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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Gabriel Fouquet (J.P Belmondo à l'écran) venu récupérer sa fille, entre à l'hôtel "Stella" et va perturber la quiétude d'Albert Quentin (incarné par Jean Gabin) .Un patron d'hôtel qui a juré de ne plus boire une goutte d'alcool...
Promesse d'ivrogne?

Fouquet attire les regards féminins (de Marie-Jo la servante, des filles de Tigreville, en Normandie, et peut-être de Suzanne, la femme de Quentin)
La vie d'une petite ville est si ennuyeuse...
-"C'est triste, un jeune homme seul!"

Les 2 hommes vont boire un petit coup ensemble, partager leurs rêves (de "Nuits de Chine" et de corridas) et prendre une cuite monumentale.

Malgré les vapeurs de l'alcool, les lecteurs se souviendront que ce fut 2 grands acteurs qui... Allez, un dernier verre, pour la route ? Pour oublier notre chagrin, pour ton départ, Bébel!

Pierre Dux disait que J.P Belmondo n'aurait aucune chance avec les femmes. Bébel lui prouva le contraire avec Ursula Andress, Laura Antonelli... Natty Tardivel qui lui donna une fille nommée Stella!)

Solitude, tendresse pour ses personnages et chagrin pour ces années d'après guerre, l'auteur fut un grand buveur... Et c'était lui qui jouait le toréador, mais avec des voitures, à Paris... Il y encore le bar restaurant à "Villerville", où fut tourné le film.
"Il est bon de traiter l'amitié comme les vins, et de se méfier des mélanges." Gabrielle Sidonie Colette.
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Un petit dernier pour la soif !
Quentin et Suzanne tiennent l'hôtel Stella à Tigreville, trou normand, surtout hors saison, quand même les algues vertes fuient la solitude et partent polluées des plages moins austères. Quentin vit dans la nostalgie de l'alcool de riz et de son expérience de soldat en Chine. Il pourrait boire pour oublier ou pour chasser l'ennui mais il est à l'eau depuis dix ans et sa promesse d'arrêter de taquiner la bouteille si son hôtel, sa Suzanne et sa pomme survivaient au débarquement. Chose promise, chose bue, aurait pu écrire Audiard qui dialogua le film.
La monotonie des lieux est troublée par l'arrivée à l'hôtel, d'un parisien, Gabriel, qui lui, enchaîne les cuites mémorables dans le bar du coin, tenu par l'ennemi intime de Quentin. le vieux couple se prend d'affectation pour le jeune homme. Ce dernier, quitté par sa compagne Claire, prénom incompatible pour un alcoolique, est venu sur place pour observer discrètement sa fille Marie, placée dans le pensionnat du bourg.
Au contact du jeune soiffard, les papilles de Quentin vont céder à la tentation de l'ivresse et va s'ensuivre une mémorable bamboche immortalisée par Gabin et Belmondo dans le film de Verneuil.
Avant même sa publication, le ministère de la santé avait voulu censurer le bouquin pour son apologie de la boisson en 1959. Comme quoi, le bon vieux temps n'était pas cirrhose… Une première bonne raison de le lire, un verre à portée de main pour tchiner à la mauvaise santé de tous ceux qui veulent interdire tous les plaisirs.
