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EAN : 9782742717828
452 pages
Actes Sud (04/06/1999)
4/5   1 notes
Résumé :
Un homme ambitieux autant qu'aventurier écrit tous les jours à la femme qu'il aime, depuis le Sénégal dont il est le gouverneur de 1785 à 1787.
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Bernard Giraudeau n'a pu que lire ces lettres du Chevalier de Boufflers, en l'incarnant dans son film « Les caprices du fleuve ». Les lettres de ce dernier, adressées chaque jour à Madame de Sabran, depuis le Sénégal -ou il a été exilé, selon le film, ou qu'il a choisi comme destination prestigieuse et pour échapper à ses dettes de jeu, selon ses lettres -se regroupent par paquets avant d'être envoyées par le prochain bateau depuis l'ile de Gorée jusqu'à Paris. Il part aussi par amour pour gagner le coeur de Madame de Sabran, proche de Marie Antoinette et haut placée à la cour de France.
C'est qu'il joue avec les femmes, et avec la religion, ce fils des Lumières, cependant ses lettres sont un hymne à la fidélité ; il figure un esprit caustique, brillant, plus proche De Voltaire que de Rousseau, qui ne l'aimait guère, c'est un écrivain connu, traducteur de Sénèque, d'Ovide et d'Horace, collaborateur de L'Encyclopédie. Hors normes, en quelque sorte. Et cependant dans les comptoirs africains, il est aux prises malgré lui avec deux sortes de commerce : la gomme arabique et les esclaves.
Par ces lettres, et la constance de leur rédaction, le Chevalier de Boufflers nous introduit dans les arcanes de ce commerce : les « captifs de case » ou esclaves sédentaires, restent à Saint Louis ou Gorée, alors que les « captifs de traite » ne restent dans les entrepôts qu'en attente d'embarquement. Il ne peut pas plus empêcher les Blancs de vendre que d'empêcher les Noirs de se vendre. Avec innocence, il pleure sur « une petite négresse de deux ou trois ans » qu'il envoie à la Duchesse d'Orléans, il se sent touché aux larmes en pensant que cette pauvre enfant lui a été vendue comme un petit agneau. Il doit s'affronter aux Maures qui attaquent la colonie, aux anglais anciens possesseurs de ces territoires jusqu'en 1783, et aux colons eux même, voleurs comme il les appelle, devant choisir entre la répression pour se faire respecter et la clémence pour se faire aimer. Les morts fréquentes, les vents contraires, les multiples désagréments de la vie tropicale, maladies et épidémies, n'entament pas vraiment son moral, d'abord parce que la mélancolie, dit il, n'est pas son fait, et puis parce que l'espoir de retrouver son amour de femme, et les enfants qu'elle a eu de son mari défunt, le porte. Les réponses lui arrivent par paquets au gré des bateaux qui font la navette. C'est dire que les lettres ne peuvent jamais se répondre l'une à l'autre, ce sont, de la part du Chevalier, des récits de voyage mélangés à l'évocation de ses états d'âme. Chaque lettre se termine par un retour à l'aimée, à ses projets de retour, à elle, dont il a apporté le portrait. Ce Chevalier est vraiment très moderne, il dit ne pas vouloir « ajouter le remède à la maladie, ni l'emplâtre au mal, car il faut recourir à la nature ». Il prend la défense des animaux, sur lesquels les hommes se vengent parce qu'ils ne parlent pas, prouvant ainsi leur animalité. Ne pouvant changer l'horreur de la colonie et de son but, l'esclavage, il essaie de lui donner un peu d'hygiène, d'urbanisme, de rénovation architecturale. de ses deux voyages, l'un depuis janvier à aout 1786 , l'autre de janvier à décembre 1787 , il rapporte des perroquets, malheureusement aussi des esclaves , dont un jeune garçon de 5 ans « offert » à Marie Antoinette, Jean Amilcar, baptisé à Versailles, et dont elle assurera l'éducation jusqu'à sa mort.
Il a 59 ans lorsqu'il épouse Madame de Sabran, elle en a 48. Bien sûr le Chevalier avait été un coureur, mais ses lettres en sont le démenti. Bien sûr il ne s'est pas opposé à l'esclavage, mais en France les inégalités entre serfs et châtelains sévissaient encore. Par ses lettres, et sans doute conscient du danger qu'il côtoie, il livre son esprit, ses pensées, son amour, il en fait plus des mots, de la littérature.
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