J'ai pris ce livre pour la beauté de son titre. : le soldat et l'intime. Et pour cette sorte de contradiction qu'il évoque : comment le membre d'un groupe aussi structuré et prégnant que l'armée, peut-il encore avoir une vie intime ?
Ne connaissant de militaires ou de policiers ni dans ma famille ni dans mon entourage, je n'ai qu'une idée vague des conditions de leur existence professionnelle et personnelle. Et encore moins de la notion de danger qui accompagne leur quotidien.
Alors, le sous-titre du livre, « Les familles face au traumatisme psychique de guerre » est en lui-même un rappel brutal à la réalité.
Les différentes communications qui composent le livre ne présentent pas toutes le même intérêt. Ou intéresseront différemment les publics selon leurs spécialités. J'ai été séduite par l'étude historique de la reconnaissance et de la prise en compte du traumatisme psychologique qui peut affecter les soldats. A partir de quand a-t-on reconnu la réalité de cette blessure ? Comment les moyens sans cesse accrus de la guerre ont-ils fait évoluer et se multiplier les causes de ces traumatismes ? Quels traitements a-t-on tentés et utilisés pour les soigner ? Chapitre passionnant !
J'ai aimé aussi la communication d'un psychiatre, le Dr Lionel Caillet, qui aborde le sujet avec une belle hauteur de vue, en rappelant que le militaire est un homme ou une femme de parole (par son engagement), d'action et de coeur : « le sens de la vie et la question de l'autre sont au coeur de son existence ». Dès lors, on peut imaginer les dégâts que peut faire un traumatisme de guerre ou de violence sur une personne aussi entièrement engagée.
Pour le reste de l'ouvrage, il parlera surtout aux professionnels soignants et aux personnels de l'armée et de la police qui consacrent leurs efforts à ce sujet. Il intéressera aussi les militaires, les policiers et leurs familles par les précisions apportées sur la définition du stress post traumatique, sur les comportements à adopter face à ce stress, sur les structures d'aide créées pour venir en aide, tant à celui qui souffre d'une « blessure invisible » qu'à sa famille.
Si je devais retenir un seul paragraphe de l'ouvrage, ce serait celui-ci, inséré dans la communication du Dr Caillet : « Victor Frankl, psychiatre viennois ayant survécu à une déportation en camp de concentration, a longuement développé une approche sur le sens de la vie, et la nécessité vitale d'avoir des raisons de surmonter les épreuves de l'existence, que sont la souffrance, la maladie ou la perspective de la mort. Ne plus percevoir en soi et chez les autres, la joie d'aimer et d'être aimé, la possibilité de se sentir et de se savoir aimé, de se sentir et de se savoir capable d'aimer, peut priver un homme ou une femme de ses raisons de vivre. »
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... le rapport aux classes populaires dont sont issus la majorité des militaires du rang, se caractérise par une certaine dureté au mal et une certaine morale de l'endurance, ce qui explique leur silence. Dans ce groupe, on observe un sentiment de culpabilité qui amène les soldats issus de ces milieux à négliger l'échange.
Pour les officiers en état de stress post-traumatique, la parole circule dans le couple... L'aptitude à extérioriser ses sentiments ou ses peurs n'est pas assimilé à de la faiblesse. Le vécu du trauma n'est pas tabou, l'émotion est partagée.
Durant le conflit (14-18), différents termes apparaissent pour désigner ceux qui sont frappés de maladie mentale. Les soldats souffrant de ce mal invisible sont qualifiés "d'hyperémotifs", de "sinistrosés", de "neurasthéniques" ou de "névrosés". Cette diversité dans la désignation révèle bien que la médecine tâtonne. C'est aussi ce qui explique que nombre de malades sont considérés comme étant des "simulateurs". La détection des malades est d'autant plus compliquée que les hommes eux-mêmes éprouvent beaucoup de difficulté à parler de leur mal.
Le SPT (stress post traumatique) touche les personnes qui ont été exposées à un vécu potentiellement traumatique et se manifeste par différents symptômes qui sont :
- des reviviscences de l’évènement (souvenirs anxiogènes, rêves, détresse et évitement de stimuli rappelant l’évènement vécu)
- une altération de l’humeur et de la cognition (souvenirs associés à l’évènement déformé, pessimisme vis-à-vis de soi, des autres et de son environnement, détachement, perte d’intérêt)
- une altération de la vigilance et de la réactivité en lien à l’évènement (colère, comportement imprudent, hyper vigilance, troubles du sommeil).
L’expression d’une partie de ces symptômes peut mettre en lumière la présence d’un stress post traumatique chez un individu.
…
Le SPT peut devenir un véritable bouleversement non seulement pour la personne atteinte, mais aussi pour son environnement.
Au retour d'OPEX, 35 (conjoints) répondants sur les 95 - soit 33 % - remarquent un changement dans les comportements du militaire. De même, 35 % des personnes sondées déclarent que leur conjoint militaire a présenté un problème de réintégration familiale.
La paternité chez les militaires a été longtemps définie comme traditionnelle... Les inéluctables évolutions au sein des familles de militaires peuvent se trouver contrariées par le maintien de contraintes spécifiques : départs fréquents, parfois imprévisibles, missions dangereuses nécessitant de longs mois de préparation. Le niveau d'engagement professionnel demandé aux pères militaires est fort alors que dans le reste de la société la métamorphose des relations père-enfant s'accélère.