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EAN : 9782492536007
202 pages
FR BELLES LETTR (09/03/2021)
4.08/5   6 notes
Résumé :
Pierre Gerson, grand bourgeois juif, ami des ministres, bien servi par la société, honoré, courtisé, décoré, n'est pas inquiet début 1940, en dépit des sombres menaces en provenance de l'Allemagne nazie, tant il a l'intime conviction d'être partie intrinsèque du peuple français. Sous l'ombre maréchaliste, il considère toujours que son statut social, sa guerre brillante et ses faits d'armes au service de la Nation le mettent à l'abri de toute poursuite.
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
L'auteur a choisi de mettre en roman l'histoire véridique de son grand-père pendant l'Occupation, et de retracer le sort des Juifs durant cette douloureuse période.

Il le fait avec beaucoup d'application et de sincérité, offrant un panorama clair, précis et instructif des événements, chaque chapitre correspondant à une année, de 1938 à 1944, entrecoupé de coupures de presse ou de textes officiels : les conséquences territoriales de l'armistice, les lois antisémites dont celle d'octobre 1941portant sur le statut des Juifs, la rafle du Vel' d'hiv' du 16-17 juillet 1942, les déportations vers les camps nazis, le village des Justes de Chambon-sur-Lignon. La période est passionnante et le récit permet de l'explorer habilement, avec beaucoup de fluidité.

Je regrette cependant un récit très factuel, très linéaire, manquant au final de souffle romanesque, et au final d'émotions, comme si l'auteur n'avait pas osé s'emparer de ce terreau familial forcément très sensible pour le « transformer » par la grâce de la littérature en le sublimant comme une Irène Némirovski, par exemple, a su le faire. le lecteur reste ainsi un peu en retrait des personnages, sans être totalement investi émotionnellement.

Par contre, il réussit parfaitement à faire comprendre la perception que les Juifs français ont eu des événements qui les frappaient. On voit l'effroyable machine antisémite se mettre en place et les piéger. Pierre Gerson, le personnage principal, est marqué par son incapacité à comprendre le péril en cours. Alors que tous les indices sont là, que sa fille exilée aux Etats-Unis l'enjoint désespérément de fuir tant qu'il est encore tant, lui passe de Paris à Antibes, de la zone occupée par la Wehmarcht à celle sous administration italienne, jugée plus clémente. Aveuglée par son amour de la France, se sentant tellement citoyen français plus que juif, se croyant protégé par sa fortune et ses médailles d'ancien combattant, il reste d'un optimisme forcené. Et c'est absolument terrible de le voir s'enfermer dans un entêtement quasi surréaliste dans un contexte tragique qui l'est tout autant. Comme lorsqu'il écrit à Xavier Vallat, commissaire général aux questions juives pour lui demander d'être exonéré de l'interdiction d'exercer son métier de courtier. Sa foi en la France immuable est tragique car la France est désormais collabo.

Philippe Calleux pointe ainsi très intelligemment les «  discordances », ce décalage entre la vie d'avant la deuxième guerre mondiale, pas encore affectée par les événements tectoniques de la Shoah, et la vie d'après, incompréhensible dans la violence des changements affichés, à l'échelle existentialiste d'un homme face à ses choix, forcément douloureux.
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Un récit historique, inspiré de l'histoire familiale des grands parents de l'auteur et qui retrace les années noires que la France a connu lors de la Seconde Guerre Mondiale. C'est Pierre Gerson qui nous raconte les faits qui s'étendent de 1938 à 1944, un chapitre par an, le style ressemble à celui d'un journal intime. Une vision unique et intimiste de la famille Gerson, famille juive non pratiquante qui vit en France depuis six générations. Pierre a été décoré suite à des faits d'armes lors de la première guerre mondiale, engagé volontaire et blessé au front, il a reçu la légion d'honneur en 1914, il avait alors trente huit ans. Les Gerson sont des bourgeois qui mènent grand train et côtoient la haute société et pourtant, ils ne voient rien venir et vont passer la guerre en zone libre dans les Alpes-Maritimes entre ballade au bord de la mer et marché noir pour améliorer l'ordinaire. Facile à dire après coup lorsque l'on sait ce qu'Hitler avait en tête pour établir un Reich qui devait durer plus de mille ans. En attendant, cette famille va ignorer tous les voyant qui virent au rouge et qui auraient pu changer leur destiné. Vont-ils prendre conscience de ce qui les attend avant qu'il ne soit trop tard ? La plume de l'auteur nous retrace les évènements marquants des nazis contre les juifs de France mais aussi d'Europe. On y parle des rafles de Saint-Martin-Vésubie et du Vél' d'Hiv' mais aussi des lois obligeant au port de l'étoile jaune. La vie devient invivable pour les juifs protégés un temps par les italiens qui occupent la région mais dès la chute de Mussolini, rien ne va plus. J'ai aimé suivre la vie quotidienne de cette famille tout en me disant qu'elle n'avait rien avoir avec la vie d'Anne Frank retracée dans son journal intime. Au fur et à mesure de ma lecture je sentais grossir en moi une ambivalence, car ce que nous raconte Pierre de son quotidien n'est pas aussi horrible que ce que j'imaginais, ils ont un toit sur la tête, de quoi se chauffer, de la nourriture dans leurs assiettes peu certes mais autant que le français moyen de l'époque. L'auteur va même jusqu'à ajouter un méchoui entre « amis », donnant une impression de fort décalage. Une famille qui donnerait presque le sentiment de pouvoir passer à travers les mailles du filet, on ne peut que le leur souhaiter et pourtant… Bonne lecture.
Lien : http://latelierdelitote.cana..
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Aujourd'hui je vous propose un roman biographique historique. Philippe Calleux s'est mis dans la peau de son grand-père et s'est inspiré de son histoire pour raconter en 7 chapitres les années 1938 à 1944 en France, sous la forme d'un journal.

