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Korotkov est chef de bureau titulaire au premier Dépôt central d'allumettes. L'homme est persuadé d'être indéboulonnable, mais bientôt son assurance subit un démenti cinglant. Après avoir reçu en guise de salaire des paquets d'allumettes, invendables de surcroît (ce qu'il découvre en manquant de perdre un oeil pour en avoir imprudemment gratté une) il est licencié sous un prétexte futile.

À partir de là K. qui poursuit son chef pour avoir une explication va se heurter à un monde fou. Sur sa route des secrétaires blondes qui courent de cage en cage, un type couché sur une table qui téléphone, une vieille femme qui pèse un poisson séché et malodorant. Jusqu'à son chef qui s'est dédoublé...

K. veut comprendre, mais il est en but avec un système — peuplé de gens bizarres — qui le dépasse et le rend fou. Alors, assuré de son bon droit mais aspirant à la tranquillité, il décide d'abandonner : « Je me trouverai une autre place, une bonne place où j'aurai un travail paisible et sans histoire. Moi, je n'embête personne, et personne ne m'embête. Et je ne porterai pas plainte ...». Seulement ce n'est pas si simple...

Parue à Moscou en juillet 1925, cette nouvelle fantastique pleine d'humour est vite confisquée et retirée des librairies. À l'évidence les censeurs ont vu là une satire de la bureaucratie soviétique, dont l'absurdité et la diablerie poussent l'homo sovieticus, au mieux, à renoncer à ses droits. Comme Boulgakov qui accepte un poste subalterne dans un théâtre, après que Staline lui a refusé l'exil, alors même qu'il lui est interdit de vivre de son métier d'écrivain.

Challenge MULTI-DÉFIS 2021
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Ce récit délirant sent le soufre et vous fait perdre la boule. Je vous aurai prévenus.

Endiablade ou Comment des jumeaux causèrent la mort d'un chef de bureau fit une entrée tonitruante sur la scène littéraire soviétique. le début de la gloire et des persécutions pour le jeune Boulgakov qui avait abandonné la médecine pour se consacrer à l'écriture. L'ouvrage fut publié dans l'Almanach Nedra en 1924 puis retiré de la vente un an plus tard sous l'influence de la critique prolétarienne. Celle-ci condamna le pamphlet antisoviétique. Mais une partie de la critique défendit Boulgakov. Les modérés virent en lui le continuateur des satiristes du XIXe qui s'étaient attaqués à la bureaucratie à la suite de Gogol (le Manteau, le Journal d'un fou). Les modernistes saluèrent un talent prometteur. Evgueni Zamiatine écrivit dans les Izvestia :"L'auteur, sans aucun doute, a été bien inspiré de choisir pour cadre un fantastique, enraciné dans la vie quotidienne, rapide, comme dans un film »(...) » on peut s'attendre à du bon travail ». Endiablade s'inscrit dans la tradition et annonce par bien des aspects le Maître et Marguerite.
Pour le résumé, tout est dans le titre !
Bartholomé Korotkov (« Petit homme ») est un petit blond paisible, un brin candide, qui compte bien terminer sa carrière à la Glavtsentrbazspimat (spimat en abrégé, Premier Dépôt central de matériel pour allumettes ) où il est chef de bureau .Mais, le 21 septembre 1921 le caissier arrive avec une poule dans les bras. Il n'y a plus d'argent. Les salariés seront désormais payés en produits de la firme. Trois jours plus tard en effet, le camarade Korotkov rentre chez lui avec de jolis paquets colorés qui contiennent... des allumettes. Mais, il est d'un naturel optimiste le brave Korotkov et compte bien les vendre. Il se rend chez sa voisine, en larmes car elle a été payée avec quarante six bouteilles de liquide rouge. de l'encre ? Non, du vin de messe ! Elle lui apprend que ses allumettes sont de mauvaise qualité car elle ne brûlent pas. Inquiété par les allégations de son idiote de voisine, Korotkov retourne dans sa chambre et teste les allumettes. L'une d'elle se fiche. dans son oeil gauche. Mais il ne se démonte pas car est vaillant et persévérant, il se fait un beau pansement et toute la nuit il craque des allumettes à la flamme verdâtre. Il réussit à en allumer soixante-trois, de quoi détromper son idiote de voisine et défendre l'honneur de la Spimat. Au matin, la chambre est remplie d' une étouffante odeur de soufre. Il s'endort. Il rêve d'une énorme boule de billard vivante et munie de jambes. Il se réveille, il lui semble bien qu'elle est toujours là et qu'elle répand une forte odeur de soufre puis elle s'évanouit et il s'endort, cette fois-ci pour de bon. le lendemain, au bureau un tout petit homme chauve large d'épaules lui apparaît dans un pré vert, le bouscule et le dispute vertement. Korotkov lui répond. Or c'est le nouveau chef de service Kalsoner, le bien nommé. Korotko va commettre sur ce nom une confusion croquignolette qui lui vaudra d'être injustement renvoyé. Ce qui s'en suivra sent le soufre et sera mené à un train infernal jusqu'à la fin annoncée.

