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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
François BEGAUDEAU aime les mots plus que tout ; livre après livre, il aborde des sujets variés qu'il mène avec la même exigence. Alors bien sûr, le lecteur doit faire l'effort d'accepter cet art de triturer la langue, de jouer avec le sens des mots. Ce « Molécules » est un vrai plaisir pour le lecteur qui acceptera cette manière de faire. D'autant plus que l'humour, le burlesque cohabitent sans cesse avec le drame et la folie des humains.
Polar atypique, portraits au vitriol mais avec une empathie évidente pour tous les personnages, du premier rôle au figurant, Bégaudeau s'amuse à leur tirer le portrait. Et c'est sacrément bien vu.
Les dialogues sont du même avenant, ça swingue, ça pique, c'est drôle,c'est corrosif, c'est imparable. le regard affuté sur ces frères humains est du pain béni pour le lecteur qui se régale devant l'habilité Bégaudienne.
Un plaisir de lecture évident, qui montre que François Bégaudeau est un touche à tout vraiment bourré de talent.
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Je choisis les livres que je lis en général à la médiathèque municipale, j'ai donc parfois le temps de les réserver, ou de scruter longuement les rayons en quête de la perle noire qui me fera passer des nuits blanches.Mais parfois, il m'arrive de passer en coup de vent à la bibliothèque car je n'ai pas le temps mais il me faut un livre et vite… Donc, j'attrape le premier venu ou presque sous prétexte que :

je connais l'auteur;
la couverture ou le titre est racoleur;
ou je prends tout de même trente seconde pour survoler la quatrième de couverture…
Et celle-ci m'a happée : pas de résumé, ni de présentation succincte de l'histoire mais uniquement un extrait dont le style déjà intrigue…

« le photographe s'accroupit pour cadrer serré Jeanne Deligny. Les trois premiers clichés le laissent insatisfait. L'angle optimal se cherche encore. Pourtant les visages c'est ce qu'il préfère shooter. Il n'a pas déjeuné, c'est sa faim qui le déconcentre. Il s'écarte pour que le capitaine Brun examine de près la plaie béante au cou et les joues lacérées. A première vue, trois fois une joue, deux fois l'autre. A confirmer. Un sillon monte jusqu'à la tempe, un second balafre le front. Sans cela elle serait jolie. L'était il y a une heure. L'est encore malgré les yeux exorbités de qui s'est vu mourir. »

Le shooting photo d'un cadavre donc par un technicien en identification criminelle, aux considérations aussi réalistes que loufoques… Pourquoi avoir choisi de chroniquer Molécules, qui, bien qu'étant un roman policier (atypique) est un livre pas si noir mais plutôt drôle ? Parce qu'il m'a plu tout simplement… Je l'avais bien dit :j ‘aime sortir des sentiers battus et aussi de ma zone de confort… car le style de ce roman « ne coule pas de source » et j'avoue que les torsions que l'auteur impose aux mots m'a séduit…

Que l'on adhère ou pas au style (tout jusque dans la ponctuation est déroutant), le premier chapitre interpelle: une immersion dans un centre psychiatrique qui se révèle drôle et jubilatoire. L'une des infirmières, Jeanne Deligny, mére de famille et femme sans histoire, n'est autre que la future victime, égorgée devant la cage d'ascenseur de son immeuble… Les personnages sont tour à tour décortiqués, y compris les secondaires. La fille de la victime, pour laquelle on ne peut s'empêcher d'éprouver une profonde empathie, est particulièrement bien étudiée: sa « vie est bancale, c'est le premier bilan qu'elle en tire après quinze fois douze mois à circuler dedans« . Jubilatoire je vous dis…

