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EAN : 9782844143013
83 pages
L'Association (11/04/2009)
4/5   7 notes
Résumé :
Ce nouveau livre de Baudoin marque une étape majeure dans son cycle autobiographique commencé à la fin des années 80. Amatlan se situe au Mexique, et s'il commence comme un carnet, il prend vite une consistance imprévue qui en fait l'un de ses livres les plus accomplis et les plus touchants. Si Baudoin dessine les paysages d'Amatlan avec ses montagnes magnifiques où Zapata s'est jadis caché, il dessine aussi Neige, la bien-aimée qui l'accueille là-bas. Neige, écriva... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Qu'est-ce qu'on dit comme conneries quand on aime ! Mais plus que tout qu'est-ce qu'on tait ! Toutes ces belles choses, ces beaux mots qu'on n'arrive pas à dire. Peur. Du ridicule, de la fuite de l'autre, du fossé qui pourrait se creuser un peu plus, de la chute dans le précipice ? Oui sans doute un peu de tout ça et plus encore. Aimer c'est se mettre nu. Tout le monde n'aime pas.

Est-ce qu'elle a aimé cette mise à nu ? Vous l'a-t-elle dit ? C'est un peu trahir, non ? « Je ne veux pas que tu parles de moi... » Mais comme tous les amoureux, crétins comme le sont les vrais, vous l'avez fait.

Des pauses en noir et blanc entre deux temps, deux espaces, une respiration entre deux corps qui demandent repos. Et se retrouvent des années plus tard.

Aux poses griffonnées de visages graves et inoubliables devant une porte de Nice ou celles beaucoup plus lascives d'un corps endormi dans un lit de l'autre côté de l'océan.

Vous avez tout dit d'elle. Un peu de vous mais vous étiez décentré. Alors Monsieur Baudoin, comment a-t-elle reçu ce cadeau souvenir ? Merveilleux hommage d'un homme aimant. Homme multiple comme tout être ayant atteint l'âge d'être le père de matthieu, connaisseur d'histoires et pourtant toujours émerveillé devant ce fauve des hautes montagnes qu'est Neige.

Pour tout vous dire, je me suis trouvée moche (un instant) pendant cette lecture. J'ai chiné des photos de vous, d'elle sur le net. Et je me suis dégoutée. J'avais été petite. Je le suis toujours. C'est le risque avec les autobiographies. Je deviens intrusive et je n'aime pas l'être. Je crois que c'est pour ça que je vous écris, pardonnez-moi. Mes questions aussi.

J'ai tellement ressenti fort votre histoire. L'avantage du "votre" qui recouvre juste vous, ou vous et elle... allez savoir^^ En amour, le doute est toujours bon.

Ce roman, c'est un peu de vous, un peu d'elle. Je viens de terminer un roman de Saer dans lequel il écrit « du simple fait d'exister, tout récit est véridique. » Je trouve que cette phrase recouvre tout ce que vous avez dessiné. Même les mots cachés dans un feuillage touffu, tout est vrai parce que vous lui avez donné corps. Neige et vous dans le Grand Nord, c'était beau, hein ?

Un noir et blanc criant de lumière avec des yeux qui parlent passionnément des fabuleuses rencontres que la vie offre à qui sait ouvrir la porte, doucement pour ne pas effrayer la beauté de l'instant.

Merci Blackbooks pour ce cadeau, j'ai aussi adoré la plume du dessinateur tu sais. Une sacrée plongée dans cet univers pour moi !
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Rien ne finit, ça devient autre chose.
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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre, le récit d'un voyage de l'auteur au Mexique. Sa première publication date de 2009. Cette bande dessinée est l'oeuvre d'Edmond Baudoin, pour le scénario et les dessins. Elle est en noir & blanc et compte quatre-vingt-quatre pages.