Pierre Gerson est un grand bourgeois juif sexagénaire, homme d'affaires, amis des ministres, il mène la grande vie avec son épouse à Paris. Quand la guerre éclate et que les premiers décrets anti-juifs sont proclamés, il ne se pense pas concerné. Il n'est juif que par tradition, français depuis des générations, médaillé de la légion d'honneur pour ses hauts faits lors de la 1ere guerre mondiale. Non, cela ne le concerne et pas... Et pourtant !

J'ai trouvé ce récit très original et intéressant. On vit les évènements au même rythme que le narrateur et on se rend compte combien à l'époque, les gens ont pu se voiler la face, ne pas croire à l'atrocité des évènements, croire que les choses allaient vite s'arranger. Ils entendent parler des camps, mais qu'est-ce que c'est exactement ?
Dans ce récit, on parle de la France libre et occupée, des réseaux de la Résistance, des collabos, de la rafle du Vel d'Hiv, des amis de l'étranger qui avertissent mais que l'on ne veut pas croire.
Une autre manière d'aborder la Shoah.

J'ai beaucoup apprécié ma lecture mais il m'a manqué un peu d'émotion, j'ai trouvé que le narrateur restait finalement très factuel alors que c'est de son journal dont il est question. On apprend beaucoup sur les évènements mais l'on reste extérieur à la situation, on ne sent pas vraiment la peur gagner du terrain.
Le parti pris de l'auteur est cependant très intéressant et apporte un autre regard sur la Shoah.
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Les Discordances contient sept chapitres. Chacun représente une année de 1938 à 1944. Chaque partie est divisée en dates, comme des entrées de journal. Les deux premières années sont courtes, donnant l'impression que peu d'éléments ont retenu l'attention de Pierre Gerson, le narrateur. Et pourtant, les signes annonciateurs sont présents, lorsque l'on regarde les faits, avec le recul de l'Histoire.


C'est justement ce que démontre cet ouvrage : la population ne pouvait pas prévoir ni imaginer ce qui l'attendait.


Pierre Gerson ne se sent pas en danger. le 10 novembre 1938, le président de la chambre de commerce lui remet la médaille d'Officier, vingt après qu'il ait été fait chevalier de la Légion d'honneur, à titre militaire. En 1914, à trente-huit ans, il s'était engagé volontairement et avait été blessé au front. En 1917, il avait oeuvré pour le ravitaillement des armées en blé, depuis les États-Unis. Il est le dirigeant d'une entreprise florissante et il est le président de la chambre syndicale des grains. Pourtant, la nuit précédant la cérémonie, des lieux juifs ont été saccagés, des centaines de Juifs ont été tués et environ 30 000 ont été déportés. Cela s'est déroulé dans plusieurs villes allemandes. En France, pas un mot sur ce qui sera appelé, par la suite, la nuit de Cristal.


Malgré les alertes de son entourage, Pierre ne perçoit pas la menace. Il est français : sa famille est sur le territoire depuis plus de six générations, il a combattu pendant trois ans dans les tranchées, il ne pratique pas sa judéité, etc. « faut-il partir ou rester ? Mon pays est la France, je l'ai servi avec intensité et je voudrais y vieillir heureux » (p.38). Averti par André-Jean Godin, directeur-adjoint à la préfecture, que Paris allait tomber, il a enfin écouté les peurs de Nelly, son épouse. Quelques jours avant la signature de l'armistice, ils sont partis à Antibes. Pierre est persuadé qu'ils sont en sécurité, car il pense que les Allemands ne visent que les Juifs étrangers. Il n'écoute pas les supplications d'une de ses filles qui demande à ses parents de la rejoindre aux Etats-Unis. L'avenir ne lui donne-t-il pas raison ? le sud de la France est en zone libre. Nelly et lui ont quitté la capitale, au bon moment.