L'enquête sera menée par « la » capitaine Brun et le brigadier Calot sur fond de discussions pop-rock. La relation est cocasse et révèle quelques pépites d'humour. Les tergiversations concernant les témoins, mobiles et suspects éventuels vont bon train alors que l'enquête tourne en rond… Lorsque soudainement un homme passe aux aveux : « l'implacable positivité des faits a sonné la fin de l'orgie spéculative ». Mais pour le capitaine Brun, la résolution de l'énigme qui est trop facile, est décevante: le coupable est « une erreur de casting ». Elle en veut le capitaine, du sordide et du gore ! Leur homme, Gilles Bourrel, ancienne connaissance de la victime, entreprend donc de raconter la brève et tragique histoire qui le lie à Jeanne Deligny: le lecteur la trouvera tant hilarante que pathétique, absurde à l'image du procès qui s'ensuivra… Un procès au cours duquel se succèdent à la barre psychologue, expert médico-psychologique, amis et collègues du présumé coupable…

Le final inattendu viendra clore un récit qui oscille donc entre roman policier et comédie ( de temps en temps, ce n'est pas pour me déplaire)… Alors « on se tait, on boit le génie… »
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Vous croyez commencer à lire un polar : Ben oui puisqu'il y a un meurtre, une victime, une policière, un adjoint, des indices, une concierge portugaise pour mettre sur la voie. Ah oui, Bégaudeau, il fait ça aussi ? Rassurez-vous, il fait ça à sa façon bien singulière : la victime travaille dans un service de psychiatrie, la policière ne manque pas de répartie, chacun a ses petites obsessions, l'adjoint est le roi de la statistique, la concierge juge Dieu supérieur à la justice humaine, la fille de la victime s'incarne dans une science revendiquée. Apparaissent ensuite un assassin, une juge d'instruction, des avocats, des jurés . Et là, mais oui, tout est résolu, mais la vie continue. Ils sont encore là « les survivants » , leur histoire continue, il ne suffit pas d'élucider.

C'est donc bien plus qu'un polar, c'est un attachant roman qui s'intéresse à ses personnages jusqu'au bout, et les aime tous à sa façon marrante, attentive, quasi affectueuse, qui donne la parole à un autiste, c'est vous dire. Et jusqu'à Bégaudeau encore étudiant qui vient tenir un petit rôle épatant pour faire avancer sn intrigue.

Au-delà de cette intrigue perpétuellement malicieuse, Bégaudeau (l'auteur, pas le personnage), traque le sens des choses et des mots, et tout ce que leur non-sens implique aussi, le poids des stéréotypes verbaux et comportementaux. Il instille de l'humour à chaque page, un truc discret, pince sans rire, dévastateur. La légèreté est ici un atout, le sérieux se cache sous le gracieux, . J'ai adoré.

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Chronique vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=4wucRRKRf-M

Toujours difficile de parler de roman qui me plaise, il va falloir traduire en pensées rationnelles des petits plaisirs fugaces, et lors de la lecture, j'ai la flemme de me demander pourquoi telle phrase produit tel effet sur moi, je suis ébahie, dans le plaisir esthétique, je me laisse porter quoi. C'est qu'après qu'il faut tout reprendre.
Par ailleurs, les livres, c'est comme les humains, pour moi, c'est toujours plus facile d'expliquer pourquoi une personne me revient pas, tout ce qui m'agace chez elle que traduire pourquoi je ressens de l'amitié, de la tendresse ou de l'amour, ce qui semble aller de soi en fait, sortir du ben j'aime bien parce que c'est bien quoi
Je ressens pareil pour le Jaenada, que je suis en train de terminer et je pense que c'est un sentiment qui ne se départ pas d'une forme de pudeur, voire d'égoïsme - c'est mon moment a moi, ca a été cool, j'ai la flemme de développer. Donc voilà, c'était bien, faites-moi confiance, lisez-le, fin de la chronique. Non ? Bon.

De quoi ça parle ? Un meurtre a eu lieu en Haute-Savoie, sur la personne de Jeanne Deligny. Il va falloir découvrir le coupable. Une sorte de polar donc.

Mais est-ce vraiment un polar ?

