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sur 31905 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Bizarre ? Vous avez dit bizarre ?
Comme c'est bizarre…

Meursault, l'Etranger. C'était une lecture obligée en seconde. Je me souviens
avoir eu horreur de ce livre. Sans doute à cause de l'absurdité qui semblait en exsuder de toutes parts. Pour moi, même à seize ans, faire sens était déjà un besoin fondamental. L'absurdité, quelque chose d'intolérable, une forme d'anti-humanisme. Car si l'homme et sa vie sont absurdes, il ne valent rien. Les questionnements naturels à cet âge, questionnements souvent anxiogènes, ont sans doute exacerbé le refus inconditionnel d'un tel état de choses.

Je me demandais donc comment parler de ce livre. Quand, ce matin, une bonne fée a croisé mon chemin. La critique de Cannetille portant sur le Vieil Incendie. La distance entre les gens. L'inévitable étrangeté de l'autre. Étrangeté d'autant plus marquée si l'autre n'est pas très adapté à la compagnie dont il est censé faire partie. Barrières linguistiques, différences culturelles, différences physiques. Mentalité incompréhensible . Il y a de quoi faire un étranger. Dans le cas de Meursault, les différences sont tellement nombreuses et profondes qu'on peut parler d'aliénation. L'homme est inadapté à la vie en société, il est asocial ou désocialisé. Il ne semble partager rien avec les gens qui l'entourent. Il n'a aucun ressenti pour eux. Ils ne signifient rien pour lui. Les gens, leurs activités, leurs paroles et leurs vies sont des choses incompréhensibles, des mystères opaques, qu'il n'essaye d'ailleurs pas de pénétrer. Et parce qu'elles sont totalement incompréhensibles, elles demeurent sans valeur car elles ne signifient rien. Meursault est un être isolé, égaré dans une société - et peu importe laquelle, elles lui sont toutes étrangères. La condition humaine, vue comme étant absurde. L'absurde, en tant qu'aliénation, étrangeté extrêmes.

Cent douze pages ont suffi à Camus - ou lui ont été nécessaires - pour décrire un vide total. Mais le vide ne peut se décrire que par référence à autre chose. le vide est précisément la négation de cette “ autre chose”, et, en la niant, en devient une sorte d'image inversée : les ressentis et les actions de Meursault n'acquièrent un sens que par les réactions de la société qui l'entoure, et qui les rejette. Cette situation d'aliénation, d'incompréhension et de rejet ne peut donc mener qu'à une issue, le rejet définitif. Meursault sera exécuté, et y voit la conclusion logique de sa vie. Rideau.

Pour qui ou pour quoi Camus a-t-il bien pu écrire son premier roman ? de qui Meursault est-il l'image ? Roman écrit entre 1938 et 1941, publié en 1942. Est-ce le dégoût d'une Europe qui s'enfonce toujours plus dans l'inhumanité ? Il est toujours tentant de voir l'auteur derrière un personnage principal ou un narrateur. Meursault est-il une préfiguration négative du docteur Rieux de la Peste ? Camus cherche-t-il encore sa voie en ce premier ouvrage du Cycle de la Révolte, nous proposant une réponse initiale , purement négative, à l'absurdité perçue (par lui) du monde et de la vie ? Questions que le manque d'érudition ne me permettent que de poser.

Pour ce qui me concerne, que retirer de l'Etranger ? La rencontre avec un mode de pensée qui m'est fondamentalement…étranger. Au moins ai je pu le voir et en comprendre quelque chose, plus de quarante cinq ans après ma première lecture. Je conçois que l'on puisse se représenter ainsi le monde. je ne conçois pas de vivre ainsi.




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L'Étranger, en fait, à mes yeux, c'est un livre à coup de poing. Je ne résumerai pas, je vais juste partager mes ressentis pour mes amis, qui veulent savoir, ce que j'en pense.



