La saga des vierges guerrières tueuses de dragons continue avec ce tome 8 intitulé "Le Choeur des ténèbres" et consacré au thème de la folie...
Ici aussi une histoire très (trop ?) ambitieuse : faire une relecture du "Coeur des ténèbres", le classique de
Joseph Conrad !
Comme si le titre n'était pas assez signifiant, c'est indiqué noir sur blanc dès la 1ère case… Bref ce tome 8 est placé sous le signe de l'hommage.
Les premières images nous rappellent aux bons souvenirs de "La Quête de l'oiseau du temps" de Serge le Tendre et
Régis Loisel, mais la chevalière Marly présente de faux airs de Sonya la rousse et Joseph (encore un clin d'oeil à
Joseph Conrad et son oeuvre) de faux airs de
Conan le barbare, tous deux créations de
R.E. Howard (cela nous offre quelques belles planches pleines de morts, de sang et violence).
Les scènes horrifiques de cette BD (2009) m'ont rappelé aux bons souvenirs des films "The Descent" (2005) et "The Burrowers" (2008). Et en cours de route l'hommage au "Coeur des ténèbres" peut se muer en hommage à "Apocalypse Now". Et la belle et amère fin, emprunte à quelques classiques des mondes des comics ou du manga.
Et puis cette histoire de chevalière envoyée par son ordre régler le compte d'une camarade ayant sombré dans la folie, cela fait très "Claymore" de Norihiro Yagi, n'est-ce pas ? ^^
Ce tome est l'histoire d'un voyage à travers l'obscurité d'une jungle mystérieuse, mais aussi un voyage initiatique, où la chevalière Maly est confrontée à elle-même. Un voyage où rêves et réalité se mêlent, et où la folie ronge les soubassements de la raison.
On comprend vite que cela ne tourne pas rond dans la caboche de la chevalière Marly, victime d'hallucinations :
- elle entend les voix qu'elle a entendu consciemment ou inconsciemment au cours de son passé, ce qui nous en apprend quelque peu sur sa personnalité, sauf qu'à la fin le flashback devient flashforward et qu'on entre dans le postmodernisme...
- elle entend les descriptions du narrateur dont on suit les déclarations au fil des phylactères : on est en plein postmodernisme (c'est génial ou c'est bidon, c'est à vous de vous faire une opinion !)
- elle entend régulièrement un mystérieux chant
Et on ne saura jamais si c'est ou si ce n'est pas celui des monstres-esclaves de l'exploitation d'enoire de Krista.
Pour ne rien gâcher, elle est aussi atteinte de crises de violence sanguinaire, spécialement quand on la traite de folle… ^^
Ce qui nous fait dire qu'elle est carrément bipolaire puisque qu'elle pleure sur le sort des victimes du veill, dont elle conteste l'honteuse utilisation, avant de les tuer sauvagement sur un coup de sang…
On comprend vite aussi qu'il a anguille sous roche : il y a un dragon à affronter, mais on n'en parle peu, il y a une expédition pour le tuer, mais Marly n'est fait pas partie… du coup pourquoi la chevalière Marly veut-elle rejoindre la chevalière Krista ?
Outre la folie du personnage principal, ce qui rend difficile la reconstitution de puzzle scénaristique c'est les ambigüités des personnages secondaires :
- que recherche le barbare musclé Joseph en entretenant une relation intime avec la guerrière vierge Marly ? Visiblement sa vision nietzschéenne de l'existence, mais c'est tout sauf clair…
- pourquoi la chef Hariane recherche-t-elle la première occasion pour se débarrasser de la chevalière Marly ? mystère
- pourquoi les membres du deuxième campement pratiquent-ils sacrifices humains et auto-scarifications ?
- que souhaite belle-nièce en jouant les stalkers vis-à-vis de Marly, et qui recherche la proximité des victimes du veill qui vont finir par la dévorer vivante ? WTF !
- que recherche bel-oncle qui accompagne Marly aussi loin que faire se peut avant de se muter en monstre en 1 case ? WTF !
J'ai lu, relu et rerelu la BD en long en large et en travers, mais je n'ai pas trouvé les noms des deux personnages…
Malgré un scénario pas facile d'accès, il y avait largement moyen d'apprécier l'histoire.
Mais les dessins de
Fabrice Meddour, colorisés par
Stéphane Paitreau, m'ont à la fois fait entrer dans le truc et fait sortir du truc…
Dès le départ ça ne va pas avec cette chevalière en body noir échancré et en corset de cuir rouge, destinés à montrer ses cuisses de face et ses fesses de dos. Qu'importe puisque de toutes les manières on aura droit ici ou là à des planches bien boobées.
Mais ce qui ne va vraiment pas c'est le charadesign sans aucune constance… Les personnages changent de traits d'une page à l'autre voire d'un case à l'autre. Pour l'héroïne, cela pourrait être une expression de sa schizophrénie, mais au vu des petites approximations de proportions, d'anatomie et de symétrie, je n'y crois guère. C'est tellement olé olé, que parfois je me suis emmêlé les pinceaux entre quelques personnages…
C'est d'autant plus dommage que les décors et les créatures assez voire très réussis participent eux pleinement à l'ambiance lourde et pesante qui colle parfaitement au scénario. Mine de rien, c'est un peu du gâchis ! Si les graphismes n'avaient pas été si inégaux, j'aurais passé outre les ambiguïtés du scénario et j'aurais mis 4 étoiles sans hésiter davantage.
Cette série est capable du bon comme du moins bon, du meilleur comme du pire, donc ce tome-ci celui-ci ne reflète pas la valeur d'ensemble de "La Geste des chevaliers dragons".