Première fois que je lis Shalom Auslander. J'avais entendu parler de l'auteur avec beaucoup d'enthousiasme alors quand on m'a prêté ce livre, je n'ai pas hésité. Attention Dieu méchant est un recueil de quatorze nouvelles. Dieu est évidemment au centre de ces histoires, souvent omnipotent et invisible mais parfois il prend l'apparence d'un homme ordinaire (En attendant Joe, Quelle horreur d'être créateur !) pour d'autres créatures. Beaucoup d'humour (souvent noir) dans ces nouvelles et tout ça ne finit pas forcément de la meilleure des façons. C'est cynique, blasphématoire, percutant. Shalom Auslander ne fait pas dans la fine dentelle pour parler des juifs et d leurs attentes religieuses. Charlie Brown, le garçon dans Snoopy, y fait une apparition avec ses amis et ça reste dans le ton du recueil. J'ai bien aimé ce recueil, certaines nouvelles plus que d'autres (Les surprenantes révélations du livre de Stanley, Heimlish sait tout, Quelqu'un vous aime là-haut…) mais assez pour avoir envie de lire ses autres productions !
Attention Dieu méchant est un recueil de 14 nouvelles, qui se moquent sans prendre de gants de Dieu et des religions.
Dieu y est successivement représenté comme un tueur à gage qui a des contrats à remplir à temps, comme un voyeur sadique qui tourmente ses prophètes, comme un poulet géant (!) et comme un patron de grande entreprise totalement imbuvable.
Les croyants en prennent aussi pour leur grade, et principalement les fondamentalistes qui pinaillent pendant des heures sur l'interprétation exacte de telle ou telle phrase, et du nombre de bons et mauvais points que rapporte telle action, à grands renforts de citations bibliques.
Il ne manquait qu'une dernière nouvelle qui fait de l'Ancien Testament un roman de plage à succès pour compléter le tableau.
Ma nouvelle préférée est la dernière, dans laquelle Epstein crée deux golems sensés l'assister dans les tâches ménagères. Pour son plus grand malheur, ces deux créatures passent tellement de temps à se disputer sur les détails des travaux à réaliser qu'Epstein doit finalement les faire à leur place, en plus d'entendre leurs discussions interminables. Les deux golems collectent avidement toute nouvelle directive. Ils consignent ainsi soigneusement les exclamations de leur créateur qui commente à grands cris un match de football américain, fascinés par la sagesse de leur dieu.
Comme dans tout recueil, le niveau des nouvelles est inégal, mais le ton est un régal : léger, impertinent, sans limite, tout en évitant le piège de tomber dans l'outrancier.
Qu'y a-t-il à lire dans ce livre ?
Un couple s'ingénie à se pourrir la vie. Un chimpanzé accède à la conscience et découvre la honte et la culpabilité. Dieu, Lucifer et la Mort n'arrivent pas liquider un pauvre type. Un gamin découvre la masturbation, et son chien le juge. Deux hamsters attendent le retour de Joe, leur dieu absolu et omnipotent. Des chiffres et des faits sur l'Holocauste font passer du rire grinçant à l'horreur totale. de nouvelles tablettes pourraient remettre en question les trois grandes religions occidentales. Un juif se réveille dans le corps d'un goy. Un homme est lassé d'entendre Dieu lui parler et lui ordonner d'accomplir des faits à sa gloire. Dieu est une marque et il a droit à son plan marketing au sein d'une prestigieuse agence de communication. Charlie Brown, Snoopy et ses amis s'affrontent dans une partie de baseball et discutent d'une éventuelle solution finale envers les citrouilles. Dieu est un volatile.
L'humour ici est noir et cynique. Il ne fait pas que flirter avec le blasphème : il l'investit pleinement et c'est proprement jubilatoire. Chaque nouvelle parle de la condition humaine et de son besoin de croire. C'est aussi drôle et féroce que c'est profond et spirituel. Bref, ce recueil est indispensable.
Cet auteur est un grand malade, aucune limite, aucun tabou ; une espèce de Bukowski religieux !
La lecture de chaque nouvelle est ponctuée (dans l'ordre) de 'Nooon!', 'Ooooooooh!', 'il ne va pas oser!', 'Oh m*rde !', 'il est complètement barré', 'ce type est un génie'.
Passé le premier degré hautement blasphématoire, chaque nouvelle me faisait cogiter comme rarement un texte peut le faire.
Je vis dans un pays où on a collé un procès à une chaine TV pour avoir diffusé Persepolis. Si les gens lisaient plus souvent ce genre de livre qui oblige à se poser de vraies questions sur l'interprétation qu'on fait des religions, peut être que ca ouvrirait un peu plus l'esprit de certains.