Je suis encore très émue, je me suis beaucoup attachée à ce personnage hors commun, qui est Meursault. À mes yeux, il est très spécial, il fait ce qu'il doit faire, c'est naturel pour lui sans nécessairement démontrer ses émotions. Le livre est écrit en 1942, c'est important de se le rappeler et aussi quand on le lit, de savoir également le contexte, ça nous aide. Je confirme que c'est un livre qu'on doit lire non pas à l'école mais plus par un intérêt personnel. Il aborde des enjeux très importants, que je pense, qu'on peut comprendre, dans notre vie adulte.

Touchant, Déstabilisant, Révoltant

Je ne sais pas du tout à quoi m'attendre, je me décide à lire pour la toute première fois, Albert Camus, avec L'Étranger. Je découvre que le livre est bien construit, les chapitres sont bien divisés et son écriture est simple, belle, précise. Je suis très surprise de voir, que ça se lit très bien et l'auteur Albert Camus, parvient à garder mon attention, tout le long, de l'histoire.

Je me souviendrai toujours du malaise ressenti, l'atmosphère un peu lourd et aussi de notre personnage hors commun, qui est très spécial, et on ressent d'emblée qui est aussi très Étranger, à lui-même et à tout ce qui l'entoure. C'est assez particulier de suivre ses réactions, et j'aime le suivre dans son parcours de vie, qui du jour au lendemain, change complètement. C'est avec des images bien décrites, très claires et vraiment fortes, dans mon esprit, quand je pense à L'étranger.



L'auteur Albert Camus, nous fait entrer dans tout un univers, c'est une histoire qui te touche lorsqu'on comprend les sujets dont il mentionne. Meursault est très spécial et il m'émut mais je peux comprendre qu'il ait pu déranger et que les gens de cette époque, pas tous, n'ont pas su le comprendre.

En un mot, ce que je retiens : c'est que peu importe la situation, chaque personne peut la voir différemment.



Je remercie également mes amis avec qui j'ai discuté du livre, je fais un clin d'oeil à celui qui me fait découvrir L'Étranger et je remarque encore plus, que l'amitié, la vraie, rend la lecture si riche, et qu'elle est fait pour être partagée et être entendue. La preuve, je suis si bien entourée, par des très belles personnes, et qu'une passion peut vraiment rapprocher les gens.

C'est une lecture qui marque et que tu ne peux pas être indifférent car même encore aujourd'hui, on peut reconnaître, qu'il n'avait pas tort, sur certains faits ou certaines manières de pensées et qu'il nous fait réfléchir. C'est un livre à lire ou à relire, pour vraiment comprendre ce qu'implique L'Étranger et aussi pour découvrir l'écriture de cet auteur Albert Camus. Je vois qu'il n'était pas juste un écrivain, il avait plusieurs métiers et c'est dommage, que la vie nous l'ait enlevée assez jeune. Je crois que ce n'est pas les livres, qui manquent de lui, à son actif.

Mes salutations à mes amis et à tous,

Siabelle
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Toi, étranger, qui bouscule la sécurité de mon quotidien,
Je te hais

Toi qui ne pense pas comme je pense, toi, absent et sans larmes au procès de mes pairs,
Je te hais

Toi l'errant, le marginal, l'ombre inquiétante au fond de la ruelle malpropre,
Je te hais

Toi le miroir, réfléchissant le vide de ma vie de boutiquier,
Je te hais

Toi, l'amoureux du soleil sans ombres, des mots vrais sans esthétique,
Je te hais

Toi le suspect, l'accusé, le déjà condamné, toi le christ en croix donneur de leçon, qui me jette au visage ma faible condition d'homme,
Je te hais

Toi, L'Etranger, intemporel poil à gratter, insupportable moi-même,

Je te hais, et ta lecture me hante, irrationnelle et brutale…

« Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. »
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Voilà longtemps que j'ai lu L' Étranger...
Il en reste, dans ma mémoire, une lancinante note d'immense ennui, écrasée par la chaleur... de là vient cette sensation du dérisoire et de l'absurde, qui envahit Meursault, qui étouffe et englue sa conscience.
Jusqu'à ce crime idiot.
Comme il n'a pas la chance (ou la malchance) d'être reconnu fou, Meursault se trouve victime d'une justice qui a besoin d'un alibi pour le guillotiner: va pour l'indifférence supposée envers la mort de sa maman. Au reste, Meursault s'en fout. Il profite même de sa détention pour se replier en lui-même et explorer ses souvenirs...Et peut-être est-ce là, la part la plus riche de son existence, juste avant de la quitter?