À Paris, le 30/10/2007, un dessin en pleine page : un homme debout nu contemple une femme allongée, nue également. le cinq décembre 2007, au Mexique, à Amatlán, le jardin, vu de l'intérieur de la maison, les feuilles de lierre sont en fer forgé, derrière se trouvent une cour et un arbre. le même jour, dans cette cour, deux chiens, un jaune et un noir, dorment au soleil. le chien jaune a les yeux très bleus, avec une pupille noire au milieu, le souvenir d'un ancêtre du Grand Nord. le même jour, la vue depuis la terrasse de la maison, deux vautours tournent là-haut, au-dessus des montagnes. Suit une représentation réalisée le lendemain, de la maison vue de la route pavée : elle se trouve à l'extrémité d'une allée, au milieu de la végétation. Toujours un dessin en pleine page : l'intérieur de la maison, il ne faut pas marcher pieds nus, il y a des scorpions. Un dessin d'église : Edmond indique qu'il est au Mexique puisqu'il dessine une église mexicaine, l'église Santa Maria à Tepoztlan, le six décembre 2007. Dans cette ville, il rencontre un Italien dans un café : il s'appelle Andrés, il vit ici. Ils se parlent, Edmond lui dit qu'il fait de la bande dessinée. Son interlocuteur lui répond qu'il y en a un qui vient ici tous les étés, un auteur comme lui. Qui ? Golo. Qui ? Golo ?... Edmond n'en revient pas : son ami Golo, parisien et égyptien, bientôt mexicain, ici !

Première promenade dans la montagne qui est derrière la maison le sept décembre 2007. Désir de voir, d'aller là où tournent les vautours, dans leur paix. Zapata s'est caché ici. de la vallée montent des hurlements qui n'ont pas de pauses, les aboiements des chiens, beaucoup de chiens, errants aussi. Peut-être qu'en bas, les hommes silencieux crient leurs misères à travers les gorges des chiens ? le soleil se couche, il faut redescendre. le lendemain, Edmond fait la connaissance de Manuel, Anne, Juan Pablo. En son for intérieur, il s'interroge. Encore une fois un livre. Encore ?... Un carnet de voyage ? Il est assis dans un jardin, quelque chose comme un jardin. La couleur dominante est celle de la brique, du beige aussi avec des taches vertes. On est environ à 1.700 mètres d'altitude, début décembre, il fait doux. Il y a des arbres dans ce jardin, des ciruelos, une espèce de prunier dont les fruits ont le goût des oranges, un peu, avec un gros noyau. Deux maisons se font face, dans celle qui est dans son dos il y a Anne, Anne écrit pour plusieurs journaux français. Devant, il y a celle où il loge avec elle, elle c'est Neige. Il l'entend rire avec Magali dans la cuisine. Magali donne des cours de philosophie dans une université à Cuernavaca.

Qu'il soit familier de l'écriture d'Edmond Baudoin, ou qu'il le découvre avec cet ouvrage, le lecteur éprouve vite une forme d'accoutumance à la forme très libre de sa narration. le récit commence sous la forme de dix illustrations pleine page, avec une date (celle à laquelle elle a été réalisée), un court texte explicitant ce qui est représenté. le lecteur comprend que l'auteur a réalisé ces dessins sur le vif, parfois au pinceau, parfois à la plume. Il s'agit d'images descriptives où le lecteur peut reconnaître ce qui est représenté, avec un degré de précision variable, jamais avec un aspect photographique, que ce soit dans la précision ou dans le détail. En planche six, l'artiste s'attache à détourer chaque élément présent dans la grande pièce de la maison, mais avec des traits irréguliers, sans texture, et presqu'aucune ombre portée. En planche quatre, il reproduit l'impression que donnent les arbres devant la montagne, avec des traits de pinceau appuyés pour reproduire l'effet de silhouette de ces éléments, sans aucun détail sur l'intérieur des surfaces qu'il s'agisse des feuilles ou des troncs. Dans les pages suivantes, à une ou deux reprises, les images s'avèrent être composites associant deux ou trois éléments issus de prises différentes, encore accompagnées d'un texte soit laconique soit composé de plusieurs paragraphes. Ce n'est qu'à partir de la planche vingt-six que le lecteur découvre des compositions plus classiques de cases alignées en bande, la plupart avec une bordure de case, le temps de six pages. Puis revient le mode en illustration accompagnée d'un texte.

