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4,19

sur 597 notes
Ecrire une critique de cette oeuvre monumentale de Dante, est une mission impossible, même je crois pour un chercheur ou un "dantologue", alors lorsqu'il s'agit d'un modeste lecteur, il lui faut rester modeste, respectueux, et le plus qu'il puisse faire est de déposer un petit commentaire.
Tout d'abord, après avoir découvert L'Enfer, le Purgatoire, et le Paradis en compagnie de Dante guidé par Virgile, Béatrice puis Saint-Bernard, il faut se garder de crier victoire, en claironnant : J'ai lu La Divine Comédie en totalité... oui certes parcourir ce livre et ses notes, qui représentent plus de huit cents pages, n'est pas une mince affaire. le manuscrit n'est pas facile, truffé de références qui ramènent à l'Antiquité, aux auteurs anciens, au Moyen-Age, à la ville de Florence au 13ème siècle, à la politique, à la religion (aux prélats), à la théologie, à La Bible... Même si on le lisait cent fois, je crois qu'il y aurait toujours à découvrir et à approfondir avec ce livre. Alors le lire une première fois est une leçon d'humilité, et renvoie à d'autres lectures, ne seraient-ce déjà que l'Ancien et le Nouveau Testament, et aussi les Evangiles... et puis Homère, Virgile, Aristote et tant d'autres. Il faut aussi se plonger dans l'Histoire du monde de cette époque moyenâgeuse, et pas se contenter de survoler l'histoire de la ville de Florence. Il faut aussi bien saisir l'ordonnancement moral de L'Enfer, du Purgatoire et du Paradis, ces trois parties étant bien distinctes. Et surtout il faut essayer de décoder le message qu'a voulu laisser Dante à la postérité. Pour un lectrice basique, telle que je peux me définir, la découverte de ce texte, qui a traversé les siècles, s'est avéré ardu, assez pénible aussi du fait des très nombreuses notes qui font suite aux vers du poète. La première partie du Paradis m'a aussi semblé complexe et assez monotone... le traducteur de l'ouvrage, Alexandre Masseron, reprend lui-même, cette note d'Etienne Gilson : "On ne peut pas comprendre le sens ultime de la Divine Comédie sans avoir pris contact avec la personne et la théologie mystique de saint Bernard..." Une oeuvre que je suis heureuse d'avoir "survolée", mais un ouvrage à relire à maintes reprises pour pouvoir en partie l'assimiler.
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J'ai enfin trouvé ce que je cherchais ! Une édition qui accompagnât ma découverte du chef d'oeuvre de Dante qui je l'avoue m'effrayait beaucoup.
Il s'agit de l'édition folio bilingue qui propose des morceaux choisis, de longueur variable, des trois parties. Chacun d'eux est précédé d'un résumé très clair sans glose fastidieuse. L'idée a été d'abord et avant tout de donner une idée du contenu plutôt que de commenter la forme. Elle s'impose d'elle-même en lisant le chant en italien. La préface de Gérard Luciani est un modèle de pédagogie. Elle est accompagnée d'une petite iconographie ; de cartes et de descriptions de l'outre-tombe en général puis de l'Enfer avec une liste très bien faite qui permet au lecteur de bien se repérer.