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La mère de Meursault vient de mourir.
Le jeune homme se rend aux funérailles mais se sent étrangement insensible à la cérémonie qui s'organise tout autour de lui.
Quelques jours plus tard, alors qu'il passe le week end chez des amis, Meursault tue un jeune Arabe. le soleil et la chaleur l'ont rendu "étranger" à ses faits et gestes et il a commis ce meurtre presque sans se rendre compte de ce qu'il faisait.
Ce n'est pas l'avis du Procureur qui plaide pour le Ministère public lors du procès de Meursault. le magistrat réclame la peine capitale...


"L'Etranger" porte bien son titre.
Meursault est étranger à tout. Il ne se sent pas très concerné par le décès de sa mère. Il ne regrette pas d'avoir tué un homme. Ces deux événements dramatiques sont, selon lui, des choses qui arrivent, voilà tout. Meursault ne parle pas beaucoup et réagit encore moins. Il est étranger à sa propre vie et, plus tard, à son procès et à la sentence qui y est prononcée.
Ce jeune homme me donne l'impression de vivre dans l'instant présent uniquement (et encore !) : le passé ne l'intéresse pas, l'avenir encore moins. Ce qui importe, c'est ce qu'il a sous les yeux, ce qui se passe lorsqu'il est présent pour y assister. Ainsi, sa vieille mère placée en maison de retraite (un "asile", comme on l'appelle dans ce roman) ne l'intéresse plus beaucoup ; il n'a même plus été lui rendre visite pendant sa dernière année de vie, le trajet en autobus lui semblant trop long et pénible. La vieille dame ne vivant plus avec lui, Meursault ne semble plus beaucoup penser à elle.
Même chose avec sa petite amie, Marie. Meursault aime la fréquenter et la trouve belle, mais il lui dit plusieurs fois qu'il ne l'aime pas. Lorsque Meursault se retrouve en prison pour le meurtre du jeune Arabe, sa relation avec Marie s'étiole : les deux amants ne se voient presque plus et Meursault s'en fiche. Loin des yeux, loin du coeur.
Cet homme profondément indifférent est mené à sa perte par ce que l'on pourrait qualifier de manque de réaction face à la vie courante. S'il tue le jeune Arabe, c'est, au départ, un peu à cause de sa relation avec son voisin de palier, Raymond. Souteneur notoire, ce dernier propose à Meursault de devenir son copain. Trop indifférent pour refuser, Meursault accepte (il n'en a pas spécialement envie, mais s'il refusait, il faudrait donner des explications. Trop long et trop fatigant) et se retrouve à rédiger, pour Raymond, une lettre de menace qui sera en partie à la source du drame.
Si je précise "en partie", c'est parce qu'il me semble qu'une autre raison, plus obscure et plus personnelle, pousse Meursault à commettre un meurtre : son hypersensibilité aux éléments extérieurs. Trop de soleil, trop de chaleur, trop de luminosité et ça y est : Meursault se sent fatigué et ne sait plus trop ce qu'il fait. Il est alors dépassé par le grand cirque de la vie qui est mis en scène autour de lui, devient totalement "étranger" au reste de l'humanité. Son cerveau semble se déconnecter, ne plus être en phase avec ses actes. Or, le jour du meurtre était particulièrement chaud et lumineux...
Meursault est en réalité vite dérangé par tout ce qui est excessif. C'est certainement cela qui le pousse à aimer voir les autres vivre (il s'assied sur son balcon et observe les passants) alors qu'il ne vit pas réellement lui-même. Meursault refuse de vivre. Etre humain passif et désoeuvré, il subit son existence au lieu d'y participer activement...

