Après « Les secrets des dames de Shilling Lane » (qui n'a rien à voir avec ceci, c'est juste que je l'ai lu juste avant), voici le deuxième livre, à quelques jours d'intervalle seulement, que je pioche au catalogue de Lirtuel (la bibliothèque belge francophone en ligne) pour la simple et très bonne raison que j'ai le souvenir d'une première lecture époustouflante de l'auteur !
Dans le cas présent, j'avais lu «
du bruit dans la nuit » il y a quelques années déjà – en avril 2021, que le temps passe vite ! – et, là aussi : si j'ai plus ou moins oublié de quoi traitait l'intrigue, je me rappelle que j'avais été vraiment emballée ! Je vois d'ailleurs que j'avais attribué une note de 18/20 à ce livre-là sur Livraddict (4,5/5 sur Babelio), note assortie d'une critique enthousiaste.
Et, pas de chance, ici aussi (comme avec « Les secrets des dames… » cités ci-dessus), ce nouveau livre n'est pas tout à fait à la hauteur du souvenir que j'avais gardé de ma première lecture de cet auteur, même si on reste dans du très bon !
Je ne vais pas refaire tout le synopsis, mais en bref : Andrew et Brie vivent une vie de couple plutôt unie, avec des hauts et des bas, et justement, après un passage difficile, ils sont réellement en train de se retrouver. C'est alors que Brie disparaît, pendant qu'Andrew passe un week-end entre hommes avec son meilleur ami. Très vite soupçonné, Andrew va vivre un enfer, poursuivi notamment par une inspectrice de police hargneuse, mais peu à peu se reconstruire, changer de quartier et de nom tant le sien a été sali (sans que sa prétendue culpabilité ne puisse jamais être prouvée), et entamer une nouvelle vie avec une jeune femme qui ne connaît rien de son passé. Mais voilà : un beau jour, 6 ans plus tard, une femme qui ressemble étrangement à Brie réapparaît dans leur ancien quartier…
Partant de là, tous les ingrédients sont effectivement semés pour faire un bon thriller. de plus, tous les personnages sont très vite bien campés, très humains aussi, avec leurs travers et leurs bons côtés – même si certains sont plutôt antipathiques d'emblée, et c'est clairement voulu par l'auteur !
Ainsi par exemple, Andrew est présenté de telle sorte qu'on compatit avec sa situation, on a envie que sa nouvelle histoire marche bien, on se demande vraiment ce qu'il va faire maintenant que Brie est peut-être réapparue, mais l'auteur laisse juste assez de flou autour de lui pour qu'on se demande du début à (presque) la fin : et si ?...
Et s'il avait vraiment tué sa femme et fait disparaître le corps ? C'est en tout cas ce que pensent ses deux plus farouches adversaires : Izzy, la soeur de Brie, et la fameuse inspectrice Marissa Hardy. Et justement, la façon dont l'auteur les met en scène, les rend effectivement peu sympathiques : Izzy est carrément détestable, notamment au quotidien avec son mari, alors que l'inspectrice présente quelques traits plus vulnérables, mais si peu qu'on ne s'attache guère à elle. Inutile de préciser que cette façon d'aborder les personnages les plus acharnées contre Andrew, rend ledit Andrew d'autant plus « innocent » aux yeux du lecteur !
En outre,
Linwood Barclay a veillé à entretenir l'attention du lecteur grâce à quelques bons vieux procédés qui marchent toujours, surtout quand ils sont utilisés avec talent, et c'est bien le cas ici. Ainsi, les chapitres sont assez courts, ce qui donne un rythme indéniable à l'histoire, l'envie au lecteur d'aller toujours plus loin, puisque de toute façon ce n'est pas trop long jusqu'au chapitre suivant, puis le suivant encore, et ainsi de suite : c'est la définition même d'un page-turner ! Ajoutons à ça que, même si une grande partie des chapitres sont exposés par un narrateur omniscient qui se penche à tour de rôle un peu plus particulièrement sur l'un ou l'autre personnage, le tout reste très dynamique grâce à une alternance des points de vue ou dans la forme des choses. On notera par exemple que, dès qu'il s'agit d'Andrew, on passe à un narrateur à la 1re personne du singulier, ce qui réduit certes la vision qu'on peut avoir des choses, mais la rend aussi plus « intime ». En outre, on a quelques extraits d'auditions menées par l'inspectrice Hardy : cela donne un petit côté formel à l'histoire, tout en rendant, de façon tout à fait paradoxale, ladite inspectrice plus humaine qu'elle ne paraît partout ailleurs !
Eh oui ! au risque de me répéter, tout était là pour nous proposer un vraiment bon thriller, écrit avec ce talent assorti d'une maîtrise parfaite des ficelles nécessaires à un bon auteur de thriller.
Sauf que…
Le début est beaucoup trop long ! Il fallait certes mettre les choses en place, semer des graines de doutes ou de certitudes dans l'esprit du lecteur… mais trop, c'est trop. Ainsi, tous les passages avec Elizabeth, la mère de Brie (et d'Izzy), hospitalisée car elle est en train de mourir d'un cancer ; bref, tous ces passages donnent une touche d'humanité en plus à l'histoire, mais l'auteur s'en sert aussi pour ancrer certaines de ses assertions… mais n'a vraisemblablement pas mesuré le risque que cela pouvait induire : ça crée plus d'une fois des redondances inutiles. Certains passages sont tellement répétitifs que le lecteur a compris les choses bien avant qu'elles soient révélées, tandis que l'auteur en ajoute encore et encore dans le jeu de la devinette, qui n'a pourtant plus lieu d'être !
Je pense notamment à la pseudo-révélation de qui avait été l'amant de Brie… Au début, évidemment, on ne sait pas, puis on a quelques doutes, puis c'est plus qu'évident, mais il faut encore attendre des pages et des pages avant que ce soit enfin confirmé, et à ce moment-là c'est carrément trop tard, ça tombe comme un cheveu dans la soupe… alors qu'on est déjà en plein plat principal, en plus ! Idem pour la grossesse de Jayne, que j'avais devinée d'emblée, mais là aussi l'auteur en fait tout un pataquès assez inutile.
Il faut attendre plus de 60% du livre, allant de mini-révélations en mini-révélations, dont certaines sont confirmées avec un temps de retard, à tel point que le lecteur soupire d'impatience, n'en pouvant plus d'attendre ; plus de 60% du livre, donc, pour que les choses « bougent » et qu'on soit enfin pris dans un vrai suspense qui, pour le coup, ne nous laisse plus souffler du tout.
En outre, un autre aspect m'a gênée : la fin arrive d'un seul coup et pfiou tout est résolu ! Certes, tout est pesé, tout a été amené avec ce grand art, cette maîtrise de l'écriture que j'ai déjà mentionnées plusieurs fois dans ce commentaire ; on n'a pas cette impression (que je déteste) que l'auteur aurait sorti une dernière pirouette de son chapeau ! En revanche, on dirait que, tout à coup, il a tout dit et n'a plus envie d'ajouter un mot de plus, si bien que cette fin paraît quelque peu bâclée.
C'est dommage, car entre le démarrage un peu trop lent de l'histoire, et cette fin précipitée, il y a un trop grand déséquilibre à mon goût dans l'entretien du suspense, qui est d'autant plus décevant qu'on sait, on sent que l'auteur aurait pu faire autrement, quitte à abréger le début… et soigner davantage la fin, pour ce page-turner écrit par ailleurs avec talent et maîtrise, et qui présentait tant d'ingrédients alléchants, mais qui n'ont pas été exploités à leur plein potentiel.