AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782918767343
224 pages
Asphalte (09/01/2014)
3.95/5   20 notes
Résumé :
Dans une gigantesque décharge, en Italie, un groupe d'adultes et d'adolescents survivent en triant des déchets qu'ils recyclent, réparent et vendent. Il y a Iac, en rupture avec sa famille, Lira Funesta qui parle trop, Saddam le Turc qui lance l'appel à la prière du sommet d'un monticule de déchets, et Argos, le géant zimbabwéen. Il y a aussi le Vieux, toujours endormi sous sa couverture. Autour d'eux gravitent Silvia, fille d'un grand chirurgien esthétique, et Lore... >Voir plus
Que lire après Corps à l'écartVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
3,95

sur 20 notes
5
4 avis
4
7 avis
3
3 avis
2
0 avis
1
0 avis
Une décharge au coeur de la Lombardie. C'est ici qu'ont élu domicile Lira, Iac, Saddam le Boiteux, Argos et le Vieux. Des rejetés de la société. Des ados en perdition ou en perte de repère et qui ont trouvé pour seul refuge cette décharge. Des adultes accidentés de la vie. Non loin de leur chez eux, leur "zone de vie", les fumées de l'usine d'incinération jettent d'âpres odeurs. D'où ils sont, ils voient chaque jour les allers et venues des camions venus vomir les déchets de la ville. Devenus inutiles ou obsolètes, ils auront une deuxième vie ici. Loin des leurs, ces hommes se sont fabriqués une vie faite d'habitudes mais ô combien précaire. Condamnés au silence sur leur mode et leur lieu de vie. Eux-mêmes évitent de parler de la Chose qui règne en maître sur cette décharge.

Elisabetta Bucciarelli nous livre un roman touchant et amer. Basé sur des faits réels, l'auteur rappelle combien la Lombardie est une région toxique où les déchets de tout genre, même les plus dangereux, sont source de trafic. Dans cette décharge évoluent, dans un climat d'entraide et de sérénité, ces individus marginaux. Autour d'eux gravitent Sylvia, amie de Iac, fille d'un grand chirurgien-plasticien et le pompier qui veut à tout prix leur venir en aide. L'originalité de l'auteur est d'avoir mis en parallèle la décharge et le quotidien du père de la jeune fille, chirurgien peu regardant envers les déchets dont il se débarrasse. La décharge, personnage à part entière qui engloutit et vomit tout, dégage une force incroyable. Dans une ambiance désenchantée, ce roman sombre à l'écriture froide et crue est saisissant de réalisme.

Corps à l'écart... âme à l'écart...
Commenter  J’apprécie          650
Une petite communauté de personnages éclectiques vivant dans une gigantesque décharge semble avoir trouvé son équilibre. Même si la vie est loin d'être simple, tout s'organise. Iac, Lira, Saddam, Argos et le Vieux trouvent leur place sur ce monticule de déchets qui devient un personnage à part entière.
Cet équilibre risque de basculer quand sont retrouvés des déchets toxiques. Sans savoir de quoi demain sera fait, les préoccupations quotidiennes des personnages démontrent à chaque instant leur humanité. Gravitent autour de ce petit monde, une jeune adolescente, un pompier bienveillant, mais aussi un chirurgien dont on découvre les magouilles petit à petit. Dans cet univers hostile une vie simple mais essentielle lutte jour après jour. L'écriture d'Elisabetta Bucciarelli, entraînante, incite à s'attacher à ses personnages. Un livre sur un sujet angoissant, certes, mais plein d'espoir cependant.

Commenter  J’apprécie          250
Au coeur d'une ville italienne de Lombardie, une immense décharge, un continent d'ordures encerclé de palissades est le cadre de "Corps à l'écart".
Quelques individus habitent ce territoire où sont quotidiennement rejetés les rebuts trop prolifiques d'une société de consommation aux appétits sans limites ; fuyant l'aliénation d'un monde ou d'un entourage devenu insupportable, ils forment «une espèce de micro-communauté adossée à un tas d'ordures d'une taille exceptionnelle». Dans ce qui constitue, paradoxalement, un espace protecteur et libre, une maison, un refuge, ils vivent de la "chasse" aux ordures, ramassant, utilisant ou revendant les déchets et appareils réhabilités sur le marché aux puces.