J'avais découvert ce roman d'Albert Camus en secondaire (=lycée) mais je ne me souvenais pas vraiment du déroulement du récit. Je m'attendais donc à un roman lourd malgré sa brièveté, à un texte qui met son lecteur mal à l'aise. Finalement, je l'ai dévoré en une après-midi. Car, si L'Etranger ne traite pas d'un sujet facile et dérange plus d'une fois son lecteur, il est aussi profondément fascinant. Camus parvient à mettre en scène la déchéance de Meursault d'une façon passionnante. Peut-être les premières phrases du roman y sont-elles pour quelque chose : " Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. " C'est accrocheur, non ?

Challenge 15 Nobel : 2/15
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L'étranger... Un livre lu et relu tant il ne peut laisser de marbre.
Comment devient-on coupable parce qu'on ne pense pas comme tout le monde, au bon moment et avec les mots justes qu'ils attendent tous ces humains dont le coeur pend bouche béante, preuve de leur cohésion dans le moule des codes de « Monsieur tout le monde ». La justice des hommes est certainement le pire des fléaux, elle condamne ceux qui ont un avis divergent, ceux qui passent leur chemin en buvant une tasse de café une cigarette en main plutôt que de pleurer - comme tout le monde pense le ferait- à l'enterrement de sa mère.
Ce roman, culte de la littérature, résonne encore même plus de 70 ans plus tard. Car il pointe combien les hommes s'amusent à triturer à mal les comportements des uns et des autres, à les condamner pour des bêtises, à les juger pour tout ce qui les échappe.

Roman culte avec tout le déballage magistral à la Camus sur l'absurdité de notre société.

Puisse t'il ouvrir les esprits et les coeurs à regarder avec plus de tolérance et d'humanité.
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Meursault, le narrateur, est étranger à tout. A ce qui l'entoure, à lui-même. Il vit dans l'indifférence la plus totale.
Est-il pour autant détestable ? Non. Parfois il apparaît même sympathique. Son seul problème, qui lui sera préjudiciable jusqu'à la fin, c'est cette indifférence. Et la franchise. Jamais il ne ment. Il reste toujours crédible envers lui-même. Pas question de faire semblant. Aussi tous conviendront d'une chose : c'est un handicapé social, un monstre sans émotions, que la société doit éliminer, parce qu'il n'a pas réussi à s'y insérer. Il est nu, jamais la morale n'a eu d'emprise sur lui. Et, au fond, il n'est pas condamné pour le meurtre qu'il a commis, mais pour n'avoir pas pleuré lors de la mort de sa mère, témoins à l'appui. Pour être en dehors des normes sociales, être trop différent, trop marginal. Lui restera intègre et sincère jusqu'au bout.
Un livre aux interprétations multiples, qui n'en finit pas d'être décortiqué dans tous les sens. Roman simple mais complexe et ambiguë, et portant indispensable.
Des phrases sèches, courtes et directes. Un style impeccable et simplement beau, sans artifice, sans ambages, ni fioriture
Un chef d'oeuvre !
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Relecture de L'Etranger pour mieux animer notre prochaine soirée « Albert Camus,Un par mois, émoi et moi » dans une librairie au coeur d'Avignon.
J'avais déjà été intriguée par la forte propension de Meursault à dormir. J'ai relevé tous les passages au cours desquels il s'assoupit, somnole, sommeille, dort d'un sommeil lourd. Ils sont, effectivement, bien nombreux. Pourtant c'est un homme jeune, a priori en bonne santé. En bonne santé ? Et si Meursault était malade, victime de narcolepsie ? Un état pouvant se justifier par le stress émotionnel, la dépression, le deuil, des émotions intenses de tous types… Touché au coeur à l'âme par la disparition de sa mère, le vide de sa vie, la peur d'une mutation sur Paris…
Meursault n'a pas été visité par un médecin avant son incarcération. Et si le diagnostic avait été positif ? le verdict aurait été différent ? et par voie de conséquence, le roman aurait été tout autre !
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Voila longtemps que je veux lire Camus, mais je repoussais ma lecture par peur. Quand j'aborde un classique, j'ai toujours une appréhension de ne pas apprécier ma lecture a sa juste valeur, ou que le texte soit difficile....
Je me suis donc décidée et lancée dans L'étranger et des les premières pages toutes ces craintes se sont envolées et j'ai adoré.

