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EAN : 9782729108670
Editions de La Différence (02/12/1992)
4.5/5   2 notes
Résumé :
Ivan Blatný (1919-1990). Originaire de Moravie, il se construit peu à peu, entre les racines et la chair même des langages, une solitude d’enchanteur « babélien ». Mais le chantre ludique de l’absence banale reste à l’affût des fabliaux instantanés qui font reparler une vie enfuie. En 1948, l’irruption de la dictature communiste le contraint de se réfugier en Grande-Bretagne. En dépit de la claustration psychiatrique à laquelle il se voit condamné, Blatný poursuit l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Les éditions La Différence, dans leur appréciable et appréciée collection Orphée nous proposent un choix de poèmes en version bilingue, traduits du tchèque par Erika Abrams, précédés d'une très instructive préface de Zbynĕk Hejda, dont je cite :

« De cette manière déconcertante, entretissant aux faits les plus banals de la vie des débris d'événements, des noms propres, de personnes ou de lieux, et des citations étrangères, le poète compose une sorte de mythe de la force irrépressible de la poésie. de ce point de vue, l'interprétation psychologique, qui verrait dans cette oeuvre une lutte acharnée pour le renouveau de la mémoire et la sauvegarde de la patrie perdue, apparaît comme accessoire. » (p. 22)

Un recueil, qui bien qu'assez court, ne se lit pas très vite donc, d'un poète quasiment inconnu en France et dont Gil Pressnitzer écrit si pertinemment:

« Ivan Blatný aura comme un patineur glissé à la surface des choses, n'acceptant pas de hiérarchie dans ses impressions où un match de tennis à Wimbledon, un match de football ont la même importance que des citations de Rilke et Jaroslav Seifert. C'est le monde des souvenirs qui importe et des flux de conscience qui brassent tout. Ce n'est pas un combat pour la mémoire, mais le lent envahissement d'un temps figé. Ivan Blatný est le Passant, mais le passant immobile et figé. Et coule le temps, mais sans lui ».

Un poète qui connut l'exil aussi bien réel qu'intérieur et qui éblouit par son érudition.
Quelques notes très éclairantes de la traductrice, qui a également transposé en français Ladislav Klima et une fiche biographique en fin d'ouvrage enrichissent ce tome 139 de la collection.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Des années passeront

(à Adolf Kroupa)

Des années passeront avant que ne vienne visiter
Par la trouée des démolitions rue Údolni*
Par où arrive l’horizon
Ou par-dessus les toitures neuves
Comme les troupes d’oiseaux survolant les campagnes au-delà rue Špilberk**
Comme des ciseaux de jardinier cliquetant dans les maisons de verre
Du parc des expositions à l’abandon
Comme les débris luisants des jardins après la pluie
Comme la main
Conduisant parmi les tiges ces ciseaux humides de rosée

Des années passeront avant que Paris ne vienne me visiter
Comme aujourd’hui
Le chemin vers une petite ville endormie
Où l’épouse du maître d’école cueille le soir des roses
Vis-à-vis du cimetière
Les élèves saluent en s’inclinant
Et rose
Après rose tombe
Chaque nouvelle chute amortie par le bouquet qui
Lentement grandit et dans la petite ville la nuit vient.

8 août 1946

(pp. 55-57)

* Rue de Brno
** Ou Spielberg, forteresse qui domine la ville de Brno, employée comme prison autrichienne de 1740 à 1855
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Les lieux

Les lieux que nous avons quittés continuent à vivre.
Le cheval file, l’enfant crie, la mère ouvre la porte :
« Ce n’est pas là, ce n’est pas là, alors je ne sais pas ce que c’est devenu. » Ils cherchent.
Ils cherchent quelque chose, s’agitent à travers le logis.
Ils cherchent les lieux que nous avons quittés, les lieux où nous étions autrefois.
Ils courent à la gare et pensent : la maison.
La maison est restée.
Où s’en vont-ils ?
À l’enterrement de la sœur. Pour toujours. Chez le fils.
La grand-mère reste. La grand-mère, ils ne l’emmènent pas.
Ils laissent chez eux siffler Mélusine.
L’horloge, il ne l’emmène pas.
L’horloge sonne dans une pièce vide.

