La libération de la France sur un half-track de la 2ème DB comme si vous y étiez.
Les éditions Payot ont eu la bonne idée de rééditer ce
Carnet de retour de Pierre Bourdan, journaliste à Radio Londres de 1940 à 1944, puis correspondant de guerre. Il suit la 2ème DB depuis l'Angleterre, débarque à Utah Beach, suit les troupes qui combattent dans le cadre de l'Opération Cobra, se retrouve prisonnier des Allemands, interné dans un camp près de Rennes, mis dans un convoi à destination de l'Allemagne. Il parvient à s'évader et rejoint le PC de Leclerc près d'Argentun, suit la campagne pour la libération de la France, entre dans Paris. Les villes défilent, Baccarat, Strasbourg... "Les distances n'étaient plus fixées par les kilomètres du guide Michelin, mais par les caprices des voies libres et des voies barrées par les poches de résistance ennemies". le journaliste quitte la division en décembre 1944.
Bourdan est un correspondant de guerre qui couvre les zones de combats, fait état des forces en présence, s'entretient avec Leclerc, mais pas seulement. C'est un homme qui a entendu l'appel de de Gaulle et rejoint le service français de la BBC. Dans ce carnet d'un retour au pays natal le journaliste ne peut cacher son émotion ni celle de ses compagnons de route, français ou non, lorsqu'ils posent le pied en Normandie, assistent à la déroute de l'armée allemande ou à la liesse de la population.
Son admiration pour le charismatique Leclerc, qui préfère évoquer ses hommes plutôt que de parler de lui - "Le problème pour moi n'est pas de les lancer en avant, mais de les modérer, de les réfréner."- ainsi que pour les soldats de la division est palpable. Il rend parfaitement compte de l'hétérogénéité de cette armée, rattachée à la IIIème armée de Patton, composée de Français, de nord-africains, de 500 volontaires étrangers dont de nombreux Espagnols, fidèles au serment fait à Koufra. Il n'omet pas de rendre hommage aux FTP et FFI rencontrés durant son périple, mêle habilement récit de combats (la marche vers l'est) , rencontres étonnantes ou cocasses ( le premier contact entre les troupes et leur "premier Français", un fermier normand taciturne, est drôlatique), les scènes marquantes dont il est témoin (exactions commises par les Allemands en déroute qui pendent les FFI dans les bois, la tonte des femmes, l'aspirant alsacien qui fait 309 prisonniers par téléphone en se faisant passer pour le chef d'état-major du général allemand). Bourdan fait la part belle à deux villes emblématiques dans cette campagne, Paris bien sûr et Strasbourg, où il quittera la division.
Carnet de retour avec la division Leclerc est un récit enlevé paru en 1945, une odyssée humaine dont la rapidité de publication laisse croire à la fidélité du témoignage, lorsque les années et le romanesque n'ont pas le temps de s'imposer avec leurs gros sabots.