L' histoire comme le remarque Zamiatine est enracinée dans les folles années 20 post-révolutionnaires. Il n'y a pas d'argent et les gens sont payés en nature, ils changent sans arrêt de travail du jour au lendemain, virés par de petits chefs virés à leur tour. de vrais pickpockets agissent dans les transports publics et volent les papiers des gens. Les produits manufacturés sont de mauvaise qualité. Les camarades vivent entassés dans des appartements collectifs surveillés. Les gens qui critiquent le système sont ostracisés, culpabilisés, broyés.
Endiablade est une nouvelle fantastique et tragique. C'est le récit d'un cauchemar ou le journal d'un fou-schizophréne . En tout cas le texte est délirant, plein de rythme, de fantaisie et d'humour caustique mais il est terrible. Quand le paisible Korotkov reçoit dans l'oeil l'allumette, il ne réagit pas tout de suite. Il fait apparaître la boule chauve qui diffuse l'odeur de soufre, à cause de son zèle stupide à faire craquer les allumettes, complice du système qui causera sa perte. le texte jusqu'alors plausible plonge dans le fantastique absurde et débridé. les corps se déforment, se dédoublent, les personnages apparaissent puis disparaissent à un rythme effréné. Limogé arbitrairement, Korotkov poursuit son directeur mais il ne parvient jamais à mettre la main sur un corps qui lui échappe, qui change de forme, qui change de nom, qui l'entraine d'escaliers en ascenseurs jusque dans une tour administrative labyrinthique dotée d'une centaine de portes avec des employés interchangeables. le lecteur lui même s'y perd car les noms changent et leurs référents sont de moins en moins évidents. Korotkov étouffe et fuit à son tour des policiers qui l'ont pris pour un autre et le poursuivent implacablement. le rythme du récit accélère encore et devient un tourbillon endiablé.
le diable c'est donc la machine bureaucratique totalitaire qui dans l'esprit pour le moins embrumé de Korotkov prend l'apparence d'une force diabolique protéiforme irrésistible. Les motifs maléfiques et apocalyptiques sont très nombreux. On les retrouvera dans le le Maître et Marguerite.
Un petit livre diabolique qui vaut la peine d'être découvert.
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Le diable est dans les détails, dit-on.

Chez Boulgakov, le diable est dans la bureaucratie soviétique, embusqué derrière les cloisons des administrations, à l'affût , dans les claviers agiles des secrétaires, sous les casquettes cirées des fonctionnaires.

Le pauvre Korotkov en fait l'expérience à ses dépends..

Il a maille à partir avec son chef de bureau, un certain Caleçoner.. Dès lors tout dérape: on ne lui paye plus son salaire qu'en nature, avec la production elle-même - des allumettes diaboliques qui vous explosent dans les doigts, vous font de terribles coquards et laissent un sillage inquiétant de soufre derrière elles. Il perd ses papiers: il n'est plus personne, même son patronyme est écorné..
Son tortionnaire lui-même se dérobe à toute explication: Caleçoner se dédouble, tantôt chauve et violent, tantôt fourbe et fuyant, doté d'une barbe assyrienne: impossible pour le pauvre rond-de-cuir de trouver un sens à ce dérèglement irrationnel qui se termine dans une apocalypse grotesque digne de Jérôme Bosch...