(p. 53)
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Quatrième

à Frantiek Halas

Un abandon sans borne, épaisse poussière,
Reposait sur les poutres et sur les pierres,
Un abandon sans borne, le jour baissait.
Un abandon sans borne, épaisse poussière,
Reposait sur les poutres et sur les pierres,
Un abandon sans borne, le jour baissait.
De rares flocons d’une neige maussade
Cinglaient les visages serrés dans les tramways,
En ville à nouveau grondait la canonnade.

Un abandon sans borne, poussière, friable,
Reposait sur les livres et sur la table,
Un abandon sans borne, le jour baissait.
Un abandon sans borne, poussière, friable,
Reposait sur les livres et sur la table,
Un abandon sans borne, le jour baissait.
La porte d’un immeuble, comme si souvent,
Livrait passage à un promeneur nocturne, lent,
- Et la neige lui cinglait le dos, en capilotade.

Page ouverte où écrivaient la fatigue, la peur et la
guerre,
Se tapissant dans les poutres et dans les pierres,
Un abandon sans borne, le jour baissait.

Page ouverte où écrivaient la fatigue, la peur et la
guerre,
Se tapissant dans les poutres et dans les pierres,
Un abandon sans borne, le jour baissait.
Et les visages serrés vie contre vie
N’y faisaient plus qu’un, point infime,
Tandis qu’en ville grondait la canonnade.

11 mars 1945

(pp. 45-47)
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Cinquième

Où peux-tu bien être maintenant, maintenant à cet
instant même,
À cet instant précis, aujourd’hui, où je commence à
écrire.
C’est ce fameux dimanche vide,
Cette voix bien connue, traînante, qui chante,
Désespérément monotone, da capo, du capo, du capo,
Désespérément monotone, da capo, da capo, da capo,
Et encore et encore.
Une formule incantatoire
Vole de balcon en balcon : Merde *
Dans le profond silence répond gravement
Das deutsche Volkskonzert.

Où peux-tu bien être maintenant, maintenant à cet
instant même,
À l’instant précis où tu lis ce poème.
Était-ce après la guerre ? Était-ce l’automne ? Était-ce
le printemps ? Quelqu’un dehors m’accompagnait à la guitare
Et c’était moi qui jouais.
C’était ce fameux dimanche vide,
Bouquet, fauteuil, rubans et ainsi de suite.
Chez vous il n’y avait personne elle était partie avec
son amant.
Un monsieur vêtu de noir traînait une couronne
funéraire.
C’était ce fameux dimanche vide.

Souviens-toi, Albertine, de ces jours ensuite,
Une piéride blanche gisait par terre,
On creusait des tranchées, des bombes tombaient sur
Prague,
Une piéride blanche, transie de froid.
Vous auriez dû la tuer, a dit Françoise,
Elle pondra des œufs, bonjour les dégâts !
Souviens-toi, Albertine, de ces jours !
Das deutsche Volkskonzert traînait quelque part une
couronne funéraire.
Cette voix bien connue, traînante, qui chante.
Désespérément monotone, da capo, da capo, da capo,
Désespérément monotone, da capo, da capo, da capo
Et encore et encore.

(Das deutsche Volkskonzert : Le concert populaire allemand.
1945

(pp. 49-51)
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Tableau historique

Tandis que les enfants lâchaient leurs petits bateaux
Le vent soufflait si fort que des gouttes du jet d’eau
Éclaboussaient parfois
Les passants même à une bonne distance
Tandis que les enfants rattrapaient leurs petits bateaux
Monsieur Wang Shi Shieh
Remit la présidence de l’assemblée à monsieur Bidault
On entendait le bruit de l’eau crachée par les six sources
Entourées d’ornements feuillus
De la fontaine de Delacroix et on entendait
Un pan d’écorce tomber d’un platane
Dans le bassin parmi les plumes les brindilles et les saletés.

Monsieur Bidault dit : La conférence de paix est terminée.

(p. 59)
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