Il y a sans doute plus d'un point commun entre
Pierre Bergounioux et Philippe Cognée, et celui-ci, assurément : artistes reconnus par leurs pairs, ils demeurent tous deux discrets, plus dévoués à leur travail qu'à sa publicité.
Pour ouvrir à l'oeuvre du peintre nantais,
Pierre Bergounioux, enfonçant le clou d'un exergue planté avec
Fernand Braudel, met en garde contre les «recherches» et les «systèmes» dont certaines gloses peuvent accabler les artistes et n'en rien dire. Plus sûrement, avec le style et l'esprit qu'on lui connaît, les deux invariablement associés, l'écrivain s'intéresse-t-il en premier lieu à l'époque; Philippe Cognée est né en 1957, enfant du post baby-boom, contemporain de la mécanisation, de la modernisation, de l'urbanisation, de l'accélération de l'histoire et de la fin du monde rural. Analyste méticuleux, fort d'une impressionnante connaissance des contextes politique, économique, social et culturel de la France de ces années-là,
Pierre Bergounioux en brosse un portrait panoramique qui ne va pas sans partis pris bien trempés.
Va-t-il, emporté par sa fresque historique, oublier son sujet – Philippe Cognée?
Six pages avant la fin du livre, il le rejoint, ayant patiemment amené son lecteur à comprendre qu'un artiste ne peut s'exprimer en dehors du «tourbillon du présent» et que Philippe Cognée y est l'un de «nos envoyés». Avec concision et pertinence,
Pierre Bergounioux, qui s'était d'abord trouvé déconcerté et incrédule devant la reproduction d'une toile représentant un réfrigérateur, perce à jour l'intérêt du travail du peintre apte à rappeler la valeur esthétique d'un appareil si commun qu'il ne la montre plus lui-même, itou pour une baignoire, des fauteuils de jardin en PVC, des cabanes de chantier en tôle laquée, des tours de ZUP, des rayons de supermarchés. Tubes, pinceaux, pierres et crayons d'hier, objets d'aujourd'hui, de l'ère de la globalisation. La peinture saisie par l'Histoire.
Chronique parue dans "Encres de Loire" n° 60, été 2012, page 33
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