"Au milieu du chemin de notre vie, je me retrouvai
dans une forêt obscure car j'avais perdu le droit chemin".
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Je n'aurai garde de critiquer Dante, pour ne pas finir dans son Enfer. Je me limiterai plus modestement à la présente traduction de J-C Vegliante, parue en Poésie Gallimard et donc aisément accessible ; maniable, de plus, malgré ses 1200 pages : le poème tient en un fort gros volume mais qui reste quand même un vrai livre de poche. On peut ainsi l'emporter partout, et mieux vaut, car sa lecture, pour envoûtante qu'elle soit, reste longue, lente, ardue. Pareille au chef d'oeuvre lui-même, c'est un périple initiatique dont le prix ne s'obtient que dans les longs efforts, par vertu et patience. Mais quel prix inoubliable !
Il faut savoir gré à JC Vegliante d'avoir tiré de l'italien médiéval un double, sans doute inégalable, du poème, pour nous permettre d'en jouir dans notre langue autant qu'il soit possible. Son parti pris de versification l'emmène parfois un peu loin de l'original (qui figure en regard - d'où les 1200 pages - mais quel bonheur de disposer du texte authentique !), parfois rend la traduction un peu alambiquée, mais la fidélité de l'ensemble paraît au-dessus de tout soupçon et l'on subit avec délices, par ce tour de force, le charme fascinant et immortel de la Comédie. Non la "Divine" Comédie : détail qui a son importance ; on apprend du traducteur qu'il s'agit en fait d'un titre générique, destiné à souligner l'audace au début du XIVème siècle florentin d'écrire en langue vulgaire et non en latin - surtout pour traiter de choses sacrées. La Comédie de Dante recevra l'épithète "divine" au cours des âges, s'agissant d'un des ouvrages les plus fréquentés de la tradition littéraire européenne.
Alternant les vers de onze pieds qui déroutent et les décasyllabes qui rassurent, selon un savant rythme 4/2 - sans rimes toutefois mais, un peu à la manière d'un Claudel, jouant pour l'essentiel sur le halètement produit par ses longues strophes - second Virgile, M. Vegliante nous emmène pour la traversée successive de l'Enfer, du Purgatoire et (non, là c'est Béatrice...) du Paradis, avec un souffle épique, mystique, politique, tout à fait étonnant. le choix de ne donner que peu de notes, ramassées au début de chaque chant, et entre les trois cantiques, est à notre avis judicieux : certes, on reste quelquefois perplexe devant les allusions...perdues ("les allusions perdues" pourrait décrire assez bien l'impression générale produite par ce livre chez le lecteur vierge de culture italienne médiévale); mais ce que l'on perd en références, on gagne en légèreté, et, comme dit plus haut, en rythme : le pari du traducteur est ainsi gagné.
Une expérience que cette lecture improbable, entre deux produits du prêt-à-porter littéraire contemporain ! A recommander absolument, elle ne laisse pas indemne.
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Etant parvenue à un âge avancé, je commence à me préoccuper de ce qui m'attend dans l'Au-delà. Mes nombreux péchés et mauvaises actions, je les confesse volontiers. Mais il m'a paru utile de me renseigner sur ce qui me fera regretter de ne pas aller au Paradis.
Alors autant consulter un vrai guide du Routard qui a fait ses preuves, bien documenté, infos de première main, et avec les illustrations pour ne pas se perdre en chemin. Au premier abord, il semble curieux que ce texte unanimement apprécié qui décrit en détail les tourments des damnées soit classé dans la catégorie "Comédie". Comme si c'était une bonne blague d'aller rôtir dans les flammes et de se faire piquer le cul par les fourches des suppôts de Satan. Moi je mettrais ça plutôt dans "épouvante" ou "film gore".
Mais bon, le sens de l'humour de M. Alighiéri a dû m'échapper. Car dans ce périple aux Enfers, rien de très réjouissant. Une forte odeur de roussi, de la fumée qui pique les yeux et la gorge, des hurlements de souffrance, des visions épouvantables, et nulle pitié à attendre des bourreaux qui châtient les coupables. Les trafiquants sont jetés dans la poix, les magiciens marchent la tête à l'envers, les usuriers sont assis sous une pluie de feu, les suicidés changés en arbres, les dissipateurs déchirés par des chiennes, les hérétiques jetés au fond d'un cratère, ou dans une tombe brûlante, les gourmands noyés dans une eau glaciale et les luxurieux emporté par un ouragan.
Une question me hante: qu'arrive t-il aux gourmands luxurieux ou aux hérétiques usuriers? Certes, l'Eternité, c'est très long, surtout vers la fin.
On peut donc profiter de plusieurs supplices, surtout si on a beaucoup péché.
Mais vous aurez compris que, malgré le ton humoristique de mes propos, je n'en mène pas large. En attendant, et avant que la Faucheuse ne vienne sonner à ma porte, je me réjouis de compulser ce beau livre qui restitue une bonne partie d'une édition commandée par Lorenzo di Pierfrancesco de Medici au XVè siècle à Botticelli, et qui fut dispersée aux quatre coins de l'Europe. Ici sont réunis le texte intégral du poème de Dante et les illustrations du peintre toscan. Une histoire du manuscrit et une présentation du texte permettent de situer ces oeuvres et de mieux les saisir.
Un magnifique cadeau pour soi ou à offrir. Une bonne trouvaille du Père Noël, car en 2017, j'ai été bien sage.
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« La Divine Comédie » de Dante Alighieri… J'avoue ressentir une forme de soulagement, de plaisir à me rendre compte que j'ai lu un tel livre… Il me faisait peur, parce qu'il était connu pour sa difficulté, sa précision, sa richesse. C'est une oeuvre littéraire qui traverse les époques et les frontières culturelles pour devenir l'une des pièces de la littérature mondiale reconnue et saluée. Écrite au XIVe siècle, cette épopée poétique en trois parties, composée de l'Enfer, du Purgatoire et du Paradis, dépeint le voyage de Dante à travers l'au-delà, guidé par le poète romain Virgile. Cette oeuvre offre une profonde méditation sur la condition humaine, la moralité, la rédemption et la quête spirituelle.

L'Enfer, la première partie, est une descente aux enfers littéraire, où Dante explore les cercles infernaux peuplés de pécheurs condamnés à des châtiments spécifiques en fonction de leurs péchés. C'est une vision saisissante et terrifiante de la damnation éternelle, où Dante nous rappelle les conséquences de nos actions sur notre destin. Les personnages rencontrés s'approchent de lui et se confessent, partageant ou déposant un peu de leur souffrance. On fait la connaissance de nombreuses personnalités, ayant réellement existé.

Le Purgatoire, la deuxième partie, offre un contraste d'espoir. Les âmes purgées de leurs péchés travaillent à leur rédemption dans l'attente de l'entrée au Paradis. Dante utilise cette étape pour explorer la nature de la repentance et de la purification, montrant que même les âmes les plus égarées ont une chance de rédemption. S'agit-il de pardonner, de se pardonner… ? À plusieurs reprises, Dante est observateur, mais aussi reçoit la parole des âmes.