On comprend bien la vindicte de Boulgakov à l'égard de la bureaucratie stalinienne qui lui fit mille et une misères , mais j'ai largement préféré Coeur de chien, pour la satire et le Maître et marguerite pour les diableries d'un pouvoir machiavélique..

Le récit est haut en couleurs mais le fantastique, un peu vain, ne m'a pas frappée de stupéfaction comme dans le Maître ni fait rire jaune comme dans Coeur de chien..C'est très bien écrit, très bien traduit aussi et illustré mais cela m'a laissée un peu froide..

Diable, diable,il me faut des émotions plus fortes pour m'émouvoir que ces petites diableries de bureau...
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"Endiablade" ( j'ai lu une traduction, dont le titre, est "Diablerie" ), est un bref texte, de Mikhaïl Boulgakov, valant principalement par son style picaresque, qui nourrit bien le côté quelque peu satirique, de ce bref récit.
Boulgakov, sait créer une ambiance très particulière, qui m'a tout simplement enchanté. Il faut dire qu'il sait très bien écrire, et que ces récits, sont parfaitement pensés et réfléchis.
J'ai eu plaisir, à découvrir ce récit bref et efficace. de la bonne littérature.
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Une fois de plus, Mikhail Boulgakov nous dépeint avec force details rocambolesques la bureaucratie russe au travers d'un conte satirique mettant scène des personnages imaginaires aux côtés d'un pauvre directeur de bureau qui après plusieurs jours d'errance et de désillusions finira par perdre la raison.
Une façon pour l'auteur de désavouer et condamner la machine administrative gigantesque et inhumaine.
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Le diable est dans les détails, dit-on.

Chez Boulgakov, le diable est dans la bureaucratie soviétique, embusqué derrière les cloisons des administrations, à l'affût , dans les claviers agiles des secrétaires, sous les casquettes cirées des fonctionnaires.

Le pauvre Korotkov en fait l'expérience à ses dépends..

Il a maille à partir avec son chef de bureau, un certain Caleçoner.. Dès lors tout dérape: on ne lui paye plus son salaire qu'en nature, avec la production elle-même - des allumettes diaboliques qui vous explosent dans les doigts, vous font de terribles coquards et laissent un sillage inquiétant de soufre derrière elles. Il perd ses papiers: il n'est plus personne, même son patronyme est écorné..
Son tortionnaire lui-même se dérobe à toute explication: Caleçoner se dédouble, tantôt chauve et violent, tantôt fourbe et fuyant, doté d'une barbe assyrienne: impossible pour le pauvre rond-de-cuir de trouver un sens à ce dérèglement irrationnel qui se termine dans une apocalypse grotesque digne de Jérôme Bosch...

On comprend bien la vindicte de Boulgakov à l'égard de la bureaucratie stalinienne qui lui fit mille et une misères , mais j'ai largement préféré Coeur de chien, pour la satire et le Maître et marguerite pour les diableries d'un pouvoir machiavélique..

Le récit est haut en couleurs mais le fantastique, un peu vain, ne m'a pas frappée de stupéfaction comme dans le Maître ni fait rire jaune comme dans Coeur de chien..C'est très bien écrit, très bien traduit aussi et illustré mais cela m'a laissée un peu froide..

Diable, diable,il me faut des émotions plus fortes pour m'émouvoir que ces petites diableries de bureau...
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Première incursion en territoire russe pour moi avec ce petit roman (une nouvelle ?) de Mikhail Bulgakov au titre surprenant et au contenu plus encore !

