Instant sublime…
Instant sublime que le plus simple événement
nous réserve dans son surgissement d’arc-en-ciel !
Je songe à ce commencement qui étincelle dans un regard
rencontré,
dans une lueur qui fraie son passage parmi les feuilles,
à ce qui annonce la venue du Vivant
d’un parfum d’herbe, d’un chant d’oiseau,
à ce qui chante la Présence
sans jamais prononcer de nom.
Il faut que le poète accepte cette présence
« auprès de laquelle la sienne n’est rien »,
comme l’écrit si justement Daniel-Rops.
Il faut lui laisser toute la place, qu’elle illuminera.
Il faut si peu de choses…
Il faut si peu de choses
pour qu’il y ait un signe :
éclair de soleil,
échappée de vent,
frisson d’herbe sur un tertre.
Reconnaître la présence du mystère…
Reconnaître la présence du mystère
dans les plus humbles parcelles du monde
comme au plus intime de chaque être,
faire en sorte que l’écriture
l’atteste par son accueil,
par ses efforts patients ou aventureux
pour devenir poème.
Le poète n’est peut-être appelé qu’au silence…
Le poète n’est peut-être appelé qu’au silence,
celui de la muette adoration.
Pourtant, dans les paroles du poème,
semblent se lever un astre ou un oiseau, ou le vent,
nous arrachant à la succession des instants et des jours :
quelque chose de vertical
qui sort du temps
et vise l’éternité à la cime.
Que le poème ne soit pas un écran…
Que le poème ne soit pas un écran,
mais une transparence !
Le silence qui brûle et tremble autour du poème
est un singulier silence,
vibrant de tout ce qu’on ne dira pas.
Ce poète-là est un veilleur.
Il sait le calme et la tension des nuits.
Il croit en ce peu de flamme qu’il leur apporte.
Il veut garder sa lampe allumée.
Poésie - Vite à l'école - Gérald BOCHOLIER