Je sais que cela peut sembler irréel, mais dans ces années 1941-1945 tout était irréel. Entre document historique et roman noir, tension dramatique et dolce vita, anecdotes légères et réflexions profondes, telle est bien l'impression que laisse ce déconcertant témoignage sur la Seconde Guerre mondiale. Il a pour décor principaux la Rome du fascisme, la Rome de l'occupation allemande et la Rome de la libération - autrement dit une seule et même Ville Éternelle, dont la majorité de la population a fait du doppio gioco (le double jeu) un art de survie.
Notre jeune ex-Yougoslave dans la vie comme dans le livre campe trois personnages à Rome: officiellement il est membre de la Croix-Rouge, où il accueille beaucoup de réfugiés venus des Balkans et d'ailleurs; officieusement, il essaie d'aleter Pie XII sur tout ce sang que font couler les oustachis au nom de dieu exclusivement catholique et avec les encouragements de prêtres fanatiques; plus officiseusement encore, il vient en aide à des Juifs, pas seulement yougoslaves, et à des prisonniers de guerre évadés - ou libérés à la faveur de la capitulation italienne de septembre 1943, mais réduit à la clandestinité sous l'occupation allemande.
Les Italiens savent tout. Si vous demandez votre route à l'un d'eux, il vous l'indiquera sans hésiter, même s'il ignore tout de l'itinéraire à suivre.
Si seulement on élisait les hommes politiques en fonction de leur apparence physique, il n'y aurait pas de guerre. Face à la beauté, la laideur, avec son cortège d'agressivité et de cruauté, se dessèche sur pied.