La poésie d'Angellier, fermement ancrée dans une antiquité littéraire et fantasmée, convoque les images de la nature ensoleillée et célèbre l'amour au sens large, adressé à l'humanité par un messager solitaire (le poète, le sage).
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Les anciens oliviers qui peuplaient la vallée,
Fière d'eux autrefois, aujourd'hui désolée,
Les anciens oliviers dont vivaient les moulins
Aujourd'hui lézardés en leurs muets déclins,
Sont tombés un par un, sans merci, sans relâche,
Arrachés par la bêche, abattus par la hache.
Lorsque mes doigts noueux ne pourront plus courir
Sur le tuyau poli, ni fermer, ni rouvrir,
En mesure, les trous où les airs se modulent
Qui souples et légers autour des mots ondulent,
Lorsque ma lèvre lourde et mon souffle trop court
Ne le rempliront plus que d'un son lent et sourd
Qui ne sait plus jaillir en note claire et vive,
Mais se traîne avec peine alourdi de salive,
Je suspendrai ma flûte au tronc d'un pin sacré,
Et, sous les rameaux noirs assis, j'écouterai
L'imperceptible bruit que la brise sonore,
En sifflant dans ses trous, lui fera rendre encore.
Je rêvais et voici ce que je vis en rêve :
Penché sur un métier, tel que ceux où, sans trêve,
Les femmes à la main rapide et voltigeante
Font aller et venir la navette fréquente,
D'où naît le souple lin et la solide toile
Qui seront la tunique ou la robe ou le voile,
L'Amour, du geste adroit des plus vieux tisserands,
Tissait un tissu fait de deux fils différents.
Je suis celui qui passe en chantant dans la nuit,
Je consens qu'on ignore et mon nom et ma face,
Le chanteur inconnu que personne ne suit,
Et dont nul au matin ne trouvera la trace.