Enfin, le Paradis, la troisième partie, nous emmène dans les sphères célestes où Dante atteint la vision béatifique de Dieu. C'est une exploration de la félicité éternelle et de la connaissance divine. Dante exprime ici une beauté céleste indescriptible, qui contraste avec les horreurs de l'Enfer. En même temps, on y sent une forme de félicité, en même temps le poids de cette « perfection » souhaitée. Je l'ai ressentie ainsi.

Ce qui rend "La Divine Comédie" encore plus fascinante, c'est sa richesse culturelle et sa profondeur intellectuelle. Dante a peuplé son oeuvre de personnages historiques et contemporains, principalement italiens, créant ainsi une fresque vivante de la société et de la politique de son époque. La maîtrise de Dante du langage, à la fois soutenu et poétique, ainsi que son utilisation de références religieuses, mythologiques et philosophiques, ajoutent une couche de complexité à l'oeuvre. Cela a pas mal alourdi ma lecture, l'édition que je possède présente chaque personne, ou presque, nombre d'âmes, nombre d'histoires, difficile de les retenir. Quant aux références, je pense que se lancer dans « La Divine Comédie » demande un certain bagage de connaissances générales et spécifiques.

La lecture demande qu'on lui consacre du temps, de la patience et même un bon dictionnaire à portée de main pour ma part tellement il regorge de vocabulaire recherché et soutenu, mais c'est une expérience gratifiante également que de se plonger dans ce voyage. Les gravures et la qualité de l'édition peuvent faciliter la compréhension, tout en offrant une dimension visuelle à l'oeuvre. Et les gravures de Gustave Doré, un réel plaisir visuel pour ma part, car j'aime ce choix de noir et blanc, brut, ces traits fins, ces ombres… J'ai vraiment regretté qu'elles ne soient pas plus présentes et nombreuses.

En bref : "La Divine Comédie" est une lecture intemporelle qui continue d'inspirer la réflexion sur la nature humaine, la spiritualité et la condition de l'âme. Elle nous rappelle que nos actions ont un impact durable et que la quête de la rédemption et de la connaissance peut être à la fois exigeante et profondément gratifiante. Une lecture au calme et une immersion dans l'univers complexe de Dante révèlent l'essence même de cette oeuvre magistrale. Elle apporte une réflexion, peu importe notre religion ou nos croyances, les réflexions sont supérieures et individuelles. Une très belle découverte.

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Quelle merveilleuse trilogie! Ces livres m'ont touchée au plus profond du coeur. Dante nous emmène dans un cheminement hors du commun,celui de l'âme en quête de compréhension et de perfection divine.J'ai adoré!
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Divine, oui, comédie, pas vraiment! On touche au divin dans ce roman, qui raconte le voyage de Dante aux enfers puis au paradis, où il va côtoyer tous les hommes illustres de son époque, mort de toutes les manières, certains attendant en enfer, d'autres heureux au paradis. On ne rit pas vraiment, on est plutôt effaré de toutes ces morts suspectes et de beau pays qu'est le paradis.
Il faut avoir un bon appareil critique pour comprendre qui sont tous ces Florentins, Génois ou Vénitiens, mais petit à petit, on d'habitue à cette longue énumération, à ces visages et on est impressionné par la construction du récit, toute en rapport avec les cercles concentriques des enfers et du paradis.
Dante n'est pas totalement novateur, il reprend L'Enéide de Virgile mais il ne fait pas que l'imiter, il lui donne une dimension chrétienne et mystique.
Il y a des descriptions merveilleuse et l'amour pour Béatrice semble intemporel.
D'autres s'y sont essayé, on pourrait faire une divine comédie pour chaque siècle de notre ère, mais peu arriveront au génie de Dante, à la qualité et la complexité de ce texte.
C'est long mais c'est un incontournable de la littérature mondiale.
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LA BÉATRICE
Dans des terrains cendreux, calcinés, sans verdure,
Comme je me plaignais un jour à la nature,
Et que de ma pensée, en vaguant au hasard,
J'aiguisais lentement sur mon coeur le poignard,
Je vis en plein midi descendre sur ma tête
Un nuage funèbre et gros d'une tempête,
Qui portait un troupeau de démons vicieux,
Semblables à des nains cruels et curieux.
À me considérer froidement ils se mirent,
Et, comme des passants sur un fou qu'ils admirent,
Je les entendis rire et chuchoter entre eux,
En échangeant maint signe et maint clignement d'yeux :
— « Contemplons à loisir cette caricature
Et cette ombre d'Hamlet imitant sa posture,
Le regard indécis et les cheveux au vent.
N'est-ce pas grand'pitié de voir ce bon vivant,
Ce gueux, cet histrion en vacances, ce drôle,
Parce qu'il sait jouer artistement son rôle,
Vouloir intéresser au chant de ses douleurs
Les aigles, les grillons, les ruisseaux et les fleurs,
Et même à nous, auteurs de ces vieilles rubriques,
Réciter en hurlant ses tirades publiques ? »
J'aurais pu (mon orgueil aussi haut que les monts
Domine la nuée et le cri des démons)
Détourner simplement ma tête souveraine,
Si je n'eusse pas vu parmi leur troupe obscène,
Crime qui n'a pas fait chanceler le soleil !
La reine de mon coeur au regard nonpareil,
Qui riait avec eux de ma sombre détresse
Et leur versait parfois quelque sale caresse.

