« Quand je suis né , un ange tortu
de ceux qui vivent dans l'ombre
a dit : « Va, Carlos, sois gauche dans la vie »*
J'ai découvert très récemment le grand poète brésilien
Carlos Drummond de Andrade avec la merveilleuse petite anthologie bilingue
Mort dans l'Avion et autres poèmes, traduits par Ariane Witkowsky. Aussi j'étais très contente de dénicher cette volumineuse anthologie à la bibli de mon quartier. J'ai commencé pleine d'enthousiasme. Et je suis tombée sur de grosses pierres au milieu du chemin.
D'abord la quatrième de couverture :
«
Carlos Drummond de Andrade, le plus sédentaire des globe-trotters de la
poésie contemporaine, a parcouru, sans quitter le Brésil, des contrées tropicales où le sens surabonde en excroissances luxuriantes, des territoires polaires où l'on n'entend que la cacophonie de paroles gelées, et des pays tempérés où le vocable ne dit exactement que ce qu' il signifie. »
Quel grotesque charabia pour vanter un poète humble et populaire !
Cette édition date de 1990 et a été rééditée en poche sous le titre La machine du monde ; et autres poèmes en 2005. Il semblerait que la traduction de
Didier Lamaison ait été révisée. Tant mieux car j'ai noté dans celle de 1990 quelques bizarreries dès les premiers poèmes comme ce « tortu » que plus personne n'utilise aujourd'hui.
Et puis je ne comprends pas la traduction pour le moins étrange de « Au milieu du chemin » (p 5) l'un des poèmes les plus fameux du poète brésilien :
Au milieu du chemin j'avais une pierre
j'avais une pierre au milieu du chemin
j'avais une pierre
au milieu du chemin j'avais une pierre.
Jamais je n'oublierai cet évènement
dans la vie de mes rétines tant fatiguées.
Jamais je n'oublierai qu'au milieu du chemin
j'avais une pierre
j'avais une pierre au milieu du chemin
au milieu du chemin j'avais une pierre.
Anne Witkowsky traduisait ‘No meio do caminho tinha uma pedra » par « Au milieu du chemin il y avait une pierre » :
Au milieu du chemin il y avait une pierre
il y avait une pierre au milieu du chemin
il y avait avait une pierre
Au milieu du chemin il y avait une pierre
Jamais je n'oublierai cet événement
dans la vie de mes rétines fatiguées.
Jamais je n'oublierai qu'au milieu du chemin
il y avait une pierre
Il y avait une pierre au milieu du chemin
au milieu du chemin il y avait une pierre.
(traduction d'Ariane Witkowsky )
Cela change carrément la signification de tout le poème ! Et Je ne repère pas de première personne dans le vers de Drummond. Mais Je serai curieuse d'avoir l'opinion d'un lusophone.
No meio do caminho tinha uma pedra
tinha uma pedra no meio do caminho
tinha uma pedra
no meio do caminho tinha uma pedra.
Nunca me esquecerei desse acontecimento
na vida de minhas retinas tão fatigadas.
Nunca me esquecerei que no meio do caminho
tinha uma pedra
tinha uma pedra no meio do caminho
no meio do caminho tinha uma pedra.
Enfin voilà je suis déçue.
*Poema de sete faces
Quando nasci, um anjo torto
desses que vivem na sombra
disse: Vai, Carlos ! ser gauche na vida.