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Paolo Baldacci (Éditeur scientifique)
EAN : 9788874611522
256 pages
Mandragora (01/11/2010)
5/5   2 notes
Résumé :
Investigates De Chirico's enigmatic vision of the world and his extraordinary lucid and penetrating representation of things.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
C'est « L'énigme de l'arrivée et de l'après-midi » de de Chirico qui est reproduite sur la couverture du livre. le mot « énigme » revient souvent dans les titres des tableaux de cette exposition. Ils sont peints entre 1911 et 1954, la période de la « modernité classique ». La plupart de ces peintres n'étaient pas virtuoses de la peinture dans le sens de la grande tradition française (Delacroix, Courbet, Manet, Monet, Degas Cézanne…) et ne voulaient l'être ! le spectateur est face à la solitude et au silence du monde. Des temples dans une chambre, des meubles dans une vallée et des intérieurs forestiers… Souvent ces peintures sont des rêves prémonitoires des villes dévastées, des catastrophes à venir. Oppressée d'un malaise confus, je me disais que j'avais une autre vision du surréalisme : plus gaie, plus légère, plus lumineuse... Mais finalement, ce livre est comme une traversée, longue et difficile, dont on revient plus fort !

L'exposition réunit dix artistes profondément inspirés par Arnold Böcklin, le peintre « le plus profond poétiquement », et par les idées de Friedrich Nietzsche et d'Arthur Schopenhauer. Nietzsche est beaucoup cité dans ce livre : « Si je voulais secouer cet arbre avec mes mains, je ne le pourrais pas. Mais le vent que nous ne voyons pas le tourmente et le plie comme il veut. Nous sommes le plus durement pliés et tourmentés par des mains invisibles. » (Ainsi parlait Zarathoustra).
À part les peintres mentionnés dans le titre : de Chirico, Max Ernst, Magritte et Balthus, il y a le groupe italien (Carlo Carrà, Giorgio Morandi, Alberto Savinio, le frère cadet de Giorgio de Chirico, Arturo Nathan), le peintre français Pierre Roy et le peintre suisse Niklaus Stoecklin. Mais il aurait pu y avoir Salvador Dali parmi les surréalistes et même André Derain et beaucoup d'autres…

DE CHIRICO est fondateur de la peinture métaphysique même si plus tard il se convertit à un style néo-classique puis néoromantique et néobaroque. Jusqu'en 1917, il ne cessera de peindre des tableaux à l'apparente simplicité jouant sur des chromatismes sans nuances et des perspectives aberrantes : horizons bas et lointains, éléments architecturaux monumentaux côtoyant au premier plan des objets les plus incongrus (gant, mannequins de couturier, empreinte de poisson ou de coquillage, artichauts, locomotives), désertification des espaces où ne restent que des têtes sculptées, bustes ou statues en pied. C'est un univers où les objets se mettent à faire des signes. Comme il aime le dire, de Chirico compose des « images révélées » à partir d'éléments connus. « L'Inquiétude du poète » (parfois intitulé « L'Incertitude ») compte parmi les oeuvres les plus représentatives de cette période « métaphysique » : le spectateur rencontre fortuitement un corps de femme, un régime de bananes, des arcades, symboles érotiques, opposés au train en partance et à la représentation du corps féminin par l'intermédiaire d'une statue. Tout cela est censé évoquer une nostalgie d'un rendez-vous manqué. Plusieurs oeuvres comme « La nostalgie de l'infini », « La tour rouge » sont minutieusement analysées dans le livre.

Le terme du « square italien » chez les critiques d'art apparaît déjà en 1912. Cela ne vient ni de Matisse ni de Picasso ni des impressionnistes. On rencontre des gares ornées d'horloges, tours, statues et grandes places publiques désertes. Des trains de chemin de fer passent à l'horizon et se coupent par le brouillard. C'est étrangement sombre…
Voici une appréciation d'Apollinaire dans les Soirées de Paris : « L'art de ce jeune peintre est un art intérieur cérébral qui n'a point de rapport avec celui des peintres qui se sont révélés ces dernières années. Les sensations très aiguës et très modernes de M. de Chirico prennent d'ordinaire une forme d'architecture. Voici quelques titres simplifiés pour ces peintures étrangement métaphysiques : L'Énigme de l'oracle, La Tristesse du départ, L'Énigme de l'heure, La Solitude et le sifflement de la locomotive. »
Curieusement, même les peintures parisiennes de de Chirico étaient finalement des souvenirs italiens et le peintre les définit comme architecture métaphysique !
Un peintre italien vivant alors à Paris, Ardengo Soffici, qui sera à l'origine des mouvements picturaux d'avant-garde en Italie, écrit en 1914 : « La peinture de de Chirico n'est pas peinture dans le sens que l'on donne aujourd'hui à ce mot. On pourrait la définir, une écriture de songe. Au moyen de fuites presque infinies d'arcades et de façades, de grandes lignes droites, de masses immanentes de couleurs simples, de clairs-obscurs quasi funéraires, il arrive à exprimer, en fait, ce sens de vastitude, de solitude, d'immobilité, d'extase que produisent parfois quelques spectacles du souvenir dans notre âme quand elle s'endort… »