Baudelaire fait du rire de la sainte le rire d'une démone parmi les démons alors que Dante dessine sur la bouche de Béatrice le sourire de Mona Lisa. Assurément, ils ne parlent pas de la même femme.

Dante, contemporain de son premier amour, fait de Béatrice l'Éternel féminin, elle qui fait l'offrande de ses larmes et qui descend jusqu'en enfer pour demander secours à Virgile, afin qu'il apporte son soutien à Dante, qu'il soit le soutien, le bâton du pèlerin qui l'a tant aimée, celui qui s'apprête à gravir la montagne du premier chant de la Comédie. Ce texte est une initiation contre la peur, la lâcheté étant par ailleurs le premier des vices à être puni dans l'Enfer de Dante. L'initié doit dépasser sa peur (de la mort ?) franchir les différents cercles, pour aller au-delà, il doit passer par des chemins escarpés, faire la traversée, et Virgile le mène à travers la vallée des ombres de la mort, parce que Dante, ne pouvant gravir la montagne a fait demi-tour, il revient sur ses pas aussi s'apprête-t-il à revivre les épreuves du royaume des ombres en empruntant “la route abrupte et sauvage”. Il entre dans l'outre-tombe dès le chant II. Il passe la porte et son inscription et il est dit plus loin de cette porte qu'elle est “la porte dont le seuil n'est interdit à personne”. En effet, l'Enfer reste le plus accessible dans la Comédie de Dante et c'est en Enfer qu'on crie ce qui n'est en vie et c'est là qu'il sonde les abymes.

La catabase permet de faire revenir les morts à la vie et Dante, vivant, chemine parmi les morts-vivants qui souffrent et qui se lamentent. Les corps sans corps sont suppliciés, les ombres souffrent de mille tourments et chaque peine est associée au crime. Dante verse des larmes de compassion et souffre le martyre en compagnie des damnés mais il est terrifié par ce qu'il voit. Les scènes se répètent sans se répéter : ils souffrent tous mais ils sont selon l'espace qui leur est assigné : ébranlés par un tremblement de terre, lacérés dans la forêt des suicidés, pris dans un déluge qui les emporte dans un maelstrom comme dans un puits sans fond, réduits en cendre par de la lave, asphyxiés par du soufre, brûlés par le sable sous leurs pieds, assaillis par le ciel qui leur tombe sur la tête comme une pluie de feu. Les flammes de l'enfer ne suffisant pas, toutes les catastrophes naturelles que l'histoire a vécu sont invoquées pour faire souffrir les condamnés. Au fin fond des enfers, Lucifer, qui attire à lui les autres cercles, apparaît dans un éternel hiver, au pôle extrême du Paradis après sa Chute. Ici, les larmes des damnées sont vitrifiées par le gel. Étrangement, il n'y a aucun feu, aucune chaleur, dans le dernier cercle des Enfers. Le portrait de Lucifer est saisissant, puisqu'il apparaît telle une figure de l'Apocalypse comme un monstre à trois faces, plus géant que les géants. Il insuffle l'effroi glacé et il apparaîtrait sublime s'il n'était pas l'horreur elle-même incarnée. Dante parcourt son corps et voir le Grand Ver Maudit avant qu'ils remontent vers les étoiles, laissant derrière eux l'étoile déchue (Lux-cifer), le Porteur de Lumière. Traître parmi les Traîtres avec ses ailes de chauve-souris dévorant les grands traîtres de l'histoire, à la fois celui qui les supplicie tous et celui qui est le plus supplicié d'entre tous.

L'allégorie permet de raconter ce qui ne peut être raconté et les figures de Dante seront de plus en plus abstraites, jusqu'à devenir chantées et chiffrées. Dante propose une réflexion sur l'illusion, sur le vrai et le faux, en langue vulgaire et sublime, et “le vrai semble un mensonge” alors même qu'il crée sa “fabula”. Il donne à voir comme au théâtre la représentation des ombres étant lui-même une ombre dans son tableau. Il s'inspire bien sûr de Virgile dont il fait son guide ( il s'inspire de l'Eneide et de sa descente aux enfers mais pas seulement) mais il ne se présente pas comme un héros, il se contente d'être le spectateur des visions qui s'offrent à lui et l'auditeur de ceux qui viennent se présenter à lui. Il rencontre pas mal de personnes qui ont perdu de leur renommée que j'ai sitôt rencontrés sitôt oubliés, mais je suis surprise de certaines de ses rencontres, dont celles des voleurs au chant XXV des Enfers car le morceau qui s'étend de la page 289 de mon édition à la page 295 est un tour de force poétique où l'homme se transmue en serpent et le serpent en homme. En fait, il est assez incroyable de voir en quoi la description d'une scène horrible peut être belle et Dante m'a rappelé ce passage d'Horace dans l'Art poétique où il parle du monstre à tête humaine mais à l'encolure de cheval, au corps d'oiseau et à la queue de poisson mais au buste de femme. Horace en fait le contre-exemple de l'harmonie poétique mais c'est paradoxalement poétique.