Mais en 1942, l'étau se resserre. Les Allemands trouvent une aide inespérée : « en août, le sinistre préfet Ribière a procédé à l'arrestation de centaines de juifs étrangers ». « Alors qu'il n'y avait aucun militaire allemand dans la zone dite « libre », les autorités françaises ont décidé d'elles-mêmes qu'il fallait se débarrasser des juifs » (p. 100). L'entourage des Gerson essaie de les convaincre de se mettre à l'abri. A chaque danger, Pierre semble attendre le dernier moment pour prendre une décision. Plusieurs fois, il la prend juste à temps. Ses proches s'inquiètent, ils craignent qu'à la prochaine alerte, il réagisse trop tard et que l'issue soit dramatique.


Les tergiversations de Pierre sont compréhensibles[…]


La suite sur mon blog...


Lien : https://valmyvoyoulit.com/20..
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Ce roman est rédigé sous forme de journal écrit directement par Pierre Gerson, dans lequel celui-ci consigne son vécu des années de guerre. C'est tout d'abord l'insouciance qui prévaut. le narrateur ne peut croire qu'il pourrait être inquiété. Il pense tout d'abord que les Allemands ne s'en prendront qu'aux Juifs étrangers

Et pourtant, les signes montrant l'urgence d'une action se multiplient… Quand la loi de 1940 sur le statut des Juifs est promulgué, il écrit pour faire valoir ses faits d'armes et revendique d'en être exclu. Si la réponse négative et brève des autorités provoque un séisme chez Pierre Gerson, il ne se résout pas à quitter la France comme l'incite l'une de ses filles exilée aux Etats-Unis

Exilé en zone libre avec sa femme Nelly sur la côte d'Azur, où il croit avoir trouvé un lieu de vie calme et protégé et où il peut continuer partiellement sa vie mondaine malgré les restrictions (le rationnement – 25 g de viande par jour et 6 g de fromage – est bel et bien là), il voit le péril monter après la reddition de l'Italie, lorsque les Allemands occupent la région et se mettent à traquer les Juifs à partir de septembre 1943.

J'ai beaucoup apprécié ce livre pour plusieurs raisons : tout d'abord l'écriture juste, fine, qui décrit le quotidien de Pierre Gerson, de sa femme dans ce contexte de tension. Ensuite pour la valeur historique du livre : en plus de ce journal s'intercalent quelques pages, non commentées, qui font souvent froid dans le dos, mais illustrent parfaitement le contexte qui s'établit : il s'agit de la Nuit de Cristal de 1938, d'un extrait de « Je suis partout », le brûlot rédigé par Robert Brasillac ou encore des consignes données aux policiers pour effectuer la Rafle tristement célèbre du Vélodrome d'Hiver. Il permet de revisiter ces heures sombres de l'Histoire française, où nos concitoyens furent abandonnés en raison de leur origine.

La tension augmente au fil du récit, avec une question sous-jacente : Pierre Gerson prendra-t-il vraiment conscience du péril et réagira-t-il enfin ? Bien sûr, ce roman traite d'un épisode bien précis de notre Histoire nationale, mais il invite à dépasser celui-ci en nous questionnant sur la façon dont on pourrait réagir face à la montée des périls : penser que tout s'arrangera ou simplement ouvrir les yeux, penser l'impensable et agir en conséquence.
Lien : https://etsionbouquinait.com..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Ils ne vont pas tarder à les envoyer à Drancy. Les Lang, dans un train de marchandise! Je pense à Geneviève, à sa façon magnifique de porter les chapeaux. À son élégance raffinée, à sa robe plissée de Madame Grès. Comment l'imaginer dans un wagon à bestiaux, assise sur le plancher, dans la puanteur ? Je bredouille quelques commentaires et raccroche. La déportation ce mot terrifiant, mais qui jusqu'alors n'était qu'un mot, est brutalement devenu horriblement concret. Le pire peut donc nous arriver, à nous. À nous personnellement, partout, à tout moment. Pour la première fois de ma vie, je ressens ce qu’est la terreur.
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J'ai été troublé, mais finalement soulagé, comme la plupart des Français, par ce renoncement. J'ai connu les tranchées. J'ai vu l'horreur, la boue et les tripes à l'air. Je me suis exposé plus que d'autres pour corriger le stéréotype du juif planqué. Fallait-il vraiment recommencer ?
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Nous sommes dans un monde qui bascule totalement. Un monde où les hommes ne respectent plus les hommes. Un monde où, pour servir une idée, on est prêt à basculer dans la bestialité.
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Nous constatons, sans joie particulière, que l'ostracisme n'est pas réservé aux minorités religieuses. Comme s'il était nécessaire de haïr pour se grandir, d'exclure pour exister.
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