Edmond Baudoin choisit la forme et la composition de chaque page comme bon lui semble, au gré de sa fantaisie. En tout cas, dans un premier temps, le lecteur se dit se dit que l'auteur suit l'inspiration du moment. Mais s'il a lu d'autres ouvrages, il sait qu'en fait Baudoin compose bel et bien chaque ouvrage, peut réaliser plusieurs brouillons d'une page, tout en s'accordant une liberté totale, sans se sentir contraint de respecter une attente implicite du lecteur sur un format de cases disposées en bande. L'effet ne s'apparente pas à celui d'une bande dessinée et déstabilise dans un premier temps car le lecteur ne retrouve pas l'effet de la régularité de disposition des cases, ou l'interaction attendue entre phylactères et images, et dans le même temps ce n'est pas un texte illustré, ou des images commentées. C'est une sensation de liberté peu commune en bande dessinée, à la fois des images et des mots sur des pages rectangulaires, à la fois quelque chose d'inattendu, d'impossible à anticiper à chaque découverte d'une nouvelle page. Même un lecteur familier de l'artiste se retrouve surpris. Tout d'abord en planche 18 quand il comprend qu'il lit les mots de Neige, Edmond ayant fait participer sa compagne : elle raconte son état d'esprit quand Edmond souhaite qu'elle vienne danser avec lui sous les yeux des villageois à une fête, et qu'elle ne se laisse pas convaincre. de la planche trente-six à la planche quarante-trois, le texte n'est plus manuscrit, mais en caractères d'imprimerie, Neige évoquant en prose le viol dont elle a été la victime et son incidence sur sa relation avec Edmond, les images devenant effectivement une illustration sur le bord, les planches quarante et quarante-et-un en étant même dépourvues. Pour autant, l'esprit du lecteur a eu le loisir de s'habituer à la malléabilité de la narration et il se lance dans ces pages de texte avec plaisir, sans même songer un instant à renâcler parce que ce n'est pas de la BD.

En planches onze et treize, l'auteur développe un texte de plusieurs paragraphes dans lequel il s'interroge sur ce qu'il est en train de faire, sur la nature de son récit, de son ouvrage. Un carnet de voyage ? Encore une fois un livre… Pour dire quoi ? le chemin ? Son chemin ? le lecteur ressent au fil des pages que l'auteur n'agit pas par automatisme, qu'il ne se contente pas de raconter ce qu'il voit, ce qu'il ressent, sa façon de vivre sa relation avec sa compagne Neige. Il s'interroge sur la première planche avec l'homme et la femme nus, puis découvre ces images qui montrent les lieux qui entourent Edmond Baudoin, comme croqués sur le vif, mais en fait montrant ces endroits avec sa sensibilité, sa subjectivité. Il se dit d'ailleurs que le narrateur a opéré un choix dans ce qu'il montre, dans ce qu'il représente, que sa subjectivité s'exprime également dans ce qu'il a retenu pour être montré, qu'un autre auteur aurait fait d'autres choix, aurait montré d'autres lieux, ou les aurait montrés d'une autre manière. de ce point de vue, le récit s'apparente bien à un carnet de voyage, avec les lieux du quotidien, avec un peu de marches, de voyages qui s'apparente à du tourisme, mais à l'opposé de celui de masse. le lecteur voit ces paysages par les yeux de l'artiste, et il perçoit que celui-ci est attaché à rendre compte de ce qu'il voit, pas à plaquer une conception préalable sur ce qu'il découvre. Cela donne un carnet de voyage très personnel.

Toutefois, ces pages ne peuvent pas être réduite à un carnet de voyage à Amatlán et dans ses environs, parce qu'Edmond Baudoin raconte également sa relation avec Neige. Il le fait en assumant sa subjectivité personnelle, en la faisant ressortir. Il ne présente jamais ses pensées comme une vérité, mais bien comme sa perception des choses, de cet être humain qui n'est pas lui, de ses projections. Dès la planche treize, il indique explicitement qu'il a soixante-cinq ans lors de ce voyage, et que Neige en a trente. Il a une conscience aigüe à la fois de la transgression que cela constitue vis-à-vis des conventions sociales, sans développer le pourquoi desdites conventions, et de son désir pour elle. Il n'insiste pas particulièrement pour son respect pour elle, mais le lecteur qui déjà lu d'autres bandes dessinées abordant le sujet de ses relations avec la gent féminine, connaît à la fois son pouvoir de séduction, à la fois son respect absolu du consentement. Il ressent qu'Edmond ne veut en aucun cas mettre en oeuvre une quelque forme d'ascendant que lui donnerait son âge sur elle. le lecteur comprend que dans ces conditions l'auteur ait souhaité donner la parole à Neige, qu'elle ait pu exprimer son point de vue, ses ressentis, qu'ils figurent dans l'ouvrage. Cet aspect-là de la bande dessinée est traité avec une rare sensibilité : l'auteur se met à nu avec une honnêteté totale, tout en préservant une pudeur qui évite au lecteur de se sentir de trop, ou de devenir un voyeur. Cet album est également un carnet de voyage vers l'autre dans une relation amoureuse, dans toute sa singularité, et dans le même temps dans tout ce qu'elle peut avoir d'universelle, avec exécution d'une rare beauté.