La langue de Dante décrit de plus jolies choses au sortir des Enfers, mais le visible n'est pas toujours lisible.
Je m'attache à partir d'ici à décrire ce qui a retenu mon attention parmi tout le reste, le reste restant hors de ma portée.

Au Purgatoire, on attend la suite, la fin ou l’Éternité et l'attente s'éternise. Le lecteur doit prendre son mal en patience s'il veut voir la Béatrice de Dante, qui n'apparaîtra qu'à la fin du Purgatoire. Le poète accomplit un rite de purification sur l'île où se trouve la montagne qu'il lui reste à gravir avant d'atteindre au Paradis. Il voit ceux qui ne gravissent pas la montagne, coupables de leur négligence. Dante perdra conscience dans la vallée des fleurs au chant de Te lucis ante. Il rêve d'une lumière éclatante, d'un incendie, et découvre au réveil que Sainte Lucie, patronne des aveugles, l'a porté jusqu'aux Portes du Purgatoire. Le gardien des Portes le marque de sept P sur son front, et ces marques s'effaceront au fur et à mesure de sa progression ; son parcours lui permettant de s'amender ainsi se rend-il digne, en cheminant, de la Grâce qui lui est accordée. Mais il reste troublé par certaines visions dont celle page 625 de la femme in-forme aperçue en songe qui le jette dans la confusion. La femme éparse s'assemble et se présente comme une sirène le charmant de son chant. Virgile le met en garde et la présente comme l'antique sorcière. Dante voit Béatrice sous un arbre pour y voir une seconde plus tard une putain lascive en compagnie d'un faune géant, et la vision s'estompera dans la sylve. Il y a quelques ombres dans le tableau qui inspireront sans doute Baudelaire. Dante est-il tenté ? En tout cas, il semble que tout n'est qu'illusion mais qu'en est-il de sa quête de Vérité et de Beauté ? Dante rêve encore d'une jeune fille cueillant des fleurs et de sa sœur se mirant dans un miroir, et on lui explique que la Beauté vient de l'ouvrage et de la vision. Dante traversera le mur de feu bien qu'il s'en effraie et le feu qui le brûle le purifie. Il profitera dans les dernières pages du Purgatoire du jardin d’Éden, inspiré des Bucoliques de Virgile, en compagnie de Béatrice. Le jardin sert de cadre à leurs retrouvailles et c'est le jardin de l'âge d'or, le jardin de la Belle Dame, figure du printemps renouvelé et de la fertilité, figure de la Muse. Au chant XXX, Béatrice apparaît sur un char alors qu'on entend le Cantique des Cantiques entonné par la procession, et elle porte les attributs de Minerve (couronne d'olivier). Il tombe en larmes, abandonné par Virgile. Son cœur fond, la glace se brise, il verse des larmes de repentir en voyant Béatrice. Elle retrace leur histoire et lui fait quelques reproches et l'histoire raconte que son amour à lui faiblissait alors même qu'elle gagnait en vertu et en puissance. Honte de Dante. Amertume amoureuse. Grâce accordée. Virgile enseignait à Dante l'amour selon la raison et Béatrice sera l'initiatrice de l'amour dans la foi. Elle apparaît telle le mystère féminin en compagnie d'un griffon, telle la sphinge mais ses yeux et son sourire l'apaisent et le conduisent jusqu'au Paradis.

En effet, elle l'y mène après l'avoir fait boire à la source de l'Eunoé, après le Léthé. Il progresse de plus en plus aisément à mesure qu'il se rapproche du Paradis, le chemin étant plus sûr, moins escarpé mais le lecteur ( en tout cas, la lectrice que je suis) progresse de plus en plus difficilement. En effet, les paroles de Béatrice sont difficiles à déchiffrer, Dante est pétrifié et elle lui dira : “la clarté de mon dire t'aveugle”. Elle est celle qui dit la Vérité, qui éclaire, mais elle est paradoxalement sibylline, et la Vérité reste cachée à celles et ceux qui comme moi, ne parviennent pas à déchiffrer ses mots, son sourire ou son rire qui éclate.
Au Paradis, Dante voit les sphères célestes, les joyaux du Royaume, les perles, quintessences de la Beauté. Il admire le vol des anges,qui tourbillonnent comme les étoiles, il entend à grand-peine leur chant. Tout virevolte, c'est la révolution des anges. Ils annoncent le jour du Jugement : diligite iustitiam, qui iudicatis terram. Alors que Dante n'avait de cesse d'interroger autour de lui, parce qu'il a cette soif de savoir, on l'interroge à son tour sur sa foi, sur son espérance. Il est en compagnie de Béatrice et dit d'elle qu'elle est celle “qui emparadise mon âme” et qu'elle est “le soleil de mes yeux” mais à travers elle, il voit le Paradis. Il boit à sa demande de l'eau du fleuve du Paradis comme un enfant le ferait du lait maternel aussi s'efface-t-elle peu à peu parce qu'elle se fond dans la rose éternelle, dans le Royaume où elle siège au 3ème rang. Il y revoit les saintes dont Sainte Lucie patronne des aveugle et il remonte les degrés après avoir parcouru du regard les gradins ou les pétales de la rose, il voit Marie à qui Saint Bernard requiert pour Dante le droit de contempler Dieu et Dante se retrouve tel l'Homme de Vitruve :

