Septième et avant dernière lecture de ce Trophée Folio Elle 2021 qui nous plonge directement en Sibérie, cette province russe cernée de blanc, (re)connue pour ses goulags et son lac Baïkal, le plus profond du monde, et vaste comme un pays (rien que ça)…
Mais attention, ici il n'est pas question de faire du tourisme, même si au départ l'auteur nous dépeint son amour pour la Russie. A travers ses mots, on sent combien il est passionné par ce pays, comme il est attiré par sa culture, ses écrivains, ses paysages glacés, cet univers magique où les mots se cristallisent, où tout est neige, (calme ?) et volupté… Cela débute comme un hymne à l'amour, une jolie déclaration pour cette terre promise, et en même temps, il faut être soit amoureux ou fou (les deux probablement) pour accepter de partir vivre en Sibérie dans la (petite) ville d'Irkoutsk.
Bref, ce récit démarre tel un carnet de voyage,
Yoann Barbereau nous livre ses premiers pas en Russie, ses rencontres chanceuses, cette humanité dans les relations, ses amours complexes et compliquées, jusqu'à ce poste de directeur de l'Alliance française d'Irkoutsk en Sibérie Centrale, dans lequel il se plonge avec passion, heureux d'être là et d'y rester. Il a une jolie femme russe, une fille en bas âge, un bon travail et une vie sociale remplie…
C'est alors qu'une ombre se profile. Une ombre à laquelle il ne porte aucune importance. Une ombre qui grossit pourtant. Jusqu'à ce jour fatidique où il est arrêté, accusé, maltraité et emprisonné. La machine infernale est en route, rien ne peut plus l'arrêter. de machination en kompromat,
Yoann Barbereau n'a aucun moyen de se défendre (enfin techniquement si, mais personne n'y porte la moindre importance de toute façon), tout est orchestré, agencé, manigancé. Il goûte la prison russe, l'asile psychiatrique, l'assignation à résidence avec surveillance électronique, la captivité dorée de l'Ambassade française… Et cette condamnation à “quinze années de camp à régime sévère” qui plane telle une épée de Damoclès.
Ce témoignage fait froid dans le dos. On se demande comment un tel scénario est possible… Puis on réalise qu'on se trouve en Russie et que leur sens de la justice est… aléatoire ? Malgré tout, cette histoire apparaît tellement incroyable, inconcevable. La question qui revient en boucle, et à laquelle aucune réponse ne sera apportée, est ce sempiternel pourquoi ? Pourquoi tant d'acharnement ? Pourquoi lui ?
Cependant, bien que ce témoignage soit édifiant, j'ai eu du mal à me plonger dans ce récit, quelque chose m'a dérangée. Peut-être la distance que met l'auteur entre ce qu'il décrit et ses sentiments ? C'est finalement assez froid, j'avais l'impression de lire un simple déroulé de faits. “Voilà ce qu'il s'est passé”. Alors oui, c'est intéressant de le savoir, mais… J'aime lire et ressentir des émotions, ici c'était trop factuel pour moi, trop détaché.
Ce qui m'a gênée également c'est le peu d'intérêt que “semble” porter l'auteur à sa fille Diane. Je n'ai pas ressenti d'inquiétude quant à ce qu'elle devenait, cette inquiétude d'être séparée d'elle, de ne pas avoir de ses nouvelles aussi régulièrement, de ne pas savoir où elle se trouvait ? Je ne dis pas que l'auteur n'a rien ressenti, et peut-être la pudeur l'a-t-il poussé à ne pas développer cette partie, mais en tant que maman, cela m'a dérangée. Je n'aurais eu de cesse de penser à mon enfant, l'impact de toute cette histoire sur sa petite tête innocente, la douleur de cette séparation, etc.
Bref, il reste pas mal de zones d'ombres, on sait sans savoir, on comprend sans comprendre. L'auteur demeure distant tout en se dévoilant parfois beaucoup. Difficile de saisir qui il est. Cela n'enlève rien à l'horreur de sa situation, et écrire pour dénoncer était important, mais je n'ai pas franchement adhéré ni à la plume, ni à la forme…
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