Aussi Goethe n'accueille-t-il de la réalité orientale que ce qui correspond pour lui à une donnée universelle. s'il considère l'Islam avec sympathie, c'est avant tout parce que pour lui il signifie littéralement "soumission à la volonté divine", et que ce principe est commun à toutes les grandes religions. En particulier, l'anologie avec la doctrine calviniste de la prédestination lui semble patente. Mais, d'un autre côté, cette croyance rejoint sa propre conviction, enracinée dans son spinozisme, de l'existence d'une nécessité à laquelle la volonté humaine est soumise. De la même manière, la religion de la Perse préislamique, avec ses adorateurs du feu soucieux de préserver la pureté des éléments, qu'il fait revivre dans le livre des Guèbres, n'est pas sans rappeler sa théologie de la lumière et son profond respect de la nature.
Appuyé sur une solide documentation, puisée à la fois dans les récits de voyage et les travaux des meilleurs orientalistes, -et la liste des ouvrages consultés est tout à fait impressionnante-, Goethe initie le lecteur allemand, qui pourrait être désorienté, aux particularités de la littérature persane classique. Car si "ce qui est humain se reproduit dans tous les peuples", il prend une forme particulière dans chacun d'entre eux.
Derrière l'Orient vu comme zone d'influence de la religion coranique et comme berceau des grandes civilisations y compris l'européenne, se profile peu à peu un orient imaginaire. Ecran de projection d'une quête tout à fait personnelle, ce dernier s'ouvre sur une dimension davantage spirituelle, voire mystique.
La présente étude s'inscrit dans un ensemble de recherches sur la perception des religions et pensées indiennes dans l'espace germanophone et sur les interactions culturelles qui en résultent. (...)
La fin du XVIIe siècle marqua le début d'une confrontation culturelle majeure pour l'Europe et pour l'histoire des rencontres interculturelles qui ont façonné son identite: la rencontre de l'Inde. Dans ce contexte la Gitâ occupe une place éminente.
"Je ne trouverai jamais ce que je cherche, jamais je ne réaliserai la fusion entre la faible lueur qui existe en moi-même et le grand flot de lumière en dehors de moi ! Ce n'est que sous forme de symbole, de métaphore et d'image -ce n'est que par manifestation indirecte que l'objet de ma quête plous ou moins se dévoilera !"
Hahn-Hahn. Lettres orientales