Je commencerai donc, Seigneur, en vous déclarant d'abord que j'ignore d'où je suis venu en ce monde, en cette vie misérable, à laquelle je ne sais si je dois donner le nom d'une vie mortelle, ou plutôt d'une mort vivante. En même temps que j'y suis entré, j'y ai été reçu entre les bras de votre miséricorde, ainsi que je l'ai appris des deux personnes dont vous vous êtes servi pour me faire naître, n'ayant pu par moi-même en avoir aucun souvenir.
Par la réflexion sur le temps, nous saisissons la nature de l’homme comme être qui cherche l’éternité sans jamais pouvoir l’atteindre faute de pouvoir la penser en dehors de toute contamination par le temps. Ne serait-ce pas toute la subtilité de la remarque de Woody Allen : « L’éternité, c’est long, surtout à la fin » ?
Votre amour est sans passion ; votre jalousie sans inquiétude ; votre repentance, sans douleur ; votre colère, sans trouble ; vos œuvres changent, vos conseils ne changent pas. Vous recouvrez ce que vous trouvez et n’avez jamais perdu. Jamais pauvre, vous aimez le gain ; jamais avare, et vous exigez des usures. On vous donne de surérogation pour vous rendre débiteur ; et qu’avons-nous qui ne soit vôtre ? Vous rendez sans devoir ; en payant, vous donnez et ne perdez rien.
Or, ce qui devient évident et clair, c’est que le futur et le passé ne sont point ; et, rigoureusement, on ne saurait admettre ces trois temps : passé, présent et futur ; mais peut-être dira-t-on avec vérité : Il y a trois temps, le présent du passé, le présent du présent et le présent de l’avenir. Car ce triple mode de présence existe dans l’esprit ; je ne le vois pas ailleurs. Le présent du passé, c’est la mémoire ; le présent du présent, c’est l’attention actuelle ; le présent de l’avenir, c’est son attente. Si l’on m’accorde de l’entendre ainsi, je vois et je confesse trois temps ; et que l’on dise encore, par un abus de l’usage : Il y a trois temps, le passé, le présent et l’avenir ; qu’on le dise, peu m’importe ; je ne m’y oppose pas : j’y consens, pourvu qu’on entende ce qu’on dit, et que l’on ne pense point que l’avenir soit déjà, que le passé soit encore.
Pour le présent, s’il était toujours présent sans voler au passé, il ne serait plus temps ; il serait l’éternité. Si donc le présent, pour être temps, doit s’en aller en passé, comment pouvons-nous dire qu’une chose soit, qui ne peut être qu’à la condition de n’être plus ? Et peut-on dire, en vérité, que le temps soit, sinon parce qu’il tend à n’être pas ?
À travers son récit de l'ascension du Mont Ventoux, Pétrarque nous plonge peu à peu vers les régions intimes de sa conscience. Au fur et à mesure de son élévation, le récit se charge d'un sens plus profond, et se transforme en une réflexion sur le sens de la vie, et sur les notions de voyage extérieur / voyage intérieur. Et pour cause, Pétrarque a emporté avec lui le livre des Confessions de Saint Augustin, dont il ne se sépare jamais.
Écrivain et poète Italien du 14e siècle, Pétrarque est né sous le signe du voyage. Une série de podcasts en 6 épisodes, véritable odyssée sonore à travers les livres, en compagnie de cet illustre précurseur de l'humanisme.
Un podcast original de la Bibliothèque nationale de France
Production exécutive : NARRATIVE
Conception et direction de projet : Sophie Guindon
Conseiller scientifique : Philippe Guérin
Ecriture : Nelly Labère
Réalisation, design sonore et montage : Julia Griner et Ariane Neumann
Prise de son : Ruben Perez – La Fugitive
Musique originale : Julia Griner
Voix : Elodie Huber et Jean-Philippe Vidal
Production : Cecile Cros assistée de Charlie Dervaux
Textes de Petrarque extraits des Lettres familières (livre IV, lettre I)
Pour en savoir plus, rdv sur le site Les Essentiels de la BnF : https://essentiels.bnf.fr/fr/
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