L'inspecteur général Etienne Guyon-Vernet est chargé de rédiger un rapport sur le classement comme monument historique du château de Monsieur Duplessis, le richissime et ostentatoire maire de St-Germain-les-Roses dont la fille Marthe devrait épouser prochainement un duc pour lequel elle n'a aucun sentiment. Pour être précis, l'inspecteur général entend un jour parler de «sa fille qui n'est pas sa fille», détail qui éclaire la dernière page de ce bijou de récit, dense, de 64 pages, qui est donc toujours édité en même temps que d'autres récits.
Le château, «restauré avec plus d'argent que de goût,... n'a plus de Renaissance que le nom», mais les pressions politiques pour le faire classer sont impérieuses. On s'interroge aussi sur les origines de la fortune de Duplessis: elle proviendrait de son épouse, décédée il y a longtemps. Et d'où venait son argent à elle? «Il faut être indulgent, cher Monsieur. N'oublions pas que nous sommes dans le pays de Diane de Poitiers. S'il n'y avait eu, au cours des âges, que des femmes prétendues honnêtes pour faire construire, les architectes n'auraient été favorisés que de très peu de commandes».
Le maire court d'une mondanité à l'autre et c'est Marthe qui guide l'inspecteur général dans la visite du château, et il constate que Marthe - charmante, et beaucoup mieux que cela – n'a elle-même que mépris pour le château: «Vous pourrez vous rendre compte du plan primitif, dégagé de tous les apports que la vanité et l'ignorance lui ont imposés. Je continue à croire qu'avant de tomber dans des mains ridicules, il a été une assez belle chose».
Une troupe de douze cosaques zaporogues s'arrête dans le village pour une représentation. L'un d'entre eux, le N° 6, un peu plus âgé, porte les insignes d'officier de la légion d'honneur, ce qui intrigue, et on apprend pourquoi. Cet aristocrate était propriétaire de vastes domaines et avait occupé avant la prise de pouvoir par les soviets de hautes fonctions diplomatiques en France. C'est la défaite de l'armée blanche où il servait comme colonel, qui l'a amené à ce métier de saltimbanque ambulant pour gagner sa vie, comme bien d'autres aristocrates, sans qu'il ait perdu la dignité et les manières de la noblesse.
Vient la représentation des cosaques où – pour faire bref – le N° 6 ne réussit qu'après plusieurs essais un numéro particulièrement difficile où, son cheval étant au galop, il se penche jusqu'à terre pour ramasser un bouquet de fleurs que Marthe lui avait lancé, et il se blesse même au bras, mais à la surprise générale, il revient au galop déposer le bouquet aux pieds de la jeune fille.
La fête passée, Marthe disparait,... évaporée. On la recherche pendant plusieurs jours. L'inspecteur général apprend qu'elle est allée chez le notaire de Tours pour assigner Duplessis en reddition des comptes de tutelle. A la sortie de cette entrevue, un homme d''une cinquantaine d'années l'attendait paternellement avec un bras en écharpe et l'embrassa joyeusement.
Je partage ce qu'a écrit sur l'auteur l'écrivain
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