Un très bon hors série de Beaux Arts sur la base de l'exposition consacrée aux femmes peintres de 1780 à 1830, qui s'est tenue jusqu'à fin juillet 2021 au musée du Luxembourg à Paris. Les reprographies sont d'une remarquable qualité et je sais de quoi je parle puisque j'ai vu les tableaux originaux à l'exposition. Les textes sont bien écrits et apportent foultitude d'informations sur les femmes peintres au tournant du XVIIIe siècle. Vigée le Brun, Labille-Guiard, Benoist, Mayer, autant de talents à découvrir, souvent injustement remisées dans les réserves de l'histoire de l'art, mais qui mériteraient chacune leur propre exposition…
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Former l'oeil et la main-- A l'Ecole des femmes - Eve Belgherbi
(...) Pas de nu d' "après nature"... mais avec cache-sexe !
L'obstacle est connu: l'étude du nu "d'après nature" est officiellement interdit aux femmes parce cela leur permettrait de prétendre à la peinture d'histoire, le plus prestigieux des genres à cette époque. La société leur rappelle leur place en tant que femmes, puisque cette étude serait contraire à ses codes. En cette fin du XVIIIe siècle, une jeune femme de bonne famille ne peut être mise en présence de corps déshabillés, en public, et encore moins les scruter pour les dessiner ! Ces interdictions sont à relativiser, et ne sont pas une entrave insurmontable. Car pour pallier l'absence de modèle nu, l'étude de l'anatomie se fait en effet via les planches et descriptions publiées dans les ouvrages destinés aux artistes. Dans les ateliers privés, le modèle pose même parfois nu avec un cache-sexe. (p. 13)
Elles brillent dans l'art du portrait
Au sexe "faible", les arts mineurs ! Le genre du portrait, en tant qu'exercice consistant à tirer la plus satisfaisante ressemblance du modèle, est celui dans lequel les peintres femmes vont s'épanouir. Un espace de liberté dont elles vont profiter pour innover et renouveler l'expression. Dans les années 1800-1830, les femmes jouissent en plus de l'explosion de la demande de portraits pour les intérieurs privés. Chez les bourgeois, avoir son portrait est un"must" et il n'y a qu'à piocher dans les expositions publiques où les portraitistes abondent ! Pour décrocher des commandes, les femmes cherchent à se faire remarquer. Beaucoup ont recours à l'autoportrait, premier moyen d'autopromotion de leur génie et de leur joliesse. Au panthéon du portrait on trouve bien sûr les académiciennes Elisabeth Vigée Le brun et Adélaïde Labille-Giard , et, mais aussi, dans leur sillage, les pinceaux largement oubliés de Marie-Eléonore Godefroid, Marie-Victoire Lemoine, Jeanne-Elisabeth Chaudet... (...)
[Malika Bauwens ]
La Favorite des puissants
Elizabeth Vigée-Lebrun, "Le grand homme" par Alain Vircondelet
Elle n'entra à la Cour ni pour son rang ni pour ses titres, pas d'avantage pour sa fortune ou son entregent, mais par l'unique mérite de ses dons et de son talent. L'avisée Marie-Antoinette repéra très vite en elle ses qualités de portraitiste et peut-être aussi la grâce de sa personne et le charme de son esprit, qui enchantaient déjà Paris. Inaugurant ainsi le règne de la méritocratie, que les révolutionnaires entendirent porter au pouvoir, elle imposa l'artiste à Versailles, la faisant entrer dans le fantastique projet qu'elle avait conçu de rassembler une cour féminine, projet qui accrut l'hostilité de ses ennemis et encouragea la propagande pamphlétaire dont la peintre fait aussi les frais. (p. 34)
Entretien avec Martine Lacas
Peindre quand on naît femme, c'est donc d'abord une histoire de famille ?
Certes, oui, à l'instar de Marguerite Gérard, belle-soeur de Jean-Honoré Fragonard, ou de Marie-Eléonore Godefroid, petite-fille de restauratrice et fille de peintre.Dans les ateliers qui se créent pour accueillir les femmes, les mères, soeurs et compagnes des maîtres s'impliquent également. Mais vers 1800, il se passe quelque chose de nouveau: des femmes se lancent dans la carrière de peintre sans descendre d'une famille d'artistes... (p.7)