«La Ville allait pêcher ce qui lui manquait dans sa propre fange, elle prenait conscience de ses besoins en regardant ses déchets et, surtout, cherchait dans ses propres rebuts une nouvelle façon de survivre. Un mélange inattendu de personnes, des vieux, des jeunes, des individus à l'apparence tout à fait normale, se transformaient en fourmis laborieuses, en sourciers à la recherche d'un Eldorado perdu. Et ce lieu d'élimination et de perte semblait l'endroit idéal pour trouver de nouvelles richesses.»

Iac, l'adolescent en rupture avec sa mère, Saddam le refugié turc et guetteur de la décharge du haut d'une ziggourat d'ordures, un géant zimbabwéen que l'on surnomme Argos, et Nero, le chien squelettique, sont les témoins aux premières loges, dangereuses, de l'élimination illégale et très profitable des déchets toxiques, enfouis durant la nuit au coeur de la décharge, la dénonciation d'un trafic qui rappelle le Gomorra de Roberto Saviano.

En 90 courts chapitres, âpres et saisissants, la décharge, ce lieu d'enfouissement, forme une métaphore de la société contemporaine sous l'emprise d'une consommation toujours insatisfaite, monstre à la gueule béante qui abîme le monde, où les individus, risquant s'ils ne s'en défendent de devenir des narcisses creux, enfouissent et rejettent toutes les imperfections.

«C'était le samedi matin sur le marché aux puces, le royaume des remises, réductions et prix cassés depuis des temps immémoriaux […]
C'était des allées et venues permanentes, la population de la Ville déclinée sous toutes ses formes, de la fourrure au manteau usé, du blouson d'hypermarché à la veste Prada. La plus grande variété de mesquinerie et d'avarice urbaines, mêlées à l'impossibilité et à la pauvreté naturelle que l'excès de biens pouvait créer.»
Commenter  J’apprécie          150
Très belle fable de la décharge publique comme creuset mythique contemporain.

Publié en 2011, traduit en français en janvier 2014 par Sarah Guilmault chez Asphalte, le sixième roman de la Milanaise Elisabetta Bucciarelli réussit l'un de ces rares miracles d'équilibre entre deux pôles thématiques, grâce à une écriture inventée en profondeur pour l'occasion.

Dans un coin de Lombardie, sans doute dans le triangle industriel Bergamo-Brescia-Piacenza, gît à ciel ouvert une gigantesque décharge, rassemblant en un seul lieu intense, nouvelle terra incognita potentielle d'une société en crise de nerfs permanente, trois réalités contemporaines cherchant toujours et encore l'enfouissement. La décharge y est d'abord le lieu de l'écume épaisse de la consommation tous azimuts et de l'obsolescence programmée. Elle y incarne ensuite le si profitable business de la déchetterie, sous sa forme légale déjà fort rémunératrice comme sous sa forme illégale de l'élimination à bon compte de déchets qui demanderaient « normalement » un onéreux traitement spécifique (et l'on songe au portrait implacable de l'investissement consenti par le grand banditisme dans le domaine, si bien rendu par Roberto Saviano et son étonnant narrateur de « Gomorra » en 2006). Elle y est enfin le refuge de la communauté désemparée et hasardeuse de quelques laissés pour compte, d'origines bien diverses, qui s'y inventent une vie précaire et néanmoins libre, faite de récupération, de bricolage et de revente – les spectres atroces de la vie sans issue du « Rafael, derniers jours » de Gregory McDonald (1991) ne sont pas loin, heureusement ajustés et tempérés par une solidarité quotidienne qui évoque aussi les bidonvilles d'Eric Miles Williamson, et particulièrement de son « Bienvenue à Oakland » (2009).

Sur cette scène qui a tout pour s'affirmer définitivement sinistre et blafarde, mais que pourtant illuminent les ferveurs d'un gamin en rupture de ban, d'un fuyard irakien ou d'un inventif réparateur africain, un incendie criminel servira de révélateur ponctuel à la noirceur qui rôde partout, traquée en l'espèce par un jeune pompier subtil, bienveillant et pudique. Une histoire simple, en 200 pages et 90 brefs fragments jetés à la face de ces « cités mortes » et « paradis infernaux » dépeints et analysés par Mike Davis, mais une histoire transfigurée et rendue puissante par l'invention d'un langage rare, celui de ces humbles jetés ou réfugiés là, à la parole souvent économe et sibylline, à la capacité hors du commun, justement, à « serrer les dents » sur la peine, la douleur et le malheur, à exprimer leur vie en de curieuses paraboles agrégeant légendes urbaines, bribes poétiques spontanées et création de leurs propres mythes quotidiennement salvateurs.