(Mention spéciale à l'Ayatollah Khomeyni avec son mac mandarine et son fichier fatwa.doc)
Enorme poilade que cette poignée de nouvelles iconoclastes et brillantes, dans lesquelles l'auteur recycle ce qu'il a reçu de meilleur et de pire dans son éducation religieuse juive orthodoxe pour faire passer Dieu par toutes les couleurs, y compris les plus sombres : ici un Dieu mafieux flingue au poing flanqué de ses acolytes la Mort et Lucifer, lancés à la poursuite d'un brave type qui ne se décide pas à mourir; là un Dieu irascible qui oblige un autre brave type à d'incessants travaux bibliques sous peine de sévices divins; ici bas encore, un chimpanzé qui se suicide après avoir été frappé de la lumière de la connaissance, découvrant tout ensemble Dieu, la mort, la honte et la culpabilité. Et pour couronner le tout, un manuel de survie à l'holocauste à destination des adolescents, où l'on avance notamment que "si vous enroulez du scotch double face sur la pointe de votre pénis et que vous remontez la peau dessus, vous pouvez affirmer aux nazis que vous n'êtes pas juif".
A ne pas mettre entre toutes les mains donc, mais pour les autres, je conseille cet hilarant opus, bien plus profond qu'il n'y parait!
Désormais, chacun de ses actes, réalisés ou projetés, devait être soupesé en fonction de l'équation récompense / punition. Quand il se sentait trop fatigué pour accomplir la prière du matin, il pensait à toutes les rétributions qui le combleraient dans le monde à venir s'il arrivait seulement à se sortir du lit. Il évaluait la tentation éphémère d'un double cheese-burger avec bacon à l'aune de la félicité d'une paix et d'un amour éternels. Il mettait en balance la perspective d'une érection dans une cabine du Peep Show et l'espoir de prendre place parmi les ancêtres bénis au jardin d'Eden, la couronne de la béatitude sans fin sur le crane.
Ses rabbins lui avaient affirmé que celui qui se masturbe ira en enfer, où ils vous font bouillir dans une marmite remplie de tout le sperme que vous avez répandu en vain au cours de votre vie. Il s'est demandé si les rabbins pouvaient avoir raison. Il s'est demandé à quel point elle était remplie sa marmite. Revenu sur son lit, il a ajouté quelques giclées à son chaudron bouillant personnel puis s'est habillé pour aller à la shoul.
- Epstein a dit très clairement qu'il fallait séparer le blanc de la couleur, soutenait Golem 1.
- Je ne conteste pas ça, répliqua Golem 2. Là où je suis en désaccord, c'est sur ton interprétation du terme «couleur». Toi, tu soutiens que c'est de la couleur dès qu'il y a un soupçon de couleur dedans, alors que moi je prétends qu'il faut avoir un niveau significatif de couleur pour parler de «couleur».
[...]
Mais c'est quoi, un niveau «significatif» ? s'est emporté Golem 1.
Golem 2 a aussitôt cité le Carnet numéro 4 des lois d'Epstein, page 42, concernant la sortie des ordures sur le trottoir; dans ce passage, une poubelle considérée comme «significativement» pleine était celle dont le couvercle ne pouvait plus fermer, et donc, selon Golem 2, «significatif» désignait une majorité ou une prédominance de quelque chose. Golem 1 a objecté que les règles relatives aux ordures étaient une question complètement différente, puisqu'elles dépendant du jour de la semaine, c'est-à-dire du «moment» où les ordures étaient ramassées, et non de leur «quantité», ce qui était de toute évidence le problème à considérer dans le cas du linge sale.
En ce temps-là, le monde était un espace sombre et déprimant. Il y avait des gens partout. La plupart des gens tenaient la plupart des autres gens pour moins que des gens. Tous voulaient que les autres dégagent de leur pays vite fait.
[...]
Il y avait cependant deux points dont ils étaient tous convaincus, quelle que soit leur croyance : un, ce en quoi ils croyaient était incroyablement juste; deux, ce en quoi croyaient les autres était incroyablement faux.
p.41
Ses rabbins lui avaient affirmé que celui qui se masturbe ira en Enfer, où ils vous font bouillir dans une marmite remplie de tout le sperme que vous avez répandu en vain au cours de votre vie.
Il s'est demandé si les rabbins pouvaient avoir raison.
Il s'est demandé à quel point elle était remplie, sa marmite.
Revenu dans son lit, il a ajouté quelques giclées à son chaudron bouillant personnel, puis il s'est habillé pour aller à la shoul.
Orgueil et ..., de Jane Austen ?