Ensuite, il y a ce titre génial, qui sonne comme le nom d'un cocktail qui serait une sorte d'anti-Spritz, interdit aux mondains qui trouvent que l'orange s'accorde vachement bien avec leur chemise en lin et leur bronzage. Chez Blondin, on boit au zinc, celui qui colle au coude, on fait dans le monologue flamboyant des solitudes bourrues, on inonde le monde d'ivresses désespérées.
En fait, le titre fait référence à une pratique chinoise qui consiste à ramener des petits singes perdus dans les villes dans la jungle pour qu'ils ne meurent pas de froid durant l'hiver. Les chinois pensent que les singes ont une âme. Indochine en a fait une chanson... assez éloignée du ton du roman.
Blondin avait la passion de l'alcool. Chacun ses hobbies mais pour moi, il y a bien pire comme dada à condition de ne pas avoir le vin trop triste : collectionneur de boules à neige, suivre le tour de France en camping-car, être fan de country, passer ses samedis chez Ikea… J'en passe et des pires.
Je serai bien à jeun d'émettre une réserve sur le style à la hussarde de ce chroniqueur sportif dont la verve relevait du meilleur cépage. Une plume trempée dans le calva pour soigner la gueule de bois. A chaque page, une ou plusieurs citations qui sonnent comme des brèves de comptoirs, des sentences d'ivrognes, un peu d'argot fait maison. Autant d'enluminures fleuries pour masquer la fragilité des personnages et leur timidité dans l'expression des sentiments.
Le roman rata de peu le Goncourt. Les jurés n'avaient surement pas attendus le digeo pour voter. Pour Blondin, l'apéro, c'était "les verres de contact". Bien vu. Il obtint quand même l'Interallié. Il put singer le succès avant l'hiver.
Un petit dernier pour la route. Revoir le film pour la séquence de la Corrida… « Hola Carabineros ! ».
A la vôtre.
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Si Antoine Blondin nous embarque d'emblée dans les rêves exotiques de Quentin qui revisite sans cesse ses virées de jeune appelé le long du Yang-tsé-kiang, c'est pour mieux nous prendre à revers : le décor est carrément franchouillard dans ce village de Normandie, où les messes dominicales disputent la vedette aux beuveries locales. La soixantaine désormais cantonnée dans un rôle d'hôtelier au Stella, Quentin a promis sobriété au nez et à la barbe du bourg. Pas vraiment le cas de Gabriel, seul client actuel du Stella, la trentaine en perdition dans ce village où il est venu espionner sa fille en pension, où il noie sa mélancolie de matador chez Esnault.
Une amitié naitra entre les deux, à la fois bourrue et empreinte de tendresse et de pudeur. Une amitié à la Gabin, le casting de l'adaptation ciné ne s'y est pas trompé (à moins que ma lecture en ait été influencée).
du franchouillard, de la picole, l'on pourrait croire à une musique de grosse fanfare. Il s'en dégage au contraire de la finesse, dans les sentiments et même le contenu des verres. Point de piquette mais un élixir, la verve singulière d'Antoine Blondin régale, c'est du haut de gamme bourré de délicatesse et de détresse poétique.

