On est d'abord séduit par la grâce, la «simplicité sans abri» qui émanent des vers d'
Emily Dickinson, par l'attention extrême portée aux plus petites formes de vie observables, l'envie d'être l'herbe qui «berce le soleil sur ses genoux», qui surtout «passe tout son temps à rêver tout le jour». Une grande sensibilité aux choses terrestres qui apparaît paradoxalement comme une façon de s'en détacher, indissociablement liée à un élan spirituel:
«Et pour occupation, ceci:
Ouvrir bien grandes mes étroites mains
Pour ramasser le Paradis. »
Et puis on est saisi par la tension entre ce côté lumineux et l'expression d'une angoisse existentielle, d'une forte présence de la mort.
«Je sentis des funérailles dans mon cerveau,
Et le convoi qui allait et venait,
Et qui marchait, marchait jusqu'au moment
Où mes sens parurent se rompre.»
Ça oscille, ça tremble, ça vacille, et c'est ça qui est beau dans cette écriture qui cherche à saisir l'éphémère de la vie, sa beauté, sa fragilité. Qui nous balance de l'émerveillement face au monde aux «petits mystères
Qui nous tracassent - comme la vie et la mort,
Et ce qui vient après ou ne vient pas»