Une magnifique fable, terriblement contemporaine, qui extrait de la bienveillance, de la solidarité et de la poésie du plus improbable et mortifère des matériaux glacés de la modernité.
Commenter  J’apprécie          90
A l'heure où l'on ne nous parle que de tri et de recyclage, avons-nous vraiment conscience de la masse de déchets que nous produisons ? Avons-nous conscience que ce que nous jetons sans chercher à comprendre pourrait avoir une deuxième, une troisième, voire plus encore d'autres vies ? Réalisons-nous que ce que nous jetons est parfois dangereux et que nous ne nous en débarrasserons pas en déposant un mouchoir dessus et en pensant à autre chose ?
Ce livre ne cherche pas à faire la morale à son lecteur, juste à lui mettre sous le nez ce qu'il n'a pas envie de regarder, à lui de faire avec ensuite. le propos ici sert surtout à nous faire réaliser que notre société marque notre sens moral plus qu'on ne peut le penser. Elle tente de définir la valeur que nous accordons aux choses et surtout aux gens.
On croise dans cette histoire des personnes issues de milieux différents, les choix qu'elles ont fait, la façon dont elles se perçoivent, les ont menées là. Elles sont responsables de leur vie et des décisions qu'elles ont prises. Parfois, elles ont encore le choix.
Au centre du récit il y a Iac, adolescent révolté, parfois exaspérant quand il semble ne pas savoir où il a mal, quand il se montre aussi désabusé à un âge si jeune alors qu'au fond il a juste une certaine difficulté à devenir adulte. Et il y a les autres, ceux que la vie a malmenés ou pas, qui vivent ou gravitent près de la décharge. Tous ont une histoire qui se dévoile petit à petit, de façon pudique.
La décharge aussi est un personnage qui semble parfois terriblement vivant, une chose, une bête non domestiquée qui peut partir en vrilles sans qu'on s'en aperçoive. C'est un monde en perpétuel changement, redessiné par les mouvements des ordures, fréquenté par des gens divers, mais ignorée de la masse populaire. Elle s'étend pourtant à ses pieds, une enclave dans la ville que les habitants font semblant de ne pas voir, n'imaginant pas tout ce qui peut se passer dans cette zone de non-droit. Ils ne savent même pas qu'elle grouille de vie.
En parallèle de ce microcosme, il y a la famille de Silvia, riches et complètement déconnectés… Ces cinglés du bistouri (le père est chirurgien) m'ont semblés extrêmement caricaturaux, mais ont une place dans le récit. Ils apportent une certaine dose de cynisme, même s'il n'en manquait pas, et surtout des corrélations avec la décharge auxquelles on n'aurait pu ne pas s'attendre, ou pas voulu, c'est selon.
Les chapitres sont courts, comme cisaillés dans la masse, il y en a 90 sur environ 200 pages, imaginez… Il n'y avait pourtant pas toujours lieu de faire des coupures alors que l'action continue exactement depuis le même point dans le fragment suivant, mais je ne vais pas me plaindre de ce découpage. Il permet en fait de mieux supporter la lecture qui peut se révéler éprouvante tant elle est désenchantée. Il se dégage de cette façon froide, presque chirurgicale, de dépecer les morceaux de l'histoire, une étrange poésie. C'est indubitablement bien adapté à la fois au contexte et aux événements, en somme le style parfait pour ce roman.
Cette lecture peut se révéler perturbante, choquante, dure à encaisser, mais elle est réaliste et ne tombe jamais dans le misérabilisme. Elle m'a donné à réfléchir et malgré son côté détaché, elle est forte en émotions.
A la fin de l'ouvrage, on trouve une bibliographie assez fournie et des notes de l'auteur sur les faits qui ont inspiré le roman. C'était très intéressant. J'avais entendu parler de ce trafic de déchets dangereux, mais du coup cela devient bien plus clair, mis dans le contexte.
Pour terminer sur une note un peu plus gaie, il y a, comme toujours pour les ouvrages de chez Asphalte, une playlist composée par l'auteur. C'est une attention que j'apprécie toujours autant.
Corps à l'écart est un roman passionnant et je vous le conseille vivement.
Lien : http://livropathe.blogspot.f..
Commenter  J’apprécie          105