Tout d'abord parce que l'écriture est sublime, on est happé par le récit et impossible de lâcher le livre. le choix de la première personne renferme ce sentiment. On s'identifie au personnage, on se sent proche de lui.

Le roman commence lentement, par la mort de la mère de Meursault, puis les éléments s'enchaînent les uns les autres jusqu'à l'assassinat de cet homme, de l'arabe pour reprendre les termes de Camus. On est plongé dans le quotidien du narrateur et l'on sent malgré tout que tout ça va prendre une mauvaise tournure.

Et puis vient la seconde partie, avec le procès qui est complètement absurde mais encore une fois si habillement construit.

C'est donc un vrai coup de coeur et je suis maintenant curieuse de découvrir d'autres oeuvres de Camus.
Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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L'Étranger d'Albert Camus est un petit chef d’œuvre ramassé sur une histoire très courte, chronique du récit presque ordinaire d'un homme confronté à un fait divers qui va l'amener à commettre un meurtre et le conduire à l'échafaud. Cela paraît simple à première vue, mais l'Étranger, c'est bien plus que cela...
Ce livre m'a plutôt résisté à la première lecture, bien que l'écriture soit aisément accessible. Non, je n'ai pas compris ce que l'auteur voulait nous dire. Quel en était le message ? Considérant Albert Camus comme un grand philosophe, je me suis dit qu'il y avait certainement un message subliminal caché quelque part entre les mots. Puis deux autres expériences m'ont amené à considérer ce texte d'une autre manière et à trouver les portes pour y entrer. Tout d'abord, ma fille préparant son bac de français il y a deux ans, avait ce livre sur sa liste des ouvrages à étudier. J'ai sauté sur l'occasion inespérée pour faire d'une pierre deux coups : aider ma fille à son oral de français et en ce qui me concernait, comprendre mieux ce texte. Entre temps, je m'étais procuré le livre audio en CD, version lue par Albert Camus lui-même, que je vous recommande, et ce texte qui se dépliait sous la voix de son auteur, me paraissait peu à peu plus accessible. Et j'ai alors compris le sens de ce titre, à tout le moins bien étrange, dont je n'avais pas compris jusqu'alors toute la portée...
Donc, le coupable, Meursault, c'est-à-dire le narrateur, est connu d'avance. Point donc de suspense. Ce récit écrit à la première personne, d'apparence froide et qui ressemble de très près à celui du Dernier jour d'un condamné de Victor Hugo, nous permet d'avancer dans les pas du narrateur jusqu'à sa fin inéluctable. Mais au fond, de quoi Meursault est-il donc coupable ?
Le livre commence par cette phrase presque devenue mythique : "Aujourd'hui maman est morte, ou peut-être hier, je ne sais pas". On dirait presque une phrase proustienne, du genre : « Longtemps, je me suis couché de bonne heure ». Cette introduction peut surprendre, tout le monde se rappelle en général la date du décès de sa mère, surtout si l'événement est proche.
L'étrange surprend, étonne... et c'est donc propice pour un philosophe à poser son regard. De l'étrange à l'étranger, il n'y a qu'un pas qu'Albert Camus franchit allégrement. Si ce récit nous perturbe à bien des égards, au-delà de la narration à la première personne qui est volontairement déstabilisante je le reconnais, c'est qu'il prône l'absurde.
Revenons aux faits, car il y en a plusieurs dans ce récit pourtant concis.