Russie, années 20. Korotkov est un employé comme un autre dans une administration comme une autre : tentaculaire, tyrannique et illogique. Tout commence à déraper le jour où, faute d'argent, les employés sont payés en allumettes…Notre camarade est ensuite licencié pour avoir confondu le nom de son nouveau supérieur avec le mot « caleçons » (les russes ne rigolent pas avec les patronymes !). A partir de là tout s'accélère et nous accompagnons Korotkov, à qui on vole l'identité, dans une tentative désespérée pour s'expliquer. Mais son chemin, et le nôtre en tant que le lecteur, va être parsemé de jumeaux maléfiques, de petits vieux qui sentent le souffre et évoquent le diable, de femmes identiques, d'autres en forme de théière ou dorées, fatales et mystérieuses, de bureaux sans mobilier et tout un tas d'autres bizarreries surréalistes, absurdes, sans queue ni tête…Normal ! Vous ressentez ici les effets de la bureaucratie russe subie par Mikhail Bulgakov et bien d'autres…

Tel Astérix dans la maison qui rend fou ou Alice au Pays des merveilles…Korotkof a atterri, sur la tête, à Stalineland mais point de chat du Cheshshire ici. Par contre tout le monde a du rencontrer la chenille et partager son narguilé… Jusqu'où la folie emportera-t-elle notre camarade ? Bon voyage ! Et fermez la porte en partant, la théière fuit au deuxième étage.
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Endiablade est une nouvelle de Mikhaïl Boulgakov publiée en février 1924 dans le périodique Niedra.

Le camarade Korotkov est un homme ordinaire qui occupe le poste de chef de bureau dans une fabrique d'allumettes. Cette existence stable va être bouleversée le jour où son salaire va lui être réglé non pas en roubles, mais avec les produits de la firme, des allumettes de mauvaise qualité. le soir, il s'acharne à craquer l'ensemble de son revenu, puis s'endort dans une épaisse odeur de souffre et fait un rêve terrible.
Ce qui suivra au réveil le sera d'autant plus. Tout se mêle : le rêve, le fantastique, la folie... Des jumeaux diaboliques apparaissent soudainement, les Kalsoner. L'un d'eux devient le supérieur de Korotkov et le renvoie aussitôt. le malheureux licencié va s'empresser de convaincre son responsable de changer d'avis, mais ne connaissant pas l'existence du frère, reste perplexe devant ces apparitions successives des Kalsoner dans les locaux de l'administration. Il se fait voler ses papiers d'identité au cours du trajet et court au sein de divers bureaux de l'administration pour obtenir une attestation. La situation va devenir inextricable et Korotkov (le lecteur aussi) va entrer dans la plus grande confusion. Il n'a plus d'emploi, plus d'identité, plus d'argent, plus de notion du temps... Tout va progressivement dégénérer.

Comme dans les oeuvres qui vont suivre, ce récit fantastique permet à Boulgakov de dresser une critique acerbe de la société soviétique naissante. Production de mauvaise qualité, administration délirante, goût prononcé de ces administrations pour les acronymes...
La nouvelle s'étire un peu sur la fin, il y a un ou deux chapitres en trop. Néanmoins, elle est d'une grande qualité et laisse présager le futur chef d'oeuvre de Boulgakov, le Maître et Marguerite, dont la rédaction débutera quelques années plus tard.
A noter que le titre a été modifié. le "Diablerie" de l'édition précédente s'est transformé en "Endiablade", néologisme plus proche du sens du texte.
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Plonger dès les premières lignes dans les pérégrinations du camarade Korotkov, chef de bureau titulaire au Dépôt central de matériel pour allumettes, place d'emblée le lecteur dans l'absurde le plus échevelé.
Malgré le titre, pas de maître ici pour incarner le diable, pas de Marguerite, mais la réalité travestie d'une bureaucratie tatillonne et inhumaine. Les individus, hommes et femmes sont ballotés au gré d'arbitraires invisibles et néanmoins bien pesants, payés en nature et condamnés à la misère, ils perdent leur emploi sans préavis, abandonnent leur identité dans des amalgames de noms qui les font disparaître, ils deviennent invisibles. Ceux qui donnent des ordres par contre tirent les ficelles du jeu macabre, ils ont l'aspect de bêtes immondes, ils dominent sans partage une comédie humaine bien dérisoire.
Un texte court et corrosif, glaçant par son caractère visionnaire de ce que deviendra l'héritage de la révolution bolchévique après la NEP.
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Autant j'avais adoré le maître et Marguerite, autant ici je suis un peu déçu. La critique de la société soviétique et de sa bureaucratie valent le coup mais l'ensemble est un peu trop foutraque... A lire tout de même pour l'apothéose finale.
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