MAX ERNST dont l'oeuvre se rattache aux mouvements dadaïste et surréaliste est également largement représenté : C'est la poésie qui triomphe ici jusque dans les titres des tableaux.
« Oedipe roi », une oeuvre majeur qui reflète le thème du complexe d'Oedipe. « Jeune homme chargé d'un fagot fleurissant »
« Rêve d'une petite fille qui voulut entrer au Carmel » (une parodie de la vie de la petite Thérèse de Lisieux).
« Les hommes ne le sauront jamais »
« Vision provoquée par l'aspect nocturne de la porte Saint-Denis »
« Loplop présente la belle saison »
« Jardin gobe-avions »
« Arbres minéraux-arbres conjugaux »…

Collage, frottage, grattage, les styles et les techniques changent d'une oeuvre à l'autre. On appelle « frottage » la technique où on laisse courir une mine de crayon à papier sur une feuille posée sur une surface quelconque (parquet, chaise cannée ou autre texture) pour faire apparaître des figures anthropomorphes plus ou moins imaginaires. Elle s'apparente à l'écriture automatique des écrivains surréalistes comme Paul Éluard et André Breton.
Le « grattage » est un grattage du pigment directement sur la toile.


Quand MAGRITTE voit pour la première fois un tableau de de Chirico, il est si ému que certains amis parlent même de larmes. Il s'agit de « le chant d'amour ». le tableau de de Chirico « le cerveau de l'enfant » a aussi profondément influencé l'art de Magritte. Selon Magritte, l'art n'a pas besoin d'interprétations mais de commentaires. Il s'oppose à la convocation de son enfance pour comprendre ses productions. Malgré le suicide par noyade de sa mère, il est resté résistant à la psychanalyse.
Magritte est le peintre de l'abstrait. « Son imagerie se déploie sur des scènes aussi artificielles que dans de Chirico : des intérieurs fermés, souvent sans fenêtre. Des morceaux de mannequins se tiennent ou flottent sans relation dans des espaces souvent ouverts derrière des rideaux ; des statues classiques se cachent dans des gouffres ou sur un bord de mer agité. Vénus est pétrifiée, les mains et les têtes se détachent sur les tables et les plinthes. Les tours plongent dans les abîmes, les bannières flottent. Des silhouettes métalliques percent les corps et les entités, des boules extra-terrestres jaillissent du cadre. Les fenêtres et les portes aveugles évoquent l'isolement total. Les toiles sur les chevalets restent vides, les images dans les images défient toute élucidation. Des silhouettes schématiques - des découpes de papier - obstruent la vue. Les masques remplacent les visages, les sosies prennent le dessus. » (J'ai cité un passage du chapitre consacré à Magritte, par Guido Magnaguagno. Dans ce livre, chaque peintre est commenté par un critique d'art différent.)

Voici les principaux titres de Magritte qui figurent dans le catalogue de l'exposition :
« le brise-lumière »,
« L'épreuve du sommeil »,
« le sens de la nuit »,
« La vie secrète »,
« La condition humaine »,
« le pont d'Héraclite »,
« La clef des songes ».