Une bande dessinée d'Edmond Baudoin de plus… Et c'est déjà beaucoup. Un carnet de voyage à nul autre pareil, dans lequel la sensibilité de l'auteur s'exprime dans chaque dessin, chaque phrase, chaque construction de page. Un voyage géographique en dehors des sentiers battus, avec une perception du quotidien et des paysages qui n'appartient qu'à cet auteur. Également un voyage amoureux, une relation fragile, délicate, difficile à faire accepter aux yeux des autres, et même aux yeux de l'auteur, avec une exigence de soi pour ne pas profiter de son charme et de son âge, ne pas abuser d'une forme d'ascendant, construire un consentement réciproque entre deux êtres uniques.
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C'est ma première incursion dans le monde de Baudoin. Est-ce la raison de mon avis mitigé ? Les dessins sont en noir et blanc, les portraits sont fascinants. BD à quatre mains avec des pages de texte écrites par sa compagne qui dévoile son enfance meurtrie et leur rencontre. Il est donc intéressant de voir ce que chacun trouve à l'autre. Des questionnements sur l'amour, le vieillissement. Curieux que de voir des corrections, des mots raturés.
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A plus de trente ans Baudoin décide de tout quitter pour faire du dessin, il ne voulait pas mourir comptable. Impossible de savoir si la comptabilité a beaucoup perdu, mais c'est sûr le monde de l'édition a gagné beaucoup plus qu'un dessinateur. Baudoin est un rêveur, pour lui choisir entre la gaité de l'ivrogne ou le sérieux du bigot est inadmissible. Baudoin sera dessinateur de bande-dessinée mais une bande dessinée connue de lui seule.

