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EAN : 9782940523108
167 pages
Editions des Syrtes (13/05/2014)
4/5   8 notes
Résumé :
Un voyage en train dans la lumière flamboyante des Alpes-Maritimes, des réflexions en filigrane sur la Russie passée et présente, une sordide affaire de meurtre, l’histoire d’amour tragique – car chez Bounine l’amour et la mort sont inséparables – entre un jeune officier et une actrice : ces nouvelles, inédites pour la plupart, sont rédigées entre 1925 et 1926 en France, où l’auteur a trouvé refuge. La force poétique qui se dégage de ce recueil ne transfigure pas le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Huit nouvelles, pour la plupart inédites, d'Ivan Bounine écrites dans le sud de la France entre 1925 et 1926, rassemblées par les Éditons des Syrtes.
Invitations à l'évasion, au voyage, et surtout à la réflexion sur la nature humaine par ce maître de la littérature russe exilé en France en 1920 à l'âge de cinquante ans, fuyant les bolcheviques. Il sera le premier russe à obtenir le prix Nobel de littérature en 1933.

De longueur et d'intensité très variables - de trois à une soixantaine de pages -, ces nouvelles ont toutes en commun une écriture raffinée et poétique, tout en étant d'une remarquable précision d'évocation, en particulier dans l'analyse psychologique de personnages assaillis par l'amour, la mort ou la foi.

Brûlure intense, fulgurance du désir, exaltation puis souffrance : un coup de soleil pour symboliser un coup de foudre, le ton est donné. Un homme et une femme se rencontrent à bord d'un bateau de croisière sur la Volga, sous l'emprise d'une intense attirance réciproque, ils quittent le navire, et passent la nuit à l'hôtel. Au matin, la belle inconnue a disparu, pour toujours. Désarroi et douleur du jeune homme forment l'essentiel du récit.
Bounine, avec Coup de soleil, la première nouvelle du recueil qui porte son nom, nous livre surtout une analyse des tourments d'un coeur frappé par le désir brutal, l'amour trop grand, qui parle assurément aux " victimes " de coup de soleil, pardon de coup de foudre ! Un texte réussi et original, probablement novateur pour les années vingt.

Puis vient L'affaire du cornette Elaguine, la plus mystérieuse et l'intrigue la plus aboutie des nouvelles de ce recueil selon moi. Une incroyable histoire de meurtre sur fond d'amour passionné entre " un hussard, un jouisseur jaloux et ivrogne " et " une actrice embourbée dans sa vie désordonnée et immorale " en reprenant les termes de Bounine. Elaguine affirme l'avoir assassinée à sa demande, par amour, mais un billet laissé par la victime indique : " Je meurs contre ma volonté. " Dilemme tragique et insoluble !
De nombreuses interrogations sur l'amour et la mort émaillent cette nouvelle empreinte de désespoir. La notion de culpabilité est ici le noeud central, et m'a fait penser au roman de Dostoïevski Crime et châtiment. On retrouve chez Elaguine le même relatif détachement face au crime qu'éprouvait Raskolnikov, mais certes pas pour les mêmes raisons.
" Je ne peux accepter l'idée que l'on puisse penser que je suis un bourreau. Non et non ! Peut-être suis-je coupable devant la loi des hommes, coupable devant Dieu, mais pas devant elle ! " affirme Elaguine.

Enfin, Sur les eaux immenses, dernière nouvelle, rédigée sous la forme d'un journal de voyage de Port Saïd à Ceylan, la plus poétique et la plus propice aux réflexions sur la destinée humaine. Très immobile paradoxalement pour un récit de voyage, mais c'est le propre d'un périple en bateau : contempler les splendeurs de la nature changeante en restant à bord, et laisser son esprit vagabonder.
Cadre propice pour Bounine donc qui s'abandonne littéralement et nous livre ses réflexions, sa foi, face aux eaux immenses. Un texte largement auto-biographique me semble-t-il.
Deux citations parleront plus que de longs discours :
"Toute la mer n'était que vallées et collines dont les sommets se hérissaient furieusement d'écume. le vent l'arrachait, et les flocons blancs qui volaient parfois sur le pont et glissaient rapidement sur les planches lisses étincelaient d'un vif éclat argenté."
"Est-il possible qu'un jour tout cela, qui m'est déjà si proche, habituel, cher, me soit enlevé d'un coup, d'un coup et pour toujours, pour l'éternité, quel que soit le nombre de millénaires qu'ait la Terre à vivre encore ? Comment croire cela, comment s'y résigner ? Comment arriver à comprendre toute la cruauté bouleversante et l'absurdité de cette chose ?"

