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Martine Devillers-Argouarc'h (Traducteur)
EAN : 9782082103640
1312 pages
Flammarion (07/11/2007)
4.42/5   6 notes
Résumé :

Carl Gustav Jung (1875-1961) est l'un des pères fondateurs de la psychanalyse. Et sans aucun doute le plus controversé. Pour deux raisons : sa conception du rapport à l'inconscient et ses choix politiques durant la seconde guerre mondiale, que ce livre éclaire d'un tout nouveau jour. Pourquoi Jung a-t-il autant dérangé Freud et les freudiens ? Jung était-il antisémite ? A-t-il collaboré avec les nazis ? En 1900, Jung est un jeune psychiatre prometteur, q... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La biographie se rapproche ici du travail de recomposition d'une vie. Deirdre Bair est comme devenue Jung pendant plusieurs années : elle a lu tous ses essais publiés et ses lettres et elle a eu accès aux archives protégées de ses héritiers. Elle a vécu plusieurs mois par an à Zurich pour s'intégrer à l'univers de la communauté jungienne. Elle a ainsi rencontré des personnes qui avaient connu Jung ou qui avait été formées de leur vivant à l'Institut C. G. Jung.


Il résulte de ce travail minutieux une biographie traversée de multiples sources vives, d'anecdotes ponctuées de remarques saisies au vif des entretiens menés avec ceux qui furent proches de Jung. Cette biographie est volumineuse non seulement parce que la vie de Jung fut féconde d'événements mais aussi parce que ses recherches autour de la psychologie analytique ont entraîné une multitude d'individus dans son sillage. Comprendre l'événement que représenta Jung dans leur vie constitue aussi une autre manière d'imaginer qui fut Jung.


Deirdre Bair, qui n'était pas à l'origine spécialiste de Jung ni de la psychologie analytique, n'oublie pas d'évoquer son propre parcours de découverte en ces domaines. Elle réussit ainsi à présenter clairement le développement de la discipline en écho aux interrogations de l'homme qui la constitua. Insistant autant sur l'aspect humain que sur l'aspect professionnel de la vie de Jung, cette biographie se lit comme un roman qui permettrait de renouveler les réflexions des lecteurs qui s'intéressent à la psychologie analytique en revenant sur la genèse, souvent ignorée, de ses conceptions les plus originales.
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Puis-je me considérer comme un vrai lecteur de cette volumineuse biographie ?
Je n'ai jamais lu l'intégralité des 1312 pages, dont 290 de notes. Mais je m'y suis référé constamment alors que je lisais Ma vie, de C.G. Jung en parallèle.
Le travail de Deirdre Bair, biographe patentée, met surtout en lumière les péripéties d'une vie tumultueuse. Ne cherchez pas un développement poussé de son approche, réprouvée par Freud, qui fut un temps son mentor.
La richesse de l'ouvrage , fruit de huit années de labeur, émane de la production de documents inédits, longtemps pistés en Suisse, finalement dénichés en Allemagne. L'auteure a également eu de nombreux entretiens avec les enfants et petits-enfants du thérapeute iconoclaste ainsi qu'avec Emma, sa femme, qui dut endurer un couple à trois avec Toni Wolff, une jeune patiente de Jung (amoureux invétéré, voir Sabina Spielrein), devenue sa collaboratrice.
Plusieurs fois, j'ai voulu me séparer de cet opus imposant. Toujours, je l'ai gardé. Jusqu'à aujourd'hui, où je découvre que je ne suis que le seizième lecteur comptabilisé sur Babelio et le premier à dire que ce Jung est un livre d'histoire et mérite à ce titre, un minimum de considération, de même que la démarche de ces grands sondeurs de la nature humaine que sont les psychanalystes, espèce en voie de dévalorisation.
L'édition en mains est une publication de 2011, revue et corrigée après la première version de 2007. Deux cahiers photos complètent la biographie.
