1942… Ou 1943…
Un train de la mort. Destination finale : Sobibor !
Moïse Rubinstein brûle une allumette dans ce wagon à bestiaux où il est parqué avec des dizaines d'autres juifs. Il veut revoir la photo prise juste avant qu'il ne monte dans l'avion qui devait le ramener en Europe et où son frère, Salomon, se tient à ses côtés. Son frère qui lui déconseille fermement de retourner en Europe : « L'Europe de 1938, elle en veut plus des juifs ! »
Il se rappelle leur entrée fracassante à Hollywood et leur rencontre avec Sam Garfunkel, important personnage des milieux du show-business, juif lui aussi. Mais surtout, il revoit ses parents, leur maison dans un coron, en France, en 1927, le jour où il s'apprêtait à sortir major de sa promotion de l'Académie Lambertin, son père lui faisant la surprise de lui tailler un costume dans son plus beau tissu pour l'occasion. Brillantissime élève, nul doute qu'il allait l'emporter… Oui, mais…
Critique :
Attention : chef-d'oeuvre ! J'ai eu l'occasion de lire beaucoup de très bonnes bandes dessinées ces dernières années. Celle-ci s'en vient rejoindre les meilleures car elle rassemble toutes les qualités pour en faire une merveille du neuvième art.
Le scénario qui nous raconte la vie des deux frères Rubinstein va s'étaler sur plusieurs albums. Sept ? Dans celui-ci, le premier,
Luc Brunschwig nous raconte l'histoire de deux frères que tout oppose physiquement, mentalement, moralement… Tout ? Non ! Ils s'aiment et Salomon ferait n'importe quoi pour protéger son petit frère. Salomon est le débrouillard par excellence, l'optimiste, celui qui croit fermement en l'avenir et qu'il peut influencer celui-ci. Moïse est un intellectuel pur. Un cerveau ! Mais il n'a pas la force de son frère et surtout, il lui manque sa débrouillardise. En voulant redonner à son frère Moïse la juste place qu'il mérite, Salomon va entraîner une série de malheurs qui frapperont cruellement sa famille.
Luc Brunschwig nous remet en mémoire que les sentiments antisémites n'étaient pas propres à l'Allemagne de l'entre-deux-guerres. En France aussi, cette haine du juif était bien établie. Dans les corons de l'époque où vivaient les mineurs, nombre d'entre eux étaient Polonais. Rappelons-nous que les Polonais, comme les Russes, pratiquaient régulièrement des pogroms à l'encontre des juifs vivant sur les mêmes terres qu'eux… Dans ce brillant scénario, de « bons » citoyens français vont vouloir rendre justice sans trop se soucier des autorités. Ce qu'ils feront n'est guère éloigné de ce qu'accompliront les nazis, plus tard, en Allemagne, après l'accession au pouvoir d'
Adolph Hitler. A ma connaissance, aucun fait similaire à celui conté dans ce récit ne s'est produit en France, même si les sentiments antijuifs étaient très développés. Gardons un esprit critique, en particulier lorsqu'il s'agit d'une BD « historique ».
Les dessins d'Etienne le Roux donnent aux personnages des personnalités vraiment fortes et crédibles. Loïc Chevalier crée des décors de toute beauté et
Elvire de Cock apporte la touche de couleur qui complète magnifiquement ces tableaux.
Que vous aimiez l'aventure, l'histoire, ou tout simplement de splendides planches de BD, cette histoire est faite pour vous !