critiques presse (1)
Liberation
15 janvier 2014
Le roman est divisé en 90 courts chapitres qui se déroulent autour d’une décharge où vivent les personnages, à l’exception de ceux dont le lieu de l’action est une clinique de chirurgie esthétique où on ne se débarrasse pas comme il faudrait des déchets humains, la fille du chirurgien étant par ailleurs amie d’un habitant de la décharge.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Parfois la colère peut prendre différentes formes: des mouvements rapides, des paroles qui s'échappent, des bombes à retardement. On laisse au hasard le soin de décider à sa guise: les circonstances, les opportunités, les moments dangereux. On sait dès le départ comment cela va finir, pourtant l'espoir, l'inconscience ou la superficialité entrent en jeu pour calmer l'angoisse, dissoudre la sensation de danger, annuler le risque. On fait des gestes. On dit des mots. Moments où l'après et l'avant ne coïncident plus.
Commenter  J’apprécie          260
Certains événements importants se passent en un instant. Il y a un avant et un après, qui s'opposent. Une maladie, une perte, une cicatrice. Certains arrivent sans raison, d'autres simplement parce que nous les déclenchons. A l'aide de nos mots, de nos gestes ou de certaines omissions. Quelque chose arrive, malgré nous ou à cause de nous. Et nous sommes déjà après.
Commenter  J’apprécie          261
À présent, il s’arrête. Tu vois que c’est un chien, un mâle, facile à désosser : il suffirait d’un couteau qui coupe bien, ceux pour la viande. Un chien côtelette, oreille, cou. Un chien queue effilée, droite. Il arrache quelque chose du sol, il tire dessus comme si c’était un bout de tissu, un chiffon, un jeu. Tu observes plus attentivement, il continue de tirer sur l’objet, de le lacérer avec ses dents blanches. Il déchiquette, se démène, éclaboussures jaunes et museau gras. Tu le vois chien, mais tu le sens homme. Pas tant dans l’apparence que dans ses prédispositions. Cette façon qu’il a de chercher sans arrêt. Seul et silencieux. Tu t’approches doucement, de sorte qu’il ne t’entende pas. Il s’arrête et, sans même avoir bougé les yeux, il t’a déjà perçu. Il a senti ton odeur parmi les odeurs. C’est dans sa nature, qui ne plie pas, ne succombe pas face aux décombres, aux ruines, aux gravats, aux déchets, aux restes et aux rebuts qui t’entourent. La faim est encore là. Ça n’a servi à rien, ce bout de repas arraché à la terre, à ce tas indistinct, pas même à remplir un peu ce ventre besace, ni à réveiller son odorat. Son instinct lui ordonne de chercher encore de la nourriture. Pas d’aller se mettre à l’abri ni de trouver un partenaire sexuel.
Commenter  J’apprécie          50
Ce sont les gens avec qui tu choisis d'avoir des liens qui comptent, pas ceux qui sont obligés d'évoluer autour de toi. Ceux-là, tu les subis.
Commenter  J’apprécie          330
Iac, lui, n'avait pas besoin de crier sa différence; il se sentait déjà si étranger à presque tout, si marginal, que parfois il ne savait plus se distinguer des déchets qui l'entouraient.
Commenter  J’apprécie          70

Videos de Elisabetta Bucciarelli (35) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Elisabetta Bucciarelli
"Scrittori in fuga" - con Elisabetta Bucciarelli e Sebastiano Mondadori
autres livres classés : déchargeVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus

Autres livres de Elisabetta Bucciarelli (1) Voir plus

Lecteurs (39) Voir plus



Quiz Voir plus

Grandes oeuvres littéraires italiennes

Ce roman de Dino Buzzati traite de façon suggestive et poignante de la fuite vaine du temps, de l'attente et de l'échec, sur fond d'un vieux fort militaire isolé à la frontière du « Royaume » et de « l'État du Nord ».

Si c'est un homme
Le mépris
Le désert des Tartares
Six personnages en quête d'auteur
La peau
Le prince
Gomorra
La divine comédie
Décaméron
Le Nom de la rose

10 questions
834 lecteurs ont répondu
Thèmes : italie , littérature italienneCréer un quiz sur ce livre

{* *}