ne prône aucun « retour à l’état de nature », mais il affirme explicitement le contraire. Le passage de l’état de nature à l’état civil est pour lui irréversible.
Certes, tout comme Hobbes, qu’il critique radicalement par ailleurs, Rousseau commet incontestablement l’erreur de ne pas croire à la sociabilité naturelle de l’homme. Mais c’est précisément parce qu’il ne conçoit pas les hommes comme naturellement sociaux qu’il s’affirme convaincu qu’une société qui conserverait ce trait de nature serait vouée à l’impuissance et à la division. Dans une telle société, dit-il, nul ne pourrait être ni moral, ni sincère, ni même en sécurité. Rousseau exige donc que les individus soient « dénaturés », c’est-à-dire soustraits à l’individualisme et transformés en citoyens patriotes, vertueux et désintéressés, aimant leur cité plus qu’eux-mêmes et recherchant la vertu plutôt que leur propre intérêt.
Ce qu’il veut, c’est déterminer les moyens permettant à l’individu de se défaire de son égoïsme pour s’identifier au tout social, sans pour autant renoncer à sa liberté : « Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, en s’unissant à tous, n’obéisse pourtant qu’à lui-même, et reste aussi libre qu’auparavant. » Telle est la raison d’être du contrat social.
«Penser à» et «penser» tout court ne sont pas la même chose. «Penser à», c'est d'abord simplement ne pas oublier : penser à ce que l'on doit faire le lendemain, penser à faire ses courses, à ne pas manquer un rendez-vous, à aller chercher les enfants à la sortie de l'école. C'est aussi penser au film qu'on vient de voir, à ce qu'on doit faire la semaine prochaine, évoquer des souvenirs, se fixer des projets, caresser des fantasmes. On pense à ce qui nous traverse l'esprit. Penser tout court est un travail. C'est le travail de la pensée : penser la nature de l'homme, penser les lois de l'univers, penser l'essence du politique, le sens de la technique, le sens du moment historique, le sens de notre présence au monde
La société qu’observe Rousseau témoigne d’une aliénation généralisée, qui lui inspire les premières pages du Contrat social : « L’homme est né libre, et partout il est dans les fers. Tel se croit le maître des autres, qui ne laisse pas d’être plus esclave qu’eux. » La première phrase est la plus souvent citée, mais la plus intéressante est la seconde. Rousseau ne se borne pas en effet à dénoncer ceux qui exercent une domination sociale, il affirme d’entrée que ceux-ci sont tout autant « esclaves » que ceux qu’ils asservissent. De façon révélatrice, et bien qu’il soit de toute évidence un adversaire des hiérarchies d’Ancien Régime, Rousseau ne concentre donc pas ses attaques contre l’absolutisme royal. Observateur perspicace, il réalise (et en cela il est très en avance sur son temps) que ce qui gouverne désormais le monde est l’« opinion ». L’opinion est une autorité sans organe, sans lieu d’exercice déterminé, mais dont l’influence se manifeste partout. Or, l’opinion, c’est d’abord l’inégalité, c’est-à-dire une distorsion pathologique des rapports sociaux.
À toutes les époques, des penseurs - des philosophes, des idéologues, des théoriciens, mais aussi des essayistes et des écrivains - se sont consacrés au travail de la pensée. En s'efforçant de penser le monde, ils ont proposé autant de conceptions du monde permettant (ou non) de mieux le comprendre. Le rôle de l'historien des idées est d'examiner ces théories et ces doctrines, d'en comprendre la signification, d'en évaluer la cohérence et la portée, d'en exposer la généalogie, d'en repérer les filiations.
Jean-Michel Vernochet présente la thèse de son livre "Iran, la destruction nécessaire" (éd. Xenia) face, notamment, à Guy Millière, Gérard Chaliand et Alain de Benoist.
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