« Ce que les hommes se disent tient en peu de mots, pensa Fouquet. Depuis hier soir, j'ai un nouvel ami et nous n'avons pas échangé trois paroles sérieuses. Ce qui s'est établi entre nous vient de plus loin, la qualité d'une attitude le révèle, un regard l'illumine ; le reste est de la sauce. Cet homme pourrait être mon père. Et certes Quentin inspire le respect, mais il l'éclaire d'un jour nouveau. Ce qui est respectable chez les gens âgés n'est pas ce vaste passé qu'on baptise expérience, c'est cet avenir précaire qui impose à travers eux l'imminence de la mort et les familiarise avec les grands mystères. »
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♬ Nuits de Chine, nuits câlines, nuits d'amour
Nuits d'ivresse, de tendresse ♬
♬ Où l'on croit rêver jusqu'au lever du jour ! ♬

Un singe en hiver, oui je vous vois venir déjà. Ne comptez pas sur moi pour chroniquer un film que j'ai adoré. Ici il est bien question d'un livre, d'un roman d'Antoine Blondin dont je découvre par ce texte l'extraordinaire puissance de narration ainsi qu'un écrivain génial.
Un singe en hiver, le livre c'est le film avec un soupçon d'émotion en plus. Que dis-je ? Une dose, une bonne dose d'émotion, à la hauteur d'un Picon-bière, allez je me lâche, de plusieurs verres de Picon-bière.
Le synopsis est simple pourtant.
Nous sommes dans l'hiver normand, à Tigreville, station balnéaire du pays d'Auge, quelques années après la Seconde guerre mondiale. Gabriel Fouquet, jeune homme un peu déluré débarque à l'hôtel Stella tenu par le couple Quentin, Albert et Suzanne. Que vient-il faire ici dans cet hiver solitaire en bord de mer, alors que l'hôtel n'est fréquenté à cette époque que ponctuellement par des représentants de commerce ? Gabriel Fouquet n'a rien à vendre. Il travaille dans le milieu artistique.
Son arrivée vient bousculer l'ordre des choses établi entre Suzanne et son époux Albert Quentin. Avouons-le aussi, avec ses états d'âme il vient bousculer la tranquillité de cette petite bourgade.
Au bord de la fin de la guerre, alors qu'Albert Quentin glissait vers l'alcoolisme, ce dernier a fait promettre à son épouse qu'il renoncerait définitivement à la boisson dès lors que la guerre cesserait. Et donc il le fit.
Depuis ils vivent heureux à Tigreville, tandi qu'Albert Quentin suce des bonbons à la menthe. Oh, c'est un bonheur simple qui ne fait pas de bruit. Comme dit Albert Quentin, c'est un bonheur qui ressemble à du linge rangé dans une armoire.
L'arrivée de Gabriel Fouquet dans ces jours ordinaires, où rien ne se passe, vient fissurer le paysage maritime hivernal.
Gabriel Fouquet arrive dans cette histoire avec une sorte de joie de vivre, dont on devine vite qu'elle est fausse et porte un espoir triste. Cet homme qui en fait « des tonnes » comme on dit, devient brusquement fragile, attendrissant lorsque le lecteur que je suis découvre qu'il n'est là que pour être plus proche de sa fille, qu'il ne peut plus voir sauf qu'ici, suite à son divorce. Elle est là dans une école tout près et c'est touchant de voir cet homme observer ces élèves qui sortent de temps en temps sur la plage, jouant à cache-cache dans les blockhaus et lui assistant à ces jeux, n'osant pas venir plus loin, plus près. Ces scènes d'un père devenu désemparé m'ont touché.
Albert Quentin dans sa figure énorme et statique, âgé déjà, voit ce jeune homme surgir dans sa vie comme une menace au début. Et puis c'est magnifique de voir dans l'écriture d'Antoine Blondin comment l'émotion peut ainsi fissurer des murs, des murailles, des murailles de Chine qu'on croyait infranchissables. Ce texte dans son basculement évoque, non pas la tentation de l'alcool mais celle d'une vie qui serait plus dégagée, dans le souvenir d'une jeunesse perdue, éperdue.
Une amitié va se tisser peu à peu entre ces deux êtres qui sont apparemment si différents. Ils ont l'âge d'être l'un un père et l'autre le fils et c'est un peu cela qui va progressivement se nouer entre eux. Une amitié qui dépasse la fraternité, quelque chose de filial. Et je vous assure que dans l'écriture d'Antoine Blondin comme c'est beau, comme c'est magnifiquement écrit.
Ces deux hommes ont des rêves à partager, des chagrins, des blessures aussi.
L'un est taiseux, l'autre est bavard. Comment ces deux-là vont finir par se parler à travers leur mal de vivre ?
Ici viennent au travers des malaises des grandes profondeurs océaniques. le silence et puis l'envie de rompre ce mur. C'est un assaut de pudeur qui va le permettre, comme c'est beau, même si c'est l'alcool qui va en être le chemin, quelques verres et vient une délivrance qui permet de construire cette fraternité entre deux histoires qui se fracassent l'une à l'autre.