"Tel un géomètre, tout entier cloué
à la mesure du cercle, qui ne trouve
nulle idée du principe qui lui manque,
tel j'étais, à cette vision nouvelle :
je voulais voir comment avait pu se joindre
la figure au cercle, et quel lieu elle y scelle ;
mais à cet envol ne suffisaient mes plumes :
or mon esprit fut ébranlé d'un éclair
dans lequel son souhait fut accompli.
Ici défaillit la sublimée vue ;
mais déjà menait mon désir et vouloir,
comme est régulièrement mue une roue,
l'amour qui meut le soleil et les étoiles."*

La fin de la Divine Comédie s'applique parfaitement à retranscrire ma découverte du texte. Ma vue s'est affaiblie étant aveuglée par tant de lumière. Plus on se rapproche de la fin, et plus c'est difficile parce que le chemin n'est pas moins escarpé pour le lecteur qui marche avec ses yeux. D'ailleurs, à un moment, le soleil se réfléchissait sur ma page alors là oui j'étais complètement aveuglée. Mais je vais m'éblouir encore un peu en admirant les gravures de Gustave Doré et les illustrations que Dali a fait de la Divine Comédie.

PS : Je n'ai pas parlé de toutes les références politiques présentes dans le texte mais c'est normal, je n'y ai pas compris grand chose ! Il faut être un monstre d'érudition pour suivre Dante sur ce terrain-là. J'ai compris qu'il déplore entre autres et surtout dans le Paradis la corruption de l’Église, l’Épouse du Christ.

*L'amour apparaît comme l'élément moteur de la Divine Comédie, d'autant plus lorsqu'on se rappelle que la plupart des chants commencent par le relevé de la position des étoiles et qu'il progresse selon la position du soleil dans le ciel.
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La Divine comédie, une oeuvre majeure du Moyen-âge.
En tant qu'ex-étudiante en lettres, elle n'était même pas au programme alors que ce récit est certainement une mine d'or pour nous éclairer sur la vision et les mentalités des gens de cette époque.

Tout d'abord L'Enfer. Récit composé de 33 chapitres qui nous propose de suivre Dante et Virgile dans leur parcours à travers les 9 cercles dont chacun d'eux correspond à la fois à un profil de damnés et aux sanctions qui leur sont appliquées. Deux observations selon moi s'imposent :
- la première, c'est que les gens au Moyen-Age n'hésitaient pas à châtier durement les pêcheurs avec des tortures vraiment cruelles ou dures. Quelle différence quand même avec notre époque si cool et si laxiste qui a banni le mot péché de son vocabulaire et n'applique presque pas de sanction à l'encontre des bourreaux ! Tellement que le nombre de victimes dans l'ombre s'accumule surtout chez les animaux.
- la seconde, c'est que Dante situe l'Enfer sur Terre avec la chute de Lucifer dans cette dimension. C'est vrai qu'au vu de nos conditions de vie sociales, des rapports que nous entretenons entre nous, des règles que nous élaborons et que nous observons, des regards si dépréciatifs (toujours prompts à critiquer ou condamner) que nous nous portons, je suis plutôt d'accord : L'Enfer est sur Terre.
J'ajouterais que le Malebolge, 8è cercle infernal où sont précipités les trompeurs, comprend à lui seul 10 autres niveaux, les fosses. Dante ayant compris sans doute que c'est l'erreur, l'illusion , le faux, l'escroquerie qui pèsent plus lourdement parmi les hommes et qui provoquent le plus de maux. Or, je considère que ce constat est toujours autant d'actualité car s'il y a eu des progrès indéniables dans la connaissance en médecine surtout, le faux est encore dominant dans notre société et soutient des pratiques dégradantes et impactantes.

Ensuite, le Purgatoire. A dire vrai, même si les sanctions sont moins dures, les âmes que rencontrent Dante et Virgile sont quand même durement éprouvées. du coup, j'ai eu un peu de mal à faire la différence avec l'Enfer. Mais je pense avoir compris : ces âmes ont davantage conscience de leurs fautes et s'en affligent elles-mêmes. Elles acceptent aussi de poursuivre l'effort de l'ascension pour gravir la montagne, étant dans la recherche d'un redressement moral, la quête d'une élévation de soi, la croyance en l'existence du divin et sa recherche.

