Mais, là aussi, Marion Russell a décidé de ne plus le fabriquer, insuffisance de rentabilité oblige. Ces remèdes ne peuvent-ils alors être produits à faible prix par les gouvernements dans l'intérêt de leur population? C'est l'option qui a été choisie au Brésil, en Thaïlande et en Afrique du Sud pour fabriquer localement des traitements contre le sida et la méningite à cryptocoque, une maladie mortelle souvent liée au virus HIV, sans passer par les brevets des grandes compagnies. Immédiatement, les grands laboratoires pharmaceutiques Hoffmann-LaRoche, Pfizer et autres ont consacré une partie de leur précieux capital à porter plainte auprès de l'OMC et à exiger du gouvernement des Etats-Unis qu'il prenne des mesures de rétorsion. En Thaïlande, les pressions ont abouti à l'arrêt de la fabrication de la molécule salvatrice, les Etats-Unis ayant menacé les autorités thaïlandaises de taxer leurs exportations. Au Brésil, en revanche, le gouvernement semble pouvoir continuer à lutter contre la pandémie de sida avec ses productions locales à bas prix car il a menacé les compagnies de diffuser ses procédés de fabrication à d'autres pays.
Dans le système CGE, l'eau a la couleur du service public; elle en a l'odeur; elle est délivrée comme un service public. Mais, quand les consommateurs paient leur abonnement et leur consommation, ils constatent que ce n'est pas un service public. Car la tarification fait toute la différence. Pourtant, les petits montants des factures d'eau devraient être indolores. De toute façon, qu'ils souffrent ou non au règlement de leur facture, en tant qu'abonnés, les consommateurs sont obligés de payer. Là réside l'intérêt pour le distributeur d'un système dans lequel l'usager est prisonnier d'une prestation nécessaire à sa vie, sans réel pouvoir de négociation et souvent endormi par le service qu'il reçoit sans y penser quand il ouvre son robinet.
Une telle déclaration résume bien le message fondamental du libéralisme: toute la liberté pour les firmes, et toutes les charges pour les Etats à qui elles font la bonté de leur permettre de les accueillir, mais en exigeant de limiter au maximum les taxes et les réglementations, car sinon elles partent ailleurs. Nombreuses sont les firmes multinationales qui adhèrent à cette conception et n'admettent comme seule loi que la défense de leur "valeur actionnariale" c'est-à-dire l'estimation par les marchés boursiers de la valeur de leur groupe.
Le pouvoir des multinationales, pour une bonne partie, vient du secret. Secret sur leurs activités, secret des conditions de fixation de leurs prix, secret concernant leurs négociations avec les Etats et les institutions internationales.
Yacoub Bitocho (Attac au Bénin), au Forum social de Dakar .Yacoub Bitocho (Attac au Bénin), au Forum social mondial 2011 de Dakar (Nina Montagné).