Prisonnière de l'ogre

Pour vendre leurs épices au marché, une mère et sa fille doivent traverser une forêt sombre. Et qui dit forêt sombre dit ogre, fatalement.

On sent les éléments constitutifs d'un bon conte se mettre en place. Les autrices ont bien potassé leur sujet.

Suivons le cheminement de la fillette (on dit d'elle qu'elle s'appelle Pain d'épices, mais on dit "la fillette" dans tout l'ouvrage). Un jour, elle doit aller seule au marché. Sa maman, inquiète et prévenante, va planter des fleurs sur le chemin à suivre... Ah ah ah, c'est sans compter sur l'ogre qui déplante les fleurs et refait le chemin fleuri jusqu'à sa porte. Voilà donc la fillette partant gaiement avec ses épices (pas de galette ni de pot de beurre pour mère-grand), dans une sorte de Perrette et le pot au lait (ce n'est pas un conte, OK).

Car la mère et la fille sont pauvres. On retrouve un peu le leitmotiv de Jack et le Haricot magique.

Donc voilà la fillette prisonnière de l'ogre qui veut la manger, un classique de contes pour enfants. Mais la fillette est maligne. Autre grand trait des contes. L'ogre veut une peau sucrée... la fillette se la frotte de sel et d'épices et promet à l'ogre de plantureux repas délicieux qui devraient lui faire passer l'envie de la manger. On retrouve une mécanique proche d'Hansel et Gretel, d'autant qu'elle est supposée s'appeler Pain d'épices.

La fillette va multiplier les artifices pour éviter de passer dans la marmite. La symbolique du passage à l'acte avec sous-entendu sexuel se retrouve dans pas mal de contes également. le point culminant est atteint quand la fillette fait croire qu'elle a concocté une soupe aux orteils à base de champignons. Je passe les détails un peu "macabres", mais très bien inventés et très bien amenés. Les champignons sont évidemment empoisonnés... tout est bien qui finit bien.

La fillette retrouve sa maman et elles sont mainetnant riches et continueront à vendre leurs épices au marché (l'histoire ne dit pas si elles vont faire bosser des migrants au noir pour se la couler douce...).

Bref, trèves de rigolade, le conte fonctionne bien. On est vite pris dans l'engrenage de l'affrontement ogre-fillette. Et le récit peut tout à fait passer pour un conte qui aurait été recueilli et formalisé par les Frères Grimm à mon avis.

Le format et la langue permettent aux enfants qui commencent à lire de se confronter à l'histoire. A débriefer avec elle/lui ensuite pour l'épisode sanglant des orteils (je vous rassure la fillette a toujours ses 10 orteils...).