Quand on s'intéresse à la "Question kurde", on est contraint et forcé de s'intéresser à l'histoire des quatre États qui dominent le territoire kurde : la Turquie, la Syrie, l'Iran et l'Irak.
Ici, l'Irak nous est rapidement raconté par le sociologue d'origine kurde,
Adel Bakawan. Il résume, dessine donc à gros trait les raisons de la faillite de l'État irakien. Artificiellement créé par la puissance anglaise suite à la dislocation de l'Empire Ottoman, l'Irak est un État qui pense les communautés et non la citoyenneté. Il n'y a pas de citoyen irakien - il n'y en a jamais eu - mais bien plutôt des Kurdes, des Sunnites, des Chiites (et autres) qui se font la guerre. L'Irak est effectivement miné par des conflits tantôt ethnique (entre Arabes et Kurdes), tantôt confessionnel (entre sunnite et chiite). Hier dirigé par les Arabes sunnites qui ont réprimé les Kurdes et les Arabes chiites (considérés parfois comme des Iraniens), il est aujourd'hui dominé par les Chiites qui oppriment les Arabes sunnites, le tout dans le cadre d'une corruption massive et généralisée qui prive de leurs droits les hommes et les femmes qui exigent une vie confortable. L'Irak, largement gangréné, est un Etat qui ne tient que parce qu'il est maintenu sous respirateur artificiel. Il a, à mon sens, vocation à disparaitre.
Ce livre n'est pas le plus complet. Il ne raconte pas dans le détail
L Histoire, forcément riche, de l'Irak mais il résume bien ses tares, ses difficultés. Elles sont plurielles, forcément. Elles sont internes à l'Irak, elles sont externes (menaces constantes des Etats-Unis, Turquie, Iran, Arabie Saoudite etc) et elles montrent, plus largement, les difficultés que peuvent avoir les pays dit "musulmans" à construire des sociétés matures, libres, démocratiques, respectueuses des droits et libertés de chacun. Et soyons clairs, l'Islam, pour moi, n'est pas le facteur explicatif. Les entraves à la démocratisation des régimes politiques des pays dit "musulmans" sont éminemment plus complexes et il suffit d'ouvrir les pages de l'Histoire pour s'en rendre compte. La création artificielle des Etats par les puissances étrangères et leur mise sous tutelle permanente n'a jamais permis l'émergence des mouvements contestataires et démocratiques dans ces pays volontairement abandonnés à une clique politique corrompue (sinon elle ne serait pas mise au pouvoir), autoritaire et répressive qui use de la religion (en l'occurrence l'Islam) comme source de légitimité à leur pouvoir illégitime. L'Islam n'est pas le problème. le problème ce sont les puissances étrangères qui créent des Etats artificiels au lendemain de la guerre mondiale, imposent un régime politique autoritaire voire dictatorial, mettent en place des hommes politiques asservis qui n'ont aucune légitimité sinon celle accordée par ces mêmes puissances. le problème ce sont ces politicards illégitimes qui usent de la répression pour continuer à piller les ressources du pays et qui étouffent toute revendication démocratique, n'acceptant comme "opposants" que les mouvements islamistes radicaux qui sont les seuls en effet à pouvoir s'organiser au sein de la société. Exit les mouvements de gauche, les révolutionnaires, les communistes... Et bienvenue alors aux essentialistes de tout bord qui viennent ensuite crier que l'Islam est le problème.
Enfin bref. Lisez l'histoire et sa complexité. le livre d'
Adel Bakawan n'est pas le meilleur mais il peut tout de même aider à comprendre un phénomène de plus grande ampleur.