La définition du Larousse ne va pas beaucoup plus loin que le roman policier. Et le site Decitre marque une différence entre les deux, le polar et le policier, que je suppose vraie, mais leur explication est un peu fumeuse. Pour définir simplement le polar, c'est une enquête, la plupart du temps sur un meurtre, parfois du point de vue de l'enquêteur, parfois pas.
Et là vous remarquez que j'emploie le terme d'enquêteur et pas celui de policer ou de flic. Parce que souvent, le héros du polar ne ressemble pas à un flic, il n'a pas d'uniforme, il y a aucune subordination avec des collègues ou des supérieurs. On s'intéressera plus volontiers à sa vie privée, souvent difficile, ce qui fait que c'est un homme dur au coeur tendre ou tendre au coeur dur. Et ça, ça n'intéresse pas Bégaudeau. Enfin, pas l'aspect vie privée, mais l'aspect flic décontextualisé, dépolitisé de polars. Déjà, les flics ne sont que des personnages secondaires dans l'histoire (après, ils le sont presque tous. Bégaudeau n'aime pas spécialement le personnage, le héros, autour de qui tout va tourner, parfois de manière peu crédible. Lui, il aime l'interaction entre ses personnages, le côté humoristique que ça peut donner comme avec la concierge et son comique de répétition ou réaliste avec les dialogues par exemple. Mais plus précisément, il est contre la figure de l'homme providentiel, je pense, et donc, déjà, il va faire de son enquêteur une femme, mais surtout, il va montrer comment la résolution d'une enquête ne dépend finalement pas de la sagacité ou de la supériorité d'un seul homme, et dépend même parfois du hasard le plus total.
Souvent le polar se termine avec la résolution de l'enquête, quand on a trouvé le coupable. Il va en prison, justice a été faite, etc etc. Sauf que Bégaudeau, encore une fois, c'est pas forcément ce qui va l'intéresser, même si on sent qu'il aime bien s'approprier la figure du flic, ou plutôt, la désapproprier de la fiction pour la ramener au réel. Donc le flic, il sera de droite, il classera la dangerosité de l'individu selon sa couleur de peau « un type subsaharien », « de type maghrébin », ou il dira ou pensera des phrases un peu pompeuses tirées de mauvais polars « de la distance toujours. de la distance sinon on est mort ». A côté de ça, il arrive quand même à les différencier les uns des autres, ils ne sont pas une masse informe, et attachants pour certains, je pense à Calot et ses calculs de probabilités.

SPOILS
Et à la moitié du roman, on quitte l'enquête et les flics, pour se pencher sur le coupable, Gilles.

Le coupable
Manière de se demander ce qu'est la justice, son utilité même dans le cas d'un crime. Est-ce qu'une personne doit payer toute sa vie l'erreur de quelques minutes ?