Voilà un tour d'horizon des trois principales nouvelles de ce recueil qui valent vraiment le détour.
J'ai davantage perçu les cinq autres, pour la plupart très courtes, comme des liens entre les "grandes" nouvelles. Avec le recul, je suis convaincue qu'elles ne me laisseront qu'un souvenir éphémère.

Un grand merci aux éditions des Syrtes et à Babelio pour ce recueil Coup de soleil et autres nouvelles d'un écrivain que je découvre. Je comprends mieux pourquoi Gorki, qui l'admirait, voyait en lui le meilleur styliste de sa génération. Un orfèvre des courts textes assurément.
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Je lis sur Bounine qu'au départ c'était du Tourgueniev, puis du Tolstoï. Ce qui est sûr c'est qu'il rêvait d'être un écrivain comme Tolstoï. Ce dernier, l'écart d'âge aidant, était tellement occupé à occuper sa place de plus grand romancier de la terre à cette époque et à proférer ses admonestations contre l'administration impériale qu'il n'avait le temps ni à penser ni à donner au blanc bec, il lui souhaitait bon vent, bien que leur amitié profonde ne se démentira jamais. Bounine eut alors comme ami contemporain Tchekhov et "la révolution et l'exil vinrent et furent pour lui une déchirure profonde, ils ont aiguisé sa pensée et ses sentiments, lui ont fait aimer sa patrie lointaine avec une passion redoublée", dit le biographe Hofmann. Je suis sûr que de ce mal-être et de cette émancipation de son maître, il fit un cavalier seul, certes meurtri dans sa chair, qui lui permit in fine de se bâtir sa légende dorée dont l'obtention du Nobel littéraire en 1933. de telle sorte qu'on peut dire aujourd'hui, alors que la France le considérait comme un des épigones de la littérature du XIXe siècle, gardien de ses traditions et de son idéal, qu'il est le grand prosateur russe du début du 20e siècle dans la lignée des géants russes.

Le temps a fait son affaire, de toute manière tous les russes blancs étaient vus ou comme des voleurs de chevaux ou des traîtres que les communistes français voulaient pourchasser et exclure du pays ; de sa prétendue misanthropie et de son égocentrisme dans cette France honteuse, incapable de reconnaître ses véritables amis , émerge un Bounine tout autre par exemple un juste qui a sauvé des juifs pendant l'occupation allemande. On peut comprendre qu'il n'ait pas cherché à améliorer son français pendant ses trente-cinq ans passés en France en exil et qu'il parlait toujours dans sa langue natale..

Ivan Bounine, mort en 1953, est enterré au cimetière russe de Sainte Geneviève des bois, sans avoir jamais demandé son compte à la France, dans une dignité parfaite. Il lui laisse ses plus beaux textes ..
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Je ressors de ma lecture à la fois satisfaite et mitigée, en ce sens que tous les textes ne m'ont pas convaincue de la même manière. Un point à soulever en premier lieu cependant est une écriture particulièrement agréable. Les phrases ont cette fausse simplicité qui transforme la prose en poésie. Les images sont belles, proches de la peinture, et les mots s'invitent avec une exigeante précision. Que le sujet du texte plaise ou non, il serait difficile de bouder son plaisir tant l'esprit se laisse aisément porter par la force de chaque représentation et, beaucoup de nouvelles, à ce titre, cherchent à saisir une ambiance autant qu'à donner de la réflexion.
Sur le second point, les titres ne résonnent différemment. le premier choix, Coup de soleil est aussi le plus accessible. Il est en effet question d'une passion amoureuse naissant entre deux personnes aux vies pourtant très différentes sur un bateau. Bounine s'attache à décrire la folie, puis la mélancolie, qu'une liaison presque « accidentelle » peu entraîner, les sentiments aussi vifs que superficiels qui demeurent après une nuit d'amour intense qu'on ne pourra jamais revivre. Très juste, la conclusion a un quelque chose d'assez désabusé, abandonnant les idéaux romantiques pour une réalité désenchantée.