Il est le premier à introduire l'autobiographie dans cet art si codifié. Il se dessine enfant, adolescent, adulte et même anticipe sa vieillesse. Laetitia Carton, s'efface et d'une caméra aérienne, douce et légère, elle suit Edmond, elle suit les mains d'Edmond qui effleurent la page. Rarement l'image n'a restituée avec autant de grâce le travail d'un artiste,il faut dire que le sujet est en or.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Encore une fois un livre. Encore ?... Un carnet de voyage ? Je suis assis dans un jardin, quelque chose comme un jardin. La couleur dominante est celle de la brique, du beige aussi avec des taches vertes. On est environ à 1.700 mètres d’altitude, début décembre, il fait doux. Il y a des arbres dans ce jardin, des ciruelos, une espèce de prunier dont les fruits ont le goût des oranges, un peu, avec un gros noyau. Deux maisons se font face, dans celle qui est dans mon dos il y a Anne, Anne écrit pour plusieurs journaux français. Devant, il y a celle où je loge avec elle, elle c’est Neige. Je l’entends rire avec Magali dans la cuisine. Magali donne des cours de philosophie dans une université à Cuernavaca. Suspendu aux branches du ciruelos qui me fait de l’ombre, il y a un hamac, dans le hamac il y a Manuel. Il vient du Honduras, il fait une halte ici avant de partir pour le Michigan, où il est étudiant en littérature. Il est quatorze heures. La table sur laquelle j’ai mis ce carnet est ronde et en béton, de la céramique bleue est incrustée sur le dessus. Des insectes inconnus se promènent sur les pages blanches. Un chat borgne fait sa toilette, deux chiens dorment au soleil, de gros pétards explosent quelque part, pas très loin. Le son des explosions s’en va cogner dans les montagnes, il revient en écho rappelant le tonnerre, c’est surréaliste dans ce ciel bleu. Des coqs chantent dans la campagne alentour, le chien noir se met à l’ombre, un cavalier avec un sombrero passe au-delà du portail sur un chemin de terre surplombant le lit d’une rivière à sec. Il est suivi d’un mulet chargé de sacs de maïs. Le Mexique ressemble à un film dont l’action se passe au Mexique. Encore une fois un livre… Pour dire quoi ? Le chemin ? Mon chemin ? Combien de fois vais-je encore dire mon chemin ? Il m’est arrivé d’écrire que la création ne commence pas quand on arrive devant notre précipice mais quand on y descend. Suis-je aujourd’hui capable de descendre dans celui qui s’appelle Mon chemin du Mexique ? Même avec des cordes ?... Dans cette chambre, sous la scorpionnaire, Neige dort. Je vais me doucher faire du thé et remonter la réveiller. Dans ce voyage, il n’y a pas que celui que je fais en venant au Mexique, il y a celui que je fais depuis plus de dix ans avec Neige. Des bouts de voyages, des interruptions, des retrouvailles. Là, on se retrouve. Aller dans le précipice, c’est oser parler de ce voyage patchwork, écrire sur Neige et moi dans ce pays qu’elle a choisi pour être ailleurs. J’ai soixante-cinq ans, Neige en a trente. Il est profond le précipice, il est terriblement profond.
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Quand j’étais ado, ma grande question était : À quoi ça sert tout ça ? Tout ça, c’était la vie. Autour tout n’était que mensonges. Il me fallait donc apprendre, apprendre, essayer de comprendre tout seul. L’école ne m’a rien appris. Je m’ennuyais. J’ai essayé ailleurs. Et qu’est-ce que je sais ? Que je suis vieux. Neige me le dit. Et je le vois quand je regarde la peau flétrie de mes bras, elle ressemble maintenant à la peau que je voyaissur les bras des vieux assis sur les bancs de pierre de mon enfance. Lais vieux, c’est quoi ? C’est être proche de sa mort, s’en approcher consciemment. Et c’est ça la vraie question. Apprendre, comprendre, devenir meilleur, pourquoi ? Je ne crois pas en Dieu, ni en rien, donc meilleur pourquoi ? Pour qu’on se souvienne de moi ? Pour laisser une belle trace ? Mais le vrai moi n’existe pas dans la mémoire de ceux qui m’ont rencontré, chacun a inventé un moi à sa convenance, même mes enfants, et il y a longtemps que ma trace m’échappe et s’efface. Et moi, je ne sais pas qui est moi.
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Hier soir à la fête, j’ai honte de danser avec Edmond devant tous les gens du village. Évidemment, il s’en rend compte. Tu peux danser avec tous les autres. Pourquoi pas avec moi ? Je me tais. Je ne sais pas quoi dire. On regarde les danseurs en silence. La musique continue mais pour nous ce n’est déjà plus la fête. Cumbia, ranchera, norteña, salsa. C’est une fête de village. Personne ne sait bien danser. Tout le monde s’en fout. Les gens tapent des pieds, dont des tours sur eux-mêmes, se sourient. Les garçons du village invitent les filles des villages voisin. Personne ne nous regarde. Personne ne se soucie de nous. C’est ce que pense Edmond. Il a raison. Je le sais. Et pourtant j’ai honte. Il est à côté de moi et il descend dans un puits. Un puits profond, un puits qui a plus de kilomètres que l’océan qu’il a traversé pour venir me voir ici. Il m’emmène marcher dans le village, dans les rues obscures où l’on entend soudain les aboiements des chiens alors que la musique s’éloigne. Il demande pourquoi. Il voudrait savoir. Sans doute parce qu’il est vieux. Quoi d’autre ? Ensuite, j’ai honte d’avoir honte. Il veut me respecter. Même cette honte imbécile, il veut la respecter parce que je le mérite. Il dit qu’il a eu tant de vie déjà, tant d’amour. Tant de gens qui l’ont respecté. Et moi non. Moi je mérite qu’on me respecte, parce que je ne l’ai pas eu avant. Il veut me donner ça. Mais on retourne quand même pour une danse, parce qu’il insiste, parce qu’il ne veut pas rester sur cette sorte d’échec.
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Et je retrouve le vieux paysan qui de près n’est pas si vieux. On se dit : Buenas tardes, et on engage une conversation identique à celle des paysans de mon enfance, ceux de Villars-sur-Var, loin d’ici, très loin. Une conversation faite de sons, mais surtout de gestes. Nous avons parlé de la beauté du coucher de soleil, du chant des oiseaux à cette heure-là et peut-être du maïs transgénique et du sous-commandant Marcos. Mais ça, je n’en suis pas sûr. Ensuite, on s’est dit qu’il était de rentrer et chacun est parti de son côté. J’ai parlé la langue de cet homme-là, j’étais fier.
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Elle répond à mon texte : peut-être qu’il veut finir un voyage. On arrive par hasard dans un endroit. Et on y voit des choses surprenantes. On se dit : il faudra que je revienne voir ça. Puis il se passe d’autres choses. On va dans d’autres lieux. On oublie. Maos lui il repense à cet endroit et il y retourne. Il croit qu’il veut aller au bout de quelque chose, sans très bien savoir ce qu’il veut dire par là. Aller au bout, est-ce que ça peut vouloir dire autre chose que mettre fin ? Épuiser, trouver un final. Retourner en arrière comme pour essayer de comprendre pourquoi on a voulu revenir et dans ce geste effacer la nécessité. Terminer satisfait comme répondre à une question que pourtant personne ne lui avait posé.
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