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Citations et extraits (35) Voir plus Ajouter une citation
Emile Schwyzer avait été admis au Burghölzli le 27 octobre 1901. Agé de presque quarante ans, il avait passé près de vingt ans dans d’autres institutions psychiatriques. Ses délires avaient commencé en 1882, peu après son arrivée en Angleterre où il avait trouvé un emploi de coursier dans une banque. Licencié au bout de six mois pour une raison inconnue, il souffrit peu après de délires sporadiques et tenta de se suicider en se tirant une balle dans la tête. […]
Schwyzer « se prenait pour Dieu » et il était perturbé à l’idée qu’étant « le Seigneur », il avait l’ « obligation de distribuer sa semence, car autrement le monde courrait à sa perte ». Généralement il ajoutait : « C’est ça le plus fou ! » avant d’éclater de rire comme s’il s’agissait d’une blague entre les médecins et lui. Ce qui le rendait unique aux yeux de Jung, c’était le délire qui suivait toujours ses crises liées à la semence divine : systématiquement, il proclamait être « capable de décider du temps qu’il allait faire ». Si on lui demandait comment il s’y prenait, il répondait que le soleil avait un gigantesque phallus : il lui suffisait de le regarder avec les yeux mi-clos et en tournant la tête de gauche à droite pour le mettre en branle, créant ainsi le vent et par conséquent le temps. Accompagnés de grands gestes et d’enjolivements, ces explications étaient formulées dans un langage archaïque sans aucun rapport avec sa vie en Suisse, ni rien qui concernait son séjour en Angleterre. Jung était très intrigué. […]
Cette idée lui était restée « absolument incompréhensible » jusqu’au moment où il était tombé sur un livre d’Albrecht Dieterich relatif à la liturgie de Mithra, évoquant notamment ses visions délirantes. […] Il trouvait que cette étonnante vision « d’un tuyau pendant du soleil [faisait] dans la liturgie de Mithra une étrange impression si l’on ne donnait à ce tyau un sens phallique : le tuyau est le lieu d’origine du vent. Au premier abord, on ne saisit pas le sens phallique de cet attribut. Mais souvenons-nous que le vent, comme le soleil, est créateur. […] le tube est le lieu d’origine du vent qui se tourne tantôt vers l’est, tantôt vers l’ouest, et, peut-être, produit le vent convenable. La vision du malade concorde étrangement avec le mouvement du tube. » En menant ses recherches, Jung découvrit la représentation suivante, d’un peintre allemand anonyme du XVe siècle : « […] du ciel descend un tube, ou un tuyau, qui se glisse sous la robe de Marie ; dans ce tube vole, sous une forme de colombe, le Saint-Esprit venant féconder la mère de Jésus. Cette observation et "quelques autres" convainquirent Jung qu'il ne s'agissait pas "d'une caractéristique de race, mais d'un trait généralement humain" ; il ne s'agissait pas non plus "le moins du monde de représentations héritées", mais d'une disposition fonctionnelle à produire des représentations semblables ou analogues". Plus tard il nommerait cette disposition "archétype" [...]. »
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Eugen Bleuler (1857-1939) était un homme d’une profonde modestie, dont les tendances à l’ascétisme, héritées de son milieu familial, avaient été stimulées par son mentor, Auguste Forel, ancien directeur du Burghölzli. Jung décrivait Bleuler comme un homme « [ayant] simplement l’ambition tout à fait chrétienne de ne pas être un obstacle sur le chemin des autres, et cette ambition était assortie d’un vif désir d’apprendre et d’un enthousiasme juvénile. » [Lettre à Freud, 20 février 1908]
De souche paysanne, Bleuler était le premier de sa famille à avoir pu étudier au-delà de l’école élémentaire. Né à Zollikon […], le père de Bleuler avait quitté la ferme familiale pour tenir un petit magasin dans le village et devenir administrateur de l’école. Le père et le grand-père de Bleuler avaient tous deux participé activement aux luttes politiques des années 1830, qui aboutirent aux réformes libérales du canton de Zurich. Celles-ci conféraient aux paysans le droit de pratiquer le commerce, d’exercer certaines professions et d’accéder à l’enseignement supérieur dans la nouvelle université créée en 1833, au plus fort des réformes. Tout le monde accepta que Bleuler récolte ce qu’avaient semé ses ancêtres en entrant à l’université. Il allait également de soi qu’il étudierait la médecine et choisirait la psychiatrie comme spécialité : sa sœur souffrait en effet d’une forme grave de ce qui serait appelé un peu plus tard schizophrénie catatonique, et, à en croire la rumeur, d’autres membres de la famille présentaient une pathologie semblable. […]
Devenu directeur [du Burghölzli], Bleuler était bien décidé à se consacrer d’abord à ses patients, à qui il s’adressait dans leur propre dialecte. Il avait la conviction qu’en écoutant les discours incohérents des patients schizophrènes, il pourrait établir un contact avec eux, peut-être même une véritable relation. Si le thérapeute parvenait à nouer avec le malade une relation d’homme à homme, pensait-il, sa schizophrénie pourrait être traitée et régresser, voire disparaître. Pour Bleuler, un tel objectif impliquait le refus délibéré de toute routine quotidienne et une part d’inattendu dans le traitement des patients. Ainsi, subitement et sans raison apparente, il pouvait transférer un patient d’une salle à une autre, au grand désarroi de ses assistants. D’autres fois, il arrêtait un traitement qui semblait loin d’être terminé. Surtout, personne n’était autorisé à parler de « son » patient, car chaque médecin […] était censé connaître l’histoire de tous les malades dans ses moindres détails mais se comporter envers chacun d’entre eux comme s’il était le seul à l’avoir en charge. […] Bleuler attendait avant tout de ses médecins qu’ils apprennent les dialectes parlés par les pensionnaires pour pouvoir s’adresser à eux dans leur langue, et qu’ils se comportent comme s’ils avaient les mêmes capacités mentales et le même statut social. Cette politique lui valut de nombreuses plaintes de la part de ses assistants et associés au Burghölzli […] qui ne voyaient en lui qu’un paysan mal dégrossi. En réalité, il défendait un esprit de collégialité peu orthodoxe et faisait preuve d’un ascétisme raffiné.