FIN DU SPOIL
Bon bien sûr c'est plus fin, parce qu'on ne va pas non plus évacuer la victime ou ses proches pour angéliser le coupable — Jeanne, elle est morte et rien ne pourra la ramener. Ça évite deux écueils : celui de beaucoup de romans « judiciaires » (je pense à Karine Tuil, son dernier), qui sont vachement frileux et prennent le point de vue de l'avocat, du juge, pour ne pas trop se mouiller, pour ne pas regarder l'abime, et voir que l'abime, parfois, elle ressemble à un miroir, ou encore l'écueil d'iconiser la figure du tueur, le mettent presque au même niveau qu'un méchant surpuissant de bande-dessinée. le coupable, c'est pas Venom, rien que son nom le disqualifie.
J'ai l'impression que c'est une manière de parler de ressentiment, de rédemption, de la possibilité du pardon. Parce qu'en face de lui, il y a la famille de Jeanne et surtout sa fille Léna, que le meurtre de sa mère obsède. Ce qui parait normal dans un premier temps semble la circonscrire dans une bulle mortifère, celle de trouver une moyen de se venger, et ce qui la place inévitablement dans le ressentiment.
Pour Nietzsche, les êtres de ressentiment sont une race d'homme pour qui « la véritable réaction, celle de l'action, est interdite et qui ne se dédommagent qu'au moyen d'une vengeance imaginaire. »
Lena s'exclut de la vie, de sa libido au sens propre et figuré pour remâcher une idée de vengeance compréhensible mais morbide. Elle se coupe de sa propre vitalité. Et c'est ce que lui dit, en substance, le Bégaudeau fictionnel ; et à côté, de ça, on a son frère, Didier, qui, au contraire de sa soeur, sera dans le pardon. Cela comme une main divine, ou créatrice, ce qui revient peut-être à la même chose : « Evidemment, une main énorme empoigne son avant-bras pour le neutraliser, tandis qu'une autre d'égale puissance arrache la flasque ». L'auteur devient dieu, devient la main qui épargne.
Le style
Bon et concernant le style, j'apprécie toujours autant. Si dans l'intention autofictionnelle ou autobiographique, on pouvait comparer Knausgaard à Proust, dans la reproduction du réel jusqu'à l'épuisement, je dirais pour Bégaudeau, qu'on est plutôt dans un éclatement de la description à la Faulkner, surtout au début du roman. En effet, on suit des personnes dans l'hôpital psychiatrique dans lequel travaille Jeanne, selon leur point de vue qui est forcément diffracté — et j'ai pensé au début du Bruit et la fureur. On ne va pas par exemple pour parler d'une branche, commencer par la branche elle-même, puis les feuilles, puis les nervures, mais parler de la branche, puis du coucou qui chante dans l'arbre, du mec qui pisse sur le tronc, et le train qui passe pas très loin : la polyphonie du brouhaha entourant, une impatience, un bouillonnement, ce que j'avais déjà remarqué dans la Politesse. La fin, aussi, à la Faulkner, avec l'odeur de la pluie, des feuilles, qui évoquent les pensées du personnage de Benji, la relation tendre à la soeur qui se projette sur la nature, sur les sensations ressenties « La pluie lui donne une odeur et aussi aux feuilles. ». J'ai pensé à l'odeur de pluie mouillée de Cadie. Il a ce côté lyrique un peu, quand il parle de la famille Deligny, que la malchance approche du sublime, eux qui avaient encore des petits réflexes bourgeois lors de l'enquête.
Et en même temps, un des autres talents de Bégaudeau, et je pense que c'est celui qui reste le plus dans la tête des gens car il se manifeste aussi dans ces essais, c'est celui du portrait, lapidaire, précis, qui explicite au scalpel ce qu'on pensait mollement.

Et enfin, le discours indirect libre, qui apporte souvent des respirations humoristiques en mettant en scène le bavardage, le verbiage des gens « Qu'il en ait pris l'initiative seul donne la mesure de son attachement à Jeanne, qui était réciproque, malgré qu'elle mettait un point d'honneur à ne pas montrer de préférence entre les résidents mais forcément elle en avait car on en a toujours et c'est bien normal et ça ne veut pas dire qu'on néglige les autres. »

Si je devais pinailler, je dirais que parfois il fait son Bégaudeau et se laisse emporter par la vivacité de sa pensée, et que nous, on trainasse derrière, dans des passages où il accumule les phrases très courtes, très référencées, très private joke « le seul nom de cette musique alerte qu'elle n'est rien de plus que ce qu'elle est : de la musique. […] Pardon mais si ça c'est pas de l'immanence. Musique pour la danse, musique-danse. Je ne danse pas sur la musique. Je danse la musique ? La musique danse pour moi » le genre de passages qu'il aime bien conclure avec un impersonnel, qui est en fait très personnel « On va le lui faire regretter. On y mettra le temps qu'il faudra ».


Si je devais comparer avec une de mes lectures récentes, et je pense que la comparaison ne lui plaira pas, ce serait avec La carte et le territoire de Houellebecq. L'enquête dans ce roman est aussi anti spectaculaire que chez Houellebecq, les flics sont peut-être plus ancrés sociologiquement et politiquement qu'avec Michel, mais l'enquête est aussi vite résolue, sans effets de manche. Et puis la question de notre place dans le monde, de l'ineffable face au périssable, le fait que l'auteur apparaisse comme personnage, ou qu'on quitte l'intrigue « principale » à la moitié du roman. Je crois que l'humour m'y fait penser aussi, un humour assez absurde ou alors jusqu'au boutiste, je compte pas le nombre de haha que j'ai noté sur ma liseuse. En résumé, l'association du lyrisme et du clinique dont j'avais parlé dans ma vidéo sur Houellebecq.
Quoiqu'il en soit, c'est un roman que j'ai beaucoup aimé, que je vous recommande.

