Un secrétaire d'état-major vit parmi les cartes et les dépèches, les machines à écrire, les communiqués et les képis à feuilles de chêne. Que faire, grand Dieu, de ses loisirs, sinon déplacer, naïvement, des petits drapeaux sur la carte? Au matin d'une attaque, on envoie cet homme porter un pli en première ligne. il apprend le pénible cheminement qui conduit aux tranchées ; il arrive à la glaise entaillée, à la boue où sont engloutis les cadavres, à ces fils barbelés pleins de "choses lourdes à moitié debout". Il reviendra le soir sous le bombardement avec la horde des blessés, transformé par cette confrontation à la réalité obscène de la guerre.
Ce qui fut sera est le complément indispensable au prix Goncourt le feu. le premier en France, Barbusse a fixé pour l'avenir des évidences que personne n'osait avouer. En 1930, dans un style épique et flamboyant, il nous rappelle à quel point l'écart entre les états majors d'officiers et la chair à canon prolétaire est abyssal.
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En un coup d’œil et en un cri d’horreur, j’ai découvert, à travers un écroulement du talus, et parce que je tournais juste la tête en ce moment, une sorte d’abîme peuplé, un vague abreuvoir encaissé, hachuré de boue houilleuse, avec des épouvantails autour : des êtres tordus ou debout, suspendus sur les bords. Le coup de vent qui a hurlé là, a souffleté ces têtes jusqu’à l’os et leur a ôté leurs figures comme des masques ; j’ai vu la blancheur bleue des os vierges ! Pourtant, des uniformes en haillons claquent sur leurs armatures comme des papiers décollés et déchirés. Ils se sont effrités dans leurs vêtements durcis, lignifiés ; ce ne sont plus là que des cercueils dressés.
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J’ai vu cela en passant devant l’échancrure du talus. Un poste d’écoute allemand qu’un bombardement a détruit… Je me souviens de la beauté des bombardements vus des hauteurs du Perron, sur le décor en amphithéâtre, comme au music-hall : ces grands feus d’artifice qu’on admirait tant et qui allaient au hasard assassiner la nuit.
résumé la vie de cet écrivain.