L'affaire du cornette Elaguine est, selon moi, la meilleure nouvelle de l'ouvrage – de très loin. Elle en occupe d'ailleurs un bon tiers, et justifie à elle seule de se le procurer. Pour le dire très franchement, j'aurais gardé des impressions bien plus neutres du contenu si elle n'avait été là, je n'aurais probablement pas eu non plus l'envie de m'attaquer (dans un futur proche ou lointain ?) à une bibliographie plus complète. L'affaire du cornette Elaguine place Bounine sur le panthéon des grands auteurs, ceux qui vous capturent toute la complexité du coeur humain avec une acuité désarmante, en produisant des paragraphes superbes qui méritent d'être recopiés, retenus et répétés, au point qu'il devient parfois difficile de tailler dans le texte pour en faire ressortir les meilleurs passages – je m'y suis pourtant essayé. Mais de quoi s'agit-il donc ? D'une étrange histoire de meurtre rapportée par un narrateur sceptique, dans une première lecture. Mais, surtout, l'auteur se sert du prétexte pour condamner une opinion publique qui juge sur les apparences, condamne un acte sans chercher à le comprendre, peut tirer un portrait atroce d'une personne sur laquelle elle ne portait aucun regard négatif dès lors qu'une accusation le repousse chez les déviants. Les portraits du « coupable » et de sa « victime » sont aussi de grands moments. Chacun souffre du mal terrible qu'est le besoin de vivre une existence trop intense pour l'Homme et s'y perd avec l'avidité du désespoir. Un texte d'une force rare, dont on arrive bien trop vite à la fin.

Je serai moins bavarde sur le reste qui se concentre davantage sur des discussions, des réflexions prises dans un instant que sur une intrigue à proprement parler. On y retrouve davantage de discours sur la religion, la beauté d'une foi que l'auteur porte dans son coeur avec la tristesse de l'incroyant souhaitant s'y abandonner, thème qui, malgré de beaux élans lyrique rencontre un peu moins mon adhésion. Paraissent également, et avec plus d'intérêt, des images de la Russie après la révolution Bolchévique, qui n'est pas vécue comme une bonne évolution par tous, ainsi que les réflexions d'un russe exilé pendant un voyage en bateau (Sur les eaux immenses). Il m'a semblé que la plupart de ces textes nécessitaient une connaissance plus approfondie des motifs chers à l'auteur et développés plus en détails dans le reste de son oeuvre pour être appréciés de manière plus savante ce qui, comme dit plus haut, n'empêche pas de goûter à une belle écriture qui sait imposer à chaque titre une ambiance unique.