Lien : https://www.youtube.com/watc..
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Constituées d'atomes punkoïdes


D'abord « Histoire de ta bêtise » m'a subjugué. En conséquence de quoi j'ai cherché d'autres Bégaudeau. Il y aura eu « En guerre » au niveau de mes attentes et puis ce « Molécules » qui nous réunit ici. Entre polar et drame social. Au bout de quatre vingts pages, le meurtre a eu lieu, le coupable est arrêté et il passe aux aveux. le reste du roman est une balade basée sur ce point d'ancrage que sont les premières pages.

C'est comme si Bégaudeau traitait tout ce qu'il touche en punk qu'il fut. Avec cette sensibilité particulière des anciens punks, ce mouvement qui ne fut pour Bégaudeau comme tant d'autres, rien de moins que la couveuse de son anarchie marrante, son nihilisme responsable, son bordel à principes.

Il n'y a pas de règles formelles dans l'écriture de « Molécules ». Avoir de l'imagination, des choses à dire et une voix semblent les seules repères fondés à justifier son existence. Un pied dans le réel et un autre dans un univers mental fait d'idées. le second est un prisme qui éclaire de son éclatante totalité le premier.

Les livres de Bégaudeau sont aussi fascinants que l'écrivain lui-même. Une sorte d'anti-Beigbeder alors qu'il en est si proche. Deux jumeaux, séparés à la naissance, qui auraient eu leur parcours propre. Les initiales sont les mêmes et les noms de famille se ressemblent dans leurs déclamations.

Pour conclure, un roman qui vaut le coup mais en grande partie par le reste de l'oeuvre et la connaissance que l'on a de l'auteur. Je mentirais en ne signifiant pas que s'il n'avait été écrit par Bégaudeau, son intérêt serait quasiment nul. Ce que je ne dirais pas pour « En guerre » qui est percutant en soi.


Samuel d'Halescourt
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Ce roman qu'on peut, si l'on y tient, ranger dans la catégorie des polars est assez singulier, non par le crime qui en constitue l'épicentre – son auteur est rapidement démasqué – mais par l'analyse de sa genèse et de ses suites, faisant intervenir une kyrielle de personnages qu'on qualifiera de secondaires pour faire court bien que tous bénéficient de la sollicitude de l'auteur (du livre).
Gilles a tué Jeanne, mais ce n'était pas son intention : il voulait en réalité s'en libérer, effacer l'image de cette femme qui persistait dans un recoin de son esprit depuis vingt ans, la rayer, cette image, comme une photo qu'on hachure au stylo-bille. Jeanne a refusé son amour, quand il n'était encore qu'un étudiant, et cette fin de non-recevoir, pour sensée qu'elle ait été, de son point de vue à elle, a ruiné, sans qu'il s'en rende compte, le destin de Gilles et notamment sa vie sentimentale et sexuelle.
L'enquête proprement dite, quasiment court-circuitée par le principal intéressé, est surtout l'occasion pour Bégaudeau de camper un personnage de brigadier assez pittoresque. Mais à vrai dire le roman regorge de figures remarquables, et remarquablement décrites : Didier le "fou", madame Nunez la concierge, Léna la fille de Jeanne, Charles son mari pharmacien, "le Grec" guérisseur... La partie la plus captivante du roman, à mon sens, est consacrée au procès de Gilles et aux rituels en usage dans les enceintes des tribunaux : passes d'armes à fleurets mouchetés entre l'avocat du prévenu et l'avocate de la partie civile, reparties spirituelles de la présidente, discours nébuleux et ambivalent des experts psychologues.
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