"Allan
Thomas Scott", les tintinophiles l'auront immédiatement compris, c'est Allan Thompson, acolyte du terrible Roberto Rastapopoulos. Lieutenant à bord du cargo Karaboudjan, il entretient l'alcoolisme du capitaine Haddock pour s'adonner tranquillement au trafic d'opium. C'est sur cette crapule, ce "marin bandit", que
Sarah Belmas a choisi de se pencher. Tintinophile avertie,
Sarah Belmas voue à
Hergé une passion et une tendresse qui transparaissent dans son oeuvre. Mais avant de vous parler de l'ouvrage en lui-même, rappelons que :
-
Hergé, tout comme
Franquin ou Zep, avait clairement exprimé sa volonté que ses personnages ne soient pas repris après sa mort.
- S'appuyant sur la volonté de l'auteur, la société de Moulinsart, détentrice des droits, s'applique avec un zèle maladif à empêcher toute réappropriation de Tintin et Cie. Les auteurs désirant apporter leur pierre à l'univers hergéen sont ainsi bien souvent contraints d'employer quelques subterfuges, comme ici un nom modifié, mais qui ne trompent personne.
Je connais depuis quelques temps déjà l'oeuvre de
Sarah Belmas, les dessins qu'elle publie débaroulant fréquemment sur mon fil d'actualités. Souvent, elle y met en scène Tintin, parfois ses compagnons, prétexte à telle ou telle réflexion. C'est beau, intelligent, et empreint d'amour pour cette série qui a fait rêver des générations d'enfants. Cependant, ce n'est que tout récemment que j'ai appris l'existence de ce livre. Et là, le dilemme s'est posé. Dois-je acquérir ce livre d'une artiste que j'apprécie, traitant d'une série qui à jamais occupera une place à part dans mon coeur de bédéphile ? Ou dois-je y voir une trahison de la volonté de
Hergé et m'en détourner ? J'ai survolé quelques critiques (je n'aime pas en savoir trop sur un livre nouveau), plutôt bonnes. J'ai même échangé quelques mots avec Sarah qui m'a assuré de sa volonté de respecter le travail de
Hergé. Je n'en doutais pas.
Bref, j'ai acheté l'ouvrage et l'ai dévoré. On sent à quel point Sarah s'est prise d'affection pour son marin bandit. de ce personnage brutal, poussant la cruauté jusqu'à demander au capitaine Haddock s'il dort avec la barbe au-dessus ou au-dessous de la couverture (cette question hante mes nuits), Sarah s'est attachée à nous faire découvrir l'homme, ses pensées, ses aspirations, les démons qui le rongent et ses secrets enfouis. Tout comme Allan, le texte est brut de décoffrage. Les mots ne sont assurément pas sortis d'un album de Tintin. L'histoire n'est clairement pas destinée aux enfants de sept à soixante-dix-sept ans. Mieux vaut avoir un peu de bouteille (de Loch Lomond ?) avant de se plonger dans cette lecture.
Graphiquement, c'est beau. C'est en quelque sorte... du
Hergé sans en être. La ligne claire de
Sarah Belmas n'est pas la ligne claire de
Hergé, et c'est tant mieux. Mais l'ambiance y est. Et je trouve ça assez impressionnant. On retrouve dans ces dessins l'ambiance de ceux de
Hergé, sans le trait de
Hergé. C'est à ce genre de choses, je crois, que l'on sait être face à une grande dessinatrice. Et cette façon, dès les premières cases, de dessiner la mer !
Je ne me permettrais pas de porter le moindre jugement éthique. Sarah a réalisé cette ouvrage comme un hommage à
Hergé, avec son coeur de tintinophile. Lisez donc "Allan
Thomas Scott, le marin bandit" et faites vous votre propre opinion. le livre ne plaira peut-être pas à tous, mais il ne laissera à coup sûr personne indifférent.