Cette lecture m'a été offerte dans le cadre d'un masse critique Babelio et je n'ai vraiment pas été déçue de mon choix, quoique mon enthousiasme soit plus modéré sur certains titres. Merci aux éditions des Syrtes pour ce partage !
Lien : http://unityeiden.fr/coup-de..
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Magnifiques nouvelles rédigés par le prix Nobel 1933,à Paris durant son exil.J'ai adoré "L'affaire du cornette Elaguine"qui raconte les dessous d'un procès de meurtre du à une passion amoureuse,et "Sur les eaux immenses",un récit de voyage autobiographique entreprit au bord d'un navire de Port Said aux rives de l'Inde,rédigé sous forme de journal de bord.Dans toutes les nouvelles il y a une profonde réflexion sur le sens de la vie,la mort et la foi,très belle lecture!
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Je remercie Babelio et Masse critique pour ce livre qui m'a été offert. le titre "Coup de soleil et autres nouvelles" m'avait attirée en me disant : "quoi de mieux que des nouvelles ensoleillées pour l'été?"... J'ai été déçue et pour être tout à fait honnête, je ne suis pas allée au bout des huit nouvelles. Je n'ai lu que les quatre premières. "Coup de soleil" est l'évocation d'une nuit entre deux inconnus et de cette attirance d'un soir pleine d'espérances et de fantasmes. "L'affaire du cornette Elaguine" est le récit d'un procès suite à un meurtre passionnel où l'auteur s'interroge sur la nature humaine et encore sur l'amour passionnel. "Une histoire effrayante" n'a rien d'effrayant du tout. Et "Notre Dame de la garde" est une interrogation sur la foi à laquelle je n'ai pas adhéré. Alors un bilan assez décevant. Il faut dire que l'auteur a écrit ces nouvelles dans les années 1920 et même si certains auteurs du passé écrivent des pensées qui deviennent universelles et atemporelles, tel n'est pas le cas pour Ivan Bounine.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Dans la cabine il fait de plus en plus chaud. Je dors en tenue d'Adam. Ce frêle navire qui nous garde et nous transporte sur ces abîmes incommensurables n'arrête pas de tanguer et de rouler, par toutes les fenêtres et les portes souffle un vent d'une grande douceur, dans un coin bourdonne le ventilateur - et on a pourtant l'impression d'être aux bains russes...
Parfois, je me représente moi-même en train de dormir, étendu dans cette cabine, sans défense, dénué de pensée et de conscience, perdu dans l'océan. Comme c'est merveilleux et terrifiant, comme c'est bon ! Je dors, nous dormons tous, exceptés ces deux ou trois individus privés de sommeil, silencieux, immobiles, qui sont de quart et veillent sur nous là-bas, là-haut ; nous dormons, et la nuit, éternelle, immuable, est la même qu'il y a des milliers d'années ! La nuit, d'une beauté indicible, et je ne saurais dire pourquoi - essentielle - brille au-dessus de l'océan et conduit ses astres qui lancent des feux de pierres précieuses, tandis que le vent, véritable respiration divine de ce monde merveilleux et incompréhensible, entre par les fenêtres et les portes, entre dans nos âmes ouvertes avec confiance à cette nuit, et à toute la pureté céleste de ce souffle.
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Nous commençâmes nous aussi notre vie tropicale, faite d'oisiveté merveilleuse, de repos dans les fauteuils en rotin qu'on avait installés pour nous sur le pont ,dans une ombre transparente pleine de lumière. Nous étions allongés et regardions le vide lumineux du ciel étincelant, visible entre le bord du bateau et la tente, nous étions émerveillés par l'eau qui apparaissait à travers les grilles des rampes d'appui. C'était une pierre précieuse et translucide, un alliage de pierres fines vertes indescriptibles, dans la transparence desquelles ondoyaient des volutes d'un vert trouble. L'eau filait, se balançait, se hérissait par moments de hautes crêtes aiguës et bouillonnait avec un bruit puissant et enchanteur. Le cuisinier, originaire de quelque endroit des Pyrénées, travaille dans sa cuisine en chantant : il a une voix merveilleuse qui, parfois, monte très haut. Et sa chanson, avec une tristesse pleine de douceur, dit le bonheur de vivre, d'aimer, de rêver dans ce monde divin plein de lumière...
Après le dîner, nous sommes allés en haut dans la grande cabine du capitaine. Il nous a emmenés sur la passerelle, nous a montré le globe céleste, les nouvelles étoiles du Sud qui se découvrent à nous.
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Elle appartenait entièrement à ces natures de femmes qui donnent les femmes publiques professionnelles et les servantes libres de l’amour. Mais que sont ces natures ? Ce sont des femmes au caractère sexuel très affirmé, insatiable, insatisfait, et qui ne peut d’ailleurs jamais être satisfait. De quoi est-ce la conséquence ? Est-ce que j’en sais quelque chose ? Et remarquez bien ce qui se passe toujours : les hommes de ce type horriblement compliqué et profondément intéressant, qui est un type atavique (à un degré plus ou moins grand), ces hommes qui, par nature, ont une sensualité exacerbée, pas uniquement envers les femmes, mais plus généralement dans leur façon de percevoir le monde, sont toujours attirés de toutes leurs forces, spirituelles et charnelles, précisément par ce genre de femmes, et deviennent les héros de bien des drames et de tragédies amoureuses. Pourquoi ? Parce qu’ils ont mauvais goût, parce qu’ils sont dépravés, ou tout simplement parce que ces femmes sont accessibles ? Non, bien sûr, mille fois non. Non, pour la bonne raison que ces hommes sentent et voient très bien comment sont torturantes, parfois réellement effrayantes et mortelles, les liaisons et l’intimité avec ce genre de femmes. Ils le sentent, le voient, le savent, et pourtant c’est surtout par elles qu’ils sont attirés, par ces femmes justement – et ils vont irrésistiblement vers leur souffrance et parfois leur mort.
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Coups de soleil 1926
Lorsqu'ils entrèrent dans la grande chambre d'hôtel, qui était restée, tout le long de la journée, exposée aux rayons brûlants du soleil, et que le valet eut fermé la porte après eux, le lieutenant s'élança vers elle, leurs lèvres se rencontrèrent dans un baiser éperdu. Beaucoup plus tard, ils se souvinrent de ce moment : jamais plus ils n'éprouvèrent rien de semblable ni l'un ni l'autre ..
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Le destin de toute chose ici-bas frappe l'esprit par son caractère incertain et fortuit.

SUR LES EAUX IMMENSES
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