Ils vont s'enivrer, chanter, pleurer sans doute, faire venir dans ce bistrot perdu de Tigreville à la fois la Chine et sa muraille immense, Madrid, les toréros et leurs banderilles, le fleuve Yang-Tseu-Kiang, des danses espagnoles et puis un peu après, des rires et des larmes...
Derrière leur ivresse, chacun des deux protagonistes amène son paysage extérieur et intérieur, celui qui leur permet de tenir encore debout, tandis qu'une petite fille là-bas dans une pension scolaire attend un père et ses yeux, ses bras, sa tendresse...
Ce roman est bouleversant de tendresse et d'humanité.
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Albert Quentin ne descendra plus le Yang-Tsé-Kiang une nuit sur deux.
Il a commencé à sucer des bonbons, quelques temps après qu'il eut décidé de cesser de boire, et a dû, les premiers temps se cramponner à son bureau de la réception, surtout quand l'heure de l'apéritif ramenait les hommes au Stella, l'hôtel-restaurant qu'il tient avec Suzanne, sa femme.
A la suite d'un bombardement meurtrier, en 1944, sur la petite ville normande de Tigreville, il a joué sa destinée dans un serment d'ivrogne : "Si je rentre dans mon hôtel, si Suzanne à la tombée du jour rallume l'enseigne..."
Lorsque dix ans plus tard, sa soif calmée, le café a périclité, les affaires de l'hôtel marchent plutôt bien.
Gabriel Fouquet vient de Paris et s'installe à l'hôtel.
Il est venu voir sa fille, en pension à Tigreville, qu'il veut ramener à Paris et, chaque soir, boit plus que mesure, noyant sa détresse d'avoir manqué son mariage et sa vie de père, d'avoir gâché irrémédiablement son destin.
Le couple d'hôteliers le prend en amitié et s'inquiète pour lui, jusqu'à ce moment où Albert, oubliant son fameux serment, prenne avec lui une cuite fameuse dont Tigreville se souviendra toujours...
Ce roman est une fiction puissante et délicate à la fois, truculente et fine. le talent d'Antoine Blondin fait de ce récit une histoire sensible et humaine où se rencontrent deux colosses pleins de trop de vie et qui pourtant, fragiles, sont égarés dans la vie, comme ces singes qui en Orient, désemparés par les grands froids, descendent jusqu'à la ville....
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"Un singe en hiver", est, pour ma part, le summum de l'oeuvre… Celui après quoi tout semble fade. Et puis : qui n'a pas lu « Un singe en hiver » l'a forcement vu ; adapté au cinéma par Henri Verneuil avec Jean Gabin, Jean Paul Belmondo et Noël Roquevert. le thème : la tentation alcoolique.
Albert Quentin est un vieux buveur repenti, fidèle à son serment de renoncer à l'alcool (qui le transportait régulièrement dans son bateau descendant le fleuve jaune) si par bonheur il réchappe au bombardement particulièrement intense de ce 13 juillet 1944 sur Tigreville.
C'est le cas. Tout en respectant son serment, il vit paisiblement aux cotés de son épouse dans son hôtel, le Stella, sur la côte Normande quand…
Quand Gabriel Fouquet « débarque », lui-même alcoolique, en mal tendresse, à la recherche d'un regard de la part de sa fille interne dans un pensionnat de la ville. Fouquet, à l'instar de Quentin jeune, c'est un aristocrate de la chopine, un artiste. Point de Yang-tse Kiang, pour ce qui le concerne… mais l'Espagne, la corrida, le flamenco. Quentin tiendra-t-il ?
D'aucuns prétendent qu'Antoine Blondin ne s'est pas beaucoup fatigué pour imaginer les « espagnolades » de Fouquet, lui qui toréait les autos à l'aide de son veston en guise de muleta. Il reste qu'« Un singe en hiver » sent vraiment le vécu et l'auteur y développe une thèse qui n'appartient qu'à lui en matière d'alcoolisme : il y a ceux qui ont le vin petit, la cuite mesquine, bref, ceux qui ne méritent pas de boire… et les autres, plus rares, les artistes : ceux que l'alcool transfigure et transporte dans leur imaginaire obsessionnel.
Pour Blondin, foin des petits, des mesquins, avec Quentin et Fouquet, on est dans le haut de gamme, dans la haute picole - comme il y a une haute couture -, épique, noble, artistique … Ici, Monsieur, on n'est pas bourré, on est ivre, on n'est pas puéril, on est ardent.
Un chef d'oeuvre.
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Avant d'être un film avec Gabin et Belmondo dans des numéros de cabotins diaboliques , Un singe en hiver est un roman d'Antoine Blondin, écrivain remarquable