Enfin, le Paradis. C'est le lieu où se trouvent les âmes des bienheureux et celui des élus que Dante voit réunis dans un vaste gradin. C'est le lieu où il y a aussi les anges qui célèbrent Dieu, gravitent autour de lui et reflètent une part de sa lumière. Un jeu de reflet en écho qui chez Dante est symbolisé par le soleil entouré d'étoiles dans une sorte de ballet cosmique. Il y a là aussi Béatrice, figure de la femme aimée, qui montre au poète ses images et lui révèle des vérités en étant devenue son nouveau guide après Virgile. On notera au passage les commentaires sur l'histoire de Rome avec un bref rappel sur la vie des césars ou encore ceux sur l'Italie contemporaine de Dante qui était déchirée par une lutte intestine entre Guelfes et Gibelin. En s'inspirant de la Bible, du thème de l'Eden, Dante replace ces rencontres dans le cadre d'un grand jardin où la nature, la forêt et l'eau occupent une place importante. Quand on sait qu'aujourd'hui, les forêts sont massacrées par les abattages avides ou les incendies, que les sources d'eau se tarissent, les nappes phréatiques sont polluées, les pluies se font plus rares quand ailleurs, ce sont les inondations qui frappent...C'est sûr on est encore plus loin selon moi du Paradis que les contemporains de Dante, à des années lumières qui pourraient être intergalactiques car les distances semblent s'être creusées avec le temps : l'on est passé de la Terre au ciel à celui de la Terre à l'univers quand même.
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Le Purgatoire

Dante, sorti des ténèbres de l'Enfer arrive à l'aube du dimanche de Pâques au Purgatoire. Qui est une montagne qu'il s'agit de gravir pour arriver jusqu'au Paradis, c'est à dire jusqu'à Dieu. le Purgatoire ne figure pas dans la Bible, il apparaît progressivement dans la théologie chrétienne, s'installe vraiment au 12e/13e siècle, même s'il repose sur des pratiques plus anciennes. Il rentrera de manière tout à fait officielle dans la doctrine au concile de Trente (XVIe siècle). le Purgatoire est dans la Divine Comédie un espace de purification, aussi bien pour les âmes que pour Dante lui-même, l'ascension de la montagne du Purgatoire est une sorte de pénitence composée d'étapes, un sentiment l'allégement accompagne la montée, symbolisé par la disparition progressive des 7 P que l'ange a dessiné sur le front de Dante.

Le Purgatoire est composé de 9 parties : un anté-purgatoire, terrasse rocheuse ou demeurent les âmes négligentes, qui n'ont pas vraiment fait le mal, mais qui ont tardé à se repentir. Il y a toute une section réservée aux rois et princes coupables d'avoir négligé la mission politique qui leur a été confiée par la volonté divine. On le verra dans la suite, la dimension politique a une place importante au Purgatoire.
Il y a ensuite sept terrasses, qui correspondent aux sept péchés capitaux, en partant des plus graves jusqu'aux moins graves. Enfin au sommet de la montagne, se trouve le jardin d'Eden, le paradis terrestre.

Le Purgatoire est un lieu paradoxal, car ceux qui y sont consignés expient leurs pêchés, et parfois très durement, presque aussi durement que les damnés de l'Enfer. Mais il y résonne une grande joie, grâce à l'espoir d'arriver à la fin de la pénitence, franchir la porte du Paradis et pouvoir contempler Dieu. C'est donc un lieu entre souffrance et joie, cette dernière s'exprime en particulier dans les chants, les cantiques, dans lesquelles les pénitents célèbrent Dieu. Mais là aussi il y a une ambiguïté : il ne faudrait pas que la musique détourne du but essentiel, qui est de gravir, dans la douleur souvent, la montagne du Purgatoire jusqu'à son sommet. Ce n'est qu'au Paradis que la musique pourra prendre toute sa place, se déployer.

Sur l'anté-purgatoire règne Caton, qui bien que païen et suicidé, a gagné grâce à son amour de la liberté une place dans cet endroit intermédiaire. Il ne pourra jamais monter jusqu'au Paradis, il est à jamais assigné à cette place entre deux mondes.

Les rencontres que Dante fait au Purgatoire sont aussi nombreuses qu'en Enfer. J'ai envie de mentionner deux sortes d'entre elles. Les premières concernent les artistes, surtout les poètes. Dante rend hommage à ceux qu'il admire et se positionne au même niveau qu'eux, montrant à quel point il est conscient de la valeur de l'oeuvre qu'il est en train d'écrire. La première rencontre est celle d'un musicien, son ami Casella, qui a mis en musique l'un des poèmes de Dante, qu'il commence à chanter, avant que Caton ne lui rappelle durement de ne pas se détourner de l'objectif de la pénitence dans les plaisirs de musique et de la poésie. L'art apparaît comme à double tranchant, et les plaisirs qu'il apporte peuvent être dangereux. On se rappelle Francesca et Paolo, menés au pêché, et condamnés à l'Enfer à cause d'un livre.