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[Au restaurant de l’Essighauss à Brême]
Comme Freud avait commandé du vin, il eut la surprise et la « satisfaction » de voir que Jung buvait copieusement. C’était la première fois qu’il consommait de l’alcool depuis qu’il s’était engagé à faire abstinence en entrant au Burghölzli en 1901, comme Bleuler (et avant lui, Forel) l’exigeait de tous ses médecins assistants.
Tout à coup – le vin peut-être, ou l’énervement du voyage – Freud se mit à transpirer abondamment. Sur le point de s’évanouir, il s’arrêta de manger et dit à Jung qu’il lui faudrait boire tout seul. Freud mit son malaise sur le compte du saumon et du manque de sommeil de la nuit précédente, mais pour Jung cet état était directement lié à la conversation qu’il venait d’avoir sur les Moorleichen, les « cadavres des marais », des corps momifiés qu’on avait retrouvés dans la tourbe des marais du Nord de l’Allemagne et de la Suède. […]
Jung était persuadé que cet épisode de la matinée faisait un bon sujet de conversation pour le déjeuner, quand Freud l’interrompit soudain : « Que vous importent ces cadavres ? avait-il lancé. Ne vaudrait-il pas mieux que vous admettiez souhaiter ma mort ? » Là-dessus, il tomba en syncope. La même chose devait se produire à quelques années de là, et cette fois encore, il accuserait Jung d’avoir commis « un acte de résistance envers le père », de nourrir envers lui un « désir de mort ».
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[…] Freud lui avait écrit de Londres pour lui parler de son envie d’uriner dès qu’il se trouvait dans un endroit public dépourvu de toilettes. Le besoin de se soulager devenait alors si pressant qu’il lui était impossible de se contrôler. Freud avait interrogé Jung sur l’origine possible de cette névrose. Dans le taxi qui les ramenait à l’hôtel, Jung lui répéta ce qu’il avait écrit à l’époque : que c’était une « véritable névrose », en effet, qui venait sans doute du fait que Freud « refoulait et dévalorisait l’amour et qu’en conséquence il était devenu la proie du pouvoir. Sa recherche du pouvoir était devenue pathologique. » Longtemps après, Jung dirait, évoquant ce souvenir, qu’à l’époque il ne le savait pas, mais que plus tard il avait constaté ce fait : les contenus inconscients, s’ils se trouvent systématiquement dévalorisés, se mettent à fonctionner non plus avec l’individu mais contre lui.
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Il [Jung] énuméra cinq points qui donnaient la mesure du contraste entre les deux hommes [lui et Freud] […]. Dans le premier, Jung évoquait ses patients, des malades mentaux généralement incultes, pour la plupart schizophrènes […], alors que la théorie de Freud résultait d’un autoexamen et se fondait sur ses propres expériences. Jung faisait ensuite état de l’éducation de Freud et de l’influence de son milieu culturel et social sur la formation de son caractère. Il ne parlait pas des différences considérables entre la capitale autrichienne et les deux grandes villes suisses, Bâle et Zurich, ni de celles qui leur venaient de leurs religions respectives, chrétienne pour Jung, juive pour Freud. Puis il disait en quoi sa formation scientifique différait de celle de Freud et ajouta modestement que son expérience clinique était moins grande. […] Il disait aussi déplorer l’ « absence de contact personnel » entre eux, « cette lacune regrettable » dans sa formation qui l’empêchait de présenter les théories de Freud autrement que sous une forme provisoire et introductive.
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