Une édition luxueuse, avec photos et divers documents originaux, fruit d'un beau travail des formidables éditions de la Table Ronde, nous le rappelle joliment
On est conquis par ces dialogues pétaradants et par ce lien d'amitié entre ces deux personnages qui se retrouveront par cette même solitude et cette même façon de s'évader par l'alcool.


Un singe en hiver d'Antoine Blondin nous entraine dans le sillage alcoolisé de personnages qui ont l'habitude de partager leur vie avec l'ivresse, non pas pour simplement se noyer dans l'alcool mais pour donner à la vie une grandeur et une magnificence qu'elle n'a pas sans cette enfilade de verres.

Avec une plume alerte et de magnifiques phrases il nous dresse le portrait de ces hommes pleins de justesse et d'humanité. Itinéraire d'hommes perdus sur le long et tortueux chemin de la vie.

Un livre plein de grandeur et de pudeur où l'alcool parvient seul à faire resurgir les aspérités de l'âme humaine autrement engoncée dans l'uniforme trop serré de la morale.

Un singe en hiver est un roman cynique et désespéré, qui n'est pas sans rappeler l'univers d'un Michel Houellebecq.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Le film (1962) a quelque peu fait oublier le roman (1959). Il est vrai que c'est un chef-d'oeuvre d'adaptation, de dialogues (Michel Audiard), de réalisation (Henri Verneuil), et bien sûr d'interprétation (Gabin et Belmondo dans leurs meilleurs rôles). Souvenez-vous :
« En Chine, quand les grands froids arrivent, dans toutes les rues des villes, on trouve des tas de petits singes égarés sans père ni mère. On sait pas s'ils sont venus là par curiosité ou bien par peur de l'hiver, mais comme tous les gens là-bas croient que même les singes ont une âme, ils donnent tout ce qu'ils ont pour qu'on les ramène dans leur forêt, pour qu'ils trouvent leurs habitudes, leurs amis. C'est pour ça qu'on trouve des trains pleins de petits singes qui remontent vers la jungle » (dialogue du film, signé Michel Audiard)
Mais Antoine Blondin avait écrit :
« Aux Indes, ou en Chine, quand arrivent les premiers froids, on trouve un peu partout des petits singes égarés là où ils n'ont rien à faire . Ils sont arrivés là par curiosité, par peur ou par dégoût. Alors, comme les habitants croient que même les singes ont une âme, ils donnent de l'argent pour qu'on les ramène dans leurs forêts natales où ils ont leurs habitudes et leurs amis. Et des trains remplis d'animaux remontent vers la jungle (« Un singe en hiver », dernier chapitre).
Ce n'est plus de l'adaptation, c'est quasiment du copier-coller. Ici, le génie de Michel Audiard est juste de donner une tournure cinématographique à ce dialogue, pour qu'il soit dit par Belmondo. Tout était déjà dans le texte de Blondin : la poésie, la nostalgie, l'exotisme, l'émotion…
« Un singe en hiver » est l'histoire d'une rencontre, celle de deux êtres qui, chacun à sa façon, souffrent d'un manque. Albert Quentin, un vieux directeur d'hôtel, est un ancien alcoolique qui a fait le serment de ne plus boire, mais comme il le dit lui-même « Si quelque chose devait me manquer, ce ne serait pas le vin, mais l'ivresse », c'est-à-dire l'évasion. Son passé de baroudeur en Chine, est là pour nourrir tous ces rêves d'évasion. Gabriel Fouquet, lui, est un jeune homme dont la petite fille est en pension, il cherche à la voir, peut-être même la récupérer. Son manque à lui, c'est sa petite Marie, Claire, sa femme, et aussi ses rêves fous de corrida et de torero… La rencontre entre ces deux êtres va être intense, puisqu'ils vont ses reconnaître l'un et l'autre comme ces petits singes égarés qui cherchent à regagner leur forêt.
Antoine Blondin est une figure particulière de la littérature du XXème siècle : un temps associé aux « Hussards » de Roger Nimier, Jacques Laurent et Michel Déon, il laisse une poignée de romans très plaisants, où il montre une réelle observation des comportements humains (il n'avait pas à chercher loin ses modèles : lui-même était comme ses héros, sérieux et léger, difficile à cerner, insaisissable, drôle et attendrissant même dans ses défauts – l'alcool ne lui était pas étranger !). Il doit aussi une bonne part de sa réputation à ses chroniques sportives (il suivit pendant des années le Tour de France pour le compte de l'Equipe, et réunit ses chroniques sous le titre « L'Ironie du sport », document inégalé sur l'histoire du Tour entre 1954 et 1982.
Antoine Blondin, lui aussi, est un auteur à redécouvrir : sa gouaille, son esprit, (on comprend qu'avec lui Audiard était à l'aise), son aisance littéraire, qui l'apparente autant à Marcel Aymé et René Fallet qu'à Roger Nimier ou Michel Déon, ainsi qu'une profonde connaissance de l'âme humaine, en font auteur très agréable à lire, significatif, certes d'une époque (deuxième moitié du XXème siècle) mais très proche de ses lecteurs, et témoignant d'une réelle humanité.


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« Quentin Albert n'aurait pas admis de se faire l'esclave d'un caprice de femme.Quentin était un homme, un homme debout, saoul debout. »
« Sans raison apparente il avait déclaré, un soir « je m'arrête ».
Depuis Mr Quentin suçait des bonbons. 