Deux rencontres mettent particulièrement en valeur Virgile : Sordello, un troubadour, qui exprime une admiration sans borne pour l'auteur de l'Enéide, rejoignant l'admiration de Dante lui-même, puis le poète latin Stace, prêt pour la joie de rencontrer Virgile, de passer une année supplémentaire au Purgatoire, par amour pour l'homme et son oeuvre. La notion d'amour commence à apparaître ici comme une notion essentielle, et elle est exprimée par les poètes. Elle est abordée encore plus explicitement par deux autres poètes, Guinizelli et le grand troubadour provençal, Arnaud Daniel. Dante a été inspiré par eux et il exprimera le secret, le sens névralgique de poésie, comme une proximité avec le principe universel d'Amour. Déjà chez les troubadours, l'Amour et l'écriture étaient inséparables. L'Amour est le moteur des actions humaines. Mais il ne s'agit pas d'un amour purement érotique, physique, comme l'ont décrit certains poètes, comme l'ont vécu Francesca et Paolo et qui les a conduit à la damnation. le principe d'Amour trouvera toute sa place et expression au Paradis, les poètes qui l'ont affleuré sans complètement saisir son principe se retrouvent donc au Purgatoire.

Mais le Purgatoire permet aussi à Dante d'expliciter sa vision politique. Il accorde une grande importance à l'Empire romain, dont il fait un grand modèle, dont il revendique l'héritage. Il exprime l'idée que cet Empire a eu une mission providentielle. Il le voit comme un empire universel, régnant sur le monde. L'Empire romain a été voulu par Dieu : sa stabilité et son caractère universel ont permis l'Incarnation, la venue du Christ. Ce n'est pas une idée vraiment nouvelle, on peut citer au IVe siècle le poète latin Prudence, qui a aussi avancé une telle idée, mais c'était dans le but d'abaisser l'orgueil des tenants de la culture latine traditionnelle : tout ce qu'ils revendiquaient en opposition au christianisme, les vertus, la morale, les victoires, avaient été décidés par Dieu, dans un dessein qui échappait complètement aux Romans eux-mêmes. Dante, en revanche, y voit la base de la légitimité de l'héritage de Rome, aussi bien artistique que politique. Il n'est pas interdit, mais recommandé de lire les auteurs latins, et l'Empire universel est indispensable. C'est l'Empire allemand qui incarne l'héritage de l'Empire romain, qui continue l'histoire de Rome. Dante attribue un rôle central à deux instituions, l'Empire et l'Église. Il faut que ces deux pouvoirs restent distincts, complémentaires. L'Église c'est le pouvoir spirituel, son rôle est de guider les âmes vers le salut, vers la béatitude dans l'autre monde. L'Empire c'est le pouvoir temporel, qui doit permettre le bonheur sur terre, grâce à la justice. Il ne faut pas que l'Empire empiète sur le spirituel, ni que l'Église empiète sur le temporel. Dante placera de grands espoirs dans l'empereur Henri VIII, qui semblait vouloir remplir le rôle que le poète italien assignait à l'Empire, mais Henri ne réussira pas à prendre Florence, et mourra précocement. D'où aussi la condamnation sévère de certains papes, dont Boniface VIII, qui auraient eu des ambitions politiques en désaccord avec leur véritable mission. Même si dans ce dernier cas, des considérations personnelles ont sans doute aussi jouées.

Et d'où aussi une sévère condamnation de la couronne de France. Dante croise ainsi au Purgatoire Hugues Capet, à la terrasse des avares et prodigues :

« Je fus racine de cet arbre mauvais
qui couvre d'ombre toute la chrétienté,
si bien qu'on y cueille rarement un bon fruit. »

La dynastie capétienne est un arbre mauvais pour toute la chrétienté. Dante reproche deux choses aux rois de France. La politique de Philippe visait une indépendance par rapport au pouvoir pontifical, elle visait un pouvoir du roi sur l'Église de France, ce qui empiétait sur le rôle que Dante attribuait à l'Église. Un grand conflit entre la couronne de France et la papauté va voir le jour, Philippe le Bel menaçant de déposer le pape. Mais les visées politiques de la couronne de France s'opposaient aussi à l'Empire. Ainsi, Charles d'Anjou, le frère de Saint-Louis a voulu se substituer aux empereurs allemands en Sicile. Sans oublier l'intervention de Charles de Valois à Florence, qui a provoqué l‘exil définitif de Dante. Il n'y a pas de place dans le système de Dante pour un autre pouvoir politique fort en dehors de l'Empire allemand. Deux ou plusieurs pouvoirs d'une force comparable ne peuvent déboucher que sur un affrontement, des guerres, des violences et des malheurs, de l'injustice. Il faut donc un unique Empire universel. L'Église et l'Empire, chacun à sa place, chacun remplissant sa fonction, sont les deux soleils qui peuvent mener les hommes vers le bonheur sur terre et le salut dans l'au-delà.

Même si Dante attribue une place forte au libre arbitre, les homme ont la liberté de faire le bien ou le mal, il y a une responsabilité de ceux qui ont la charge de les guider, qui ont le pouvoir. Un mauvais gouvernement peut provoquer le mal chez les hommes, et donc ceux qui sont aux postes de responsabilité sont doublement coupables, car ils ont aussi la responsabilité de ceux qu'ils ont poussé au mal.
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