J'arrive à BALTHUS dont l'oeuvre m'a complètement bouleversée.
Sa mère, Elisabeth Spiro (Baladine Klossowska), était artiste peintre aussi et elle avait pour amant Rainer Maria Rilke. Durant son adolescence, Balthus rencontre les nombreuses relations de sa mère et de Rilke qui viennent leur rendre visite : André Gide, Maurice Denis, Pierre Bonnard… Plus tard Balthus entre en contact avec le mouvement surréaliste mais il récuse la notion d'inconscient freudien.
La jeune fille est l'emblème du peintre au même titre que les gares de Delvaux, la pipe de Magritte ou les ready-made de Duchamp. Comme il dit lui-même, « le corps d'une femme est déjà complet. le mystère a disparu. »
J'aime particulièrement les écrits d'Antonin Artaud qui voit en Balthus son double : « Balthus peint d'abord des lumières et des formes. C'est par la lumière d'un mur, d'un parquet, d'une chaise et d'un épiderme qu'il nous invite à entrer dans le mystère d'un corps pourvu d'un sexe qui se détache avec toutes ses aspérités. La technique du temps de David au service d'une inspiration violente, moderne, et qui est bien l'inspiration d'une époque malade où l'artiste qui conspire ne se sert du réel que pour mieux le crucifier. »
L'oeuvre de Balthus est figurative et méticuleuse. Plutôt que d'imiter Picasso, il est profondément influencé par les peintres de la Renaissance. Balthus met dans ses tableaux tout ce qui est caché au fond de nous-mêmes, tous les éléments essentiels de l'être humain dépouillé de sa croûte d'hypocrisie !
« La leçon de guitare » (1934) en est un exemple. Il s'agit d'une jeune fille renversée sur les genoux d'une femme, le sein droit sorti de sa chemise. Une main tire les cheveux de l'élève, l'autre lui écarte les jambes. Cette oeuvre célèbre a provoqué d'intenses controverses auxquelles
Balthus répond dans une lettre adressée à son épouse Antoinette de Watteville : « C'est une scène érotique. Mais comprends bien, cela n'a rien de rigolo, rien de ces petites infamies usuelles que l'on montre clandestinement en se poussant du coude. Ce tableau représente une leçon de guitare, une jeune femme a donné une leçon de guitare à une petite fille, après quoi elle continue à jouer de la guitare sur la petite fille. Après avoir fait vibrer les cordes de l'instrument, elle fait vibrer un corps. »

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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
When he decided to submit his work to public and critical opinion, De Chirico also began to write notes on poetics, intended as guidelines to help explain his artistic objectives and interpret his paintings. These notes — the most important of which, mixed with lyrical prose and poetic compositions, are dated between late 1911 and early 1914 — are conventionally referred to as the « Parisian manuscripts ». First published in a partial form and with a rather inaccurate English translation by James Thrall Soby in the second edition of his 1955 monograph, they immediately constituted the chief basis for the philological study of Metaphysical painting.
We have no way of knowing if anyone saw or read them in the brief period in which, before the war, De Chirico began to garner some interest in the circle of Guillaume Apollinaire and Les Soirées de Paris, but there is no question that they were known and used in Surrealist circles after the author gave them to Paul Éluard in 1923. It is also likely that in 1913–4 Apollinaire had the chance to read some of them or hear De Chirico offer similar thoughts and considerations, which he used for his brief critiques published in the newspapers of the era.
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Le chapitre consacré à Max Ernst (par Jürgen Pech) s'ouvrant par cette phrase-manifeste du peintre prononcée en 1956 :
Shaking off one's blindness is the vocation of mankind.*

The pleasure in every successful metamorphosis relates not so much to a wretched desire for aesthetic distraction as to the intellect's primal , vital need to shake off the deceptive and tedious paradise of fixed memories and explore a new , incomparably broader field of experience in which the borders between the ' inner ' and ' outer ' worlds ( in classical philosophical terms ) become more and more blurred and will probably one day completely disappear , if more precise methods than écriture automatique can be found.
page 85
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Arturo Nathan, … a self-taught artist, is the most resolute at considering reality a psychological field.
Art has but one subject : its author’s spirit, in the profound and contemplative things it contains, and in what is part of his innermost life.
L’Art n’a qu’un seul sujet : l’esprit de son Auteur, en ce qu’il contient de profond, de recueilli et en ce qui fait partie de sa vie intime. » Citation d’une lettre d’Arturo Nathan à un ami.
In 1944 he was deported to Germany, first to the concentration camp of Belsen and then to Biberach, where he died of hunger. When the Allies arrived, he died with the first spoonful of soup they gave him.
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Giorgio de Chirico, one of the Italian artists who most influenced 20th-century art, first became aware of the mysterious relationship between the physical reality we see and the invisible conceptual reality harboured in our spirit while visiting Florence at the age of 21.
« One clear autumnal afternoon I was sitting on a bench in the middle of the Piazza Santa Croce in Florence… Then I had the strange impression that I was looking at all these things for the first time, and the composition of my picture came to my mind’s eye. Now each time I look at this painting I again see that moment. Nevertheless the moment is an enigma to me, for it is inexplicable. »
The « Florentine revelation » of October 1909
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