Heureusement les vraies boissons étaient enfermées dans une chambre forte dont Suzanne sa femme possédait la combinaison !

L'arrivée de Gabriel Fouquet allait bouleverser sa vie.
Entre Gabriel et Quentin une amitié improbable s'installe, entre ce Jeune dandy de 35ans et l'ancien fusiller marin d'Indochine, qui devient l'ami, le frère, le papa...

Le déclic, la révélation, la voix outre tombe de Gabriel Fouquet ,Quentin Albert l'entend à travers les délires de son client Gabriel l'Ange imbibé d'ivresse et d'alcool qui lui distille les mots les plus suaves, les senteurs les plus fines, dans cette arène imaginaire, encore porté par les vapeurs de Jerez, tintées de miel aux épices de houblons, Gabriel pénètre dans le Chicuelo II, lui le toréador, va terrasser le taureau, « Yo so unico » .

« - le seul obstacle entre nous, disait-elle, c'est la boisson.
- Je boirai l'obstacle. »
Leur amitié est scellée, elle ne fera que s' amplifier au gré des sakés, calvas, bières, Lilets liqueurs, poursuivant une symphonie faite de rondes et de croches jusqu'aux plus purs sanglots.
« Car vous souffrez, je l'ai bien compris.De quoi ? de la soif... »
 « Ne me dites pas le contraire : l'alcool c'est le salut dans la fuite, la liberté, l'état de grâce...et pour finir une belle saloperie. » . 
« Et nous sommes là tous les deux, N'est ce pas merveilleux , mon vieux « papa » ! Arrosons cela ».

Leur amitié est tout autant nourrit de leurs fantômes, que de leur bordées éthyliques.
Fantôme de l'Espagne pour Gabriel où Claire est partie, l'Indochine où Quentin aura tout brassé, même ses blessures.
C'est aussi la Guerre et la recherche de son père pour Albert et C'est Marie sa fille pour Fouquet.
Pas à pas, de swing en virées, nos deux artistes vont nous attendrir de leur humanité.
Marie vit dans cette pension à deux pas mais il lui faudra du temps pour oser, « .Je venais voir ma fille, un point c'est tout. Je n'avais rien que de très simple à lui dire, et beaucoup de choses très compliquées à lui cacher ». Quentin rumine un passé qui le ronge, l 'amitié va peu à peu le voir sourire.

La fête se sera pour la fin, en apothéose, on est pas bourré on est ivre, on est ardent dans la démesure, car " Il ne faut pas cracher sur les cadeaux de la création, Dieu déteste cela."
"La boisson introduit une dimension supplémentaire dans l'existence, surtout s'il s'agit d'un pauvre bougre d'aubergiste comme moi, une sorte d'embellie, dont tu ne dois pas te sentir exclue d'ailleurs, et qui n'est sans doute qu'une illusion, mais une illusion dirigée..".

la commémoration de la Toussaint commence et tous les visiteurs étrangers sont là pour prier les morts, ceux du débarquement en Normandie, Gabriel et Quentin sur la plage, déclenchent alors dans la plus pure Ivresse le plus beau feu jamais vu dans le ciel de Tigreville.

Antoine Blondin est un sacré singe en hiver.
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L'alcool est une drogue dure qui cause de nombreux et gros dégâts pour celui ou celle qui boit et pour leur entourage. L'alcool c'est une catastrophe quand elle devient maître du buveur. L'alcool c'est mal ...

Oui mais comment rester à distance des deux héros de ce roman et les regarder de loin patauger dans leurs élucubrations sans sentir la fragile et merveilleuse tristesse de l'humain qui habite ces deux-là ?

Le jeune, fringant, pétillant, sautillant sur son fil et le vieux, rabougri, corseté dans ses habitudes s'offrent une rencontre hors temps dans un hôtel comme je ne suis pas sûre qu'il en existe encore. L'un boit, l'autre a bu, peut-on pour autant les résumer à ça, sans doute pas et c'est tout le talent de l'auteur que de nous attirer vers eux et nous les rendre plus que sympathiques, humains.

Un auteur qui me fait penser à Simenon, Fallet, le même monde de petites gens, dans des décors qui n'ont rien de somptueux et qui nous montrent, discrètement, la part secrète de leurs personnages.

Un magnifique roman auquel je lève mon verre...
Lien : http://theetlivres.eklablog...
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