Meursault tout d'abord se rend à l'enterrement de sa mère, à l'hospice où elle résidait. Tout se passe de manière ordinaire, hormis ce regard sur lui d'une communauté de personnes âgées qui semble, tout au long de la cérémonie, l'observer d'un regard presque inquisiteur, comme s'il était étranger à eux. C'est un regard lourd, qui ne dit rien, sans doute faits de reproches parce que le narrateur apparaît comme quelqu'un qui ne s'est pas beaucoup préoccupé du sort de sa mère sur les derniers temps de son existence et qu'aux obsèques de celle-ci, il semble ne ressentir aucun chagrin. Voyons ! Tout fils qui se respecte doit pleurer à l'enterrement de sa mère ! Sous la forme d'un descriptif anodin, ce témoignage sera repris à charge pour dénoncer son indifférence présupposée à l'égard de la situation.
Mais de quoi donc Meursault est-il donc coupable ? En effet, au retour chez lui, il rencontre Marie au bord de la mer où il est venu se baigner, passent la journée et la soirée ensemble, font l'amour. Tout de même ! Coucher avec la première venue le lendemain où l'on enterre sa mère... ! Marie tombe amoureuse de Meursault, mais celui-ci ne semble rien ressentir pour la jeune femme. Quelques jours plus tard, il retrouve des amis dans un cabanon au bord de la plage. C'est un moment convivial, ils boivent beaucoup. C'est alors que, sur la plage brûlante de soleil, Meursault tue froidement un arabe avec lequel quelques instants plus tôt le groupe d'amis avait eu quelques démêlées. Cela pourrait être un banal fait divers. Mais voilà, Meursault le tue de plusieurs coups de révolver. Comme souvent dans l'oeuvre de Camus, le soleil est au rendez-vous, je dirai même que c'est un personnage à part entière. C'est un soleil noir et brûlant qui accompagne le geste de Meursault, ébloui par le reflet de ce soleil sur la lame du couteau que présente l'arabe. le soleil semble être ici une sorte de complice qui a pu porter, accompagner le geste fatal de Meursault.
Attention, mon propos, bien sûr, n'est pas de minimiser le meurtre horrible accompli par Meursault. Cependant, tout homme coupable, de quelque crime que ce soit, a droit de bénéficier d'une défense irréprochable basée sur des éléments factuels. le problème est qu'il est jugé sur d'autres choses qui n'ont rien à voir à voir avec son crime... Car, au fond, la mort de l'arabe, au cours du procès, on ne s'en préoccupe guère.
Le récit raconte de l'intérieur les affects d'un homme qui semble étranger à tout... Étranger à son environnement, à ses proches, étranger sur la terre, étrangers aux hommes, étranger à lui-même...
Ce qui dérange dans ce récit, mais qui en fait aussi sa force, c'est la narration. Nous sommes dans les pas du narrateur, nous sommes dans ses affects. C'est une sorte d'indifférence, mais elle n'est pas vraie, c'est une indifférence apparente, mais elle va coûter cher à la vie du narrateur. Il y a des émotions cachées par pudeur. Et il me semble que Meursault éprouve des sentiments. J'en ai trouvé plusieurs au fil du livre et je pense que c'est par timidité ou par pudeur qu'il les retient.
Pourtant, la force du livre est que le narrateur n'a pas l'air de ressentir grand-chose ; alors le lecteur que nous sommes est presque amené à le juger, à lui faire son procès, comme la foule qui, elle aussi, le juge et le conduira à l'échafaud.
Quelque part, la force du propos de l'écrivain est de nous entraîner au plus près de son récit, non pas pour être en empathie avec le narrateur, quoique, mais pour comprendre l'absurde de la situation. Et brusquement, nous nous réveillons avec l'étonnement qu'il faut : que faisons-nous au milieu de cette foule béate et béante ?
Alors, sommes-nous aussi l'Étranger ?
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