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sur 1736 notes
Emmanuel Carrère a mis sa casquette de journaliste pour enquêter sur un sacré Royaume, annoncé il y a deux millénaires, qui parle de résurrection, auquel il a cru un instant et auquel il ne croit plus. Mais ce diable d'homme sait se montrer convainquant sur une histoire peu banale de vie éternelle et de mort. Paul, Luc, Pierre et les autres sont dans son collimateur. Avec humour et érudition, un télescopage historique des siècles ( politburo, secte juive... mais puisqu'il s'agit d'éternité, c'est bien le moins ) ajouté au talent d'un rédacteur de Mediapart qui traque la faille, le détail où le diable pourrait se nicher, Carrère tente de reconstruire à ses risques et périls, en toute honnêteté, un récit sur la naissance d'une sagesse d'exception qui n'est certes pas à l'abri d'invraisemblances et qui pourtant n'en finit pas de nous interroger. le cartésien de service a du mal à s'y retrouver et notre ami Carrère, sur les traces de Renan, le prend par la main avec son talent narratif, sa curiosité d'anthropologue fort documenté, sa fantaisie décontracté d'homme cultivé et désinvolte. Il lui démontre que ce récit, c'est du lourd, du très lourd, au point d'y avoir cru lui même, et maintenant qu'il n'y croit plus, se demande à longueur de pages ce qui s'est bien passé, ce qu'il doit retenir d'un héritage dont il ne peut se défaire.

On a droit à quelques confessions intimes sur l'auteur, sur ses états d'âme, qui nous semblent guère convainquantes, mais qui expliquent son passé de dévot qui finit par le céder au bon sens, à un agnosticisme plus critique, moins allumé, et néanmoins toujours incertain ( qui, te dit que demain tu ne renieras pas ton livre lui rétorque un ami ) Lui même Carrère reconnait que ses premiers exercices spirituels "sonnent faux". Et cerise sur le gâteau, on a droit à quelques confidences sur sa sexualité, qui pour épicer le récit nous semblent superflues. Nous ne lui tiendrons pas rigueur de ses égarements.

La raison de ce livre dépasse bien sûr ces quelques distractions d'auteur indécrottablement égotiste. L'intérêt se porte bien plus loin. L'enjeu est cette enquête serrée, sceptique et fascinée sur ces premiers chrétiens, plus particulièrement Luc et Paul qui décident de changer le monde. Paul prend une large place, c'est une force qui va, il dérange, il déroge aux coutumes, il n'a pas connu le Christ, ce qui pourrait le délégitimer, qu'importe, la hauteur de sa voix domine et assiéra plus tard les canons du christianisme. Luc est un fin connaisseur scrupuleux, Pierre craint d'être mis à mal, il ne saurait lire et écrire, Matthieu est une société anonyme qui emprunte au réel et la tradition.
Et pourtant ce commando, aux ordres de Pierre investi de l'autorité du Christ, entraîné par le génial coaching de Paul, est un commando de choc, il renverse toutes perspectives, il prend à contre pied toutes les philosophies antiques du bien être, de notre développement personnel, très new age. "Je ne fais pas le bien que j'aime, mais le mal que je hais". Son message traverse le temps et nous parle d'un royaume dont on se demande s'il est bien de ce monde, alors que de prime abord il veut libérer tous les hommes et que les premiers devront prendre la place des derniers.

Il y aurait beaucoup à retenir de cette enquête très personnalisée de plus de 600 pages sur une si courte histoire dont l'actualité ne cesse de traverser deux millénaires. Carrère est honnête, il ne se cache pas derrière son petit doigt et se demande parfois s'il n'est pas passé à coté de la plaque. Son récit est habile afin de séduire son lecteur, original dans sa forme personnelle, malin par ses télescopages genre Astérix. Néanmoins, autant nous pouvons suivre, dans la limite de nos connaissances et avec intérêt, Luc dans ses pérégrinations méditerranéennes, avec ses prudences d'homme instruit, ses convictions, Paul avec sa fougue, sa rhétorique, ses violences, les prémisses agitées des premières communautés chrétiennes qui vont connaitre des heures tragiques, autant, avec cette mise à jour très personnelle et documentée d'une courte histoire fondatrice, nous avons l'impression du déjà vu, de nous trouver sur un terrain de vieille connaissance, longuement inventorié, labouré, interrogé sans relâche par toutes les recherches anthropologiques, historiques, exégétiques. de révélation nouvelles ... que nenni.
Reste que lorsque on a fermé ce livre nous pouvons nous demander très benoîtement, et après.... quid de cette investigation brillante à la Sherlock Holmes ? Dans cet ouvrage Carrère semble vouloir y régler des comptes personnels, comme s'il cherchait à se demander pour lui même, tout ça pour ça, qu'est ce qui m'a pris d'avoir été un bigot, de croire en la résurrection ? Et de mettre alors le christianisme au banc d'essai d'autres spiritualités croisées, avec le mérite de mettre le doigt où ça fait mal et de convoquer toutes nos connaissances et d'interroger les cultures. Et de se triturer les méninges, de s'amuser parfois, pour finir par reconnaître qu'il peut bien se passer de dieu, sans pour cela pouvoir faire l'impasse sur un catéchisme de l'enfance indélébile. Agnostique, il ne croit que ce qu'il voit et comme il ne voit pas grand chose malgré toute sa science, qu'il ne voit pas plus loin que le bout de son nez, il décide alors de sortir le grand jeu, d'écrire son grand livre et de nous faire partager, nous public, toutes ses ruminations qu'il ne finit pas de tricoter.
Respect monsieur Carrère, rendons lui justice pour son talent narratif, à rendre compte d'une affaire sensible et sombre, dont l'exception n'en finit pas de nous intriguer. Respect pour cette enquête érudite dont il nous fait partager les doutes. Reste que le propre d'un livre de grande hauteur et de laisser une trace suffisante pour que nous puissions un jour ou l'autre vouloir le retrouver. Ainsi nous nous sommes laissés envahir par la critique, les éloges de la presse, avons auditionné nombre interviews, lu nombre commentaires, nous avons été pris en otages par une pub effervescente, et nous en sommes finalement revenu de ce livre une fois fini et fermé, notre curiosité désormais satisfaite et sans retour.
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Les thèmes choisis par Emmanuel Carrère dans ses livres sont parmi les plus forts et les moins faciles. J'ai maintes fois ici fait référence à "D'autres Vies que la Mienne", parce que c'était réellement la première fois que je trouvais écrits noir sur blanc les mots justes et bruts pour évoquer la mort en ce qu'elle a de plus injuste et dégueulasse, faisant écho évidemment à une expérience personnelle.

Cette fois encore le sujet me parle, du moins la façon dont il est abordé : la foi. Je me suis posé les mêmes questions que l'auteur aborde au début du livre, exprimées de la façon la plus simple possible. Il me semble que chacun abordera le livre de façon différente, en fonction de ses croyances - et c'est là que ça devient difficile d'exprimer un avis sans dévoiler un peu de ses convictions personnelles, mais essayons tout de même, car même si je ne tiens rien secret (j'appartiens à "l'immense et malheureuse foule des incroyants" évoquée par Simone Weil), il faut tout de même tenter de rester objectif/ve. Carrère s'est converti, et a pratiqué intensément pendant quelques années, ce qui lui donne une légitimité particulière pour s'interroger ("pour écrire l'histoire d'une religion le mieux est d'y avoir cru et de ne plus y croire") et raconter à sa façon les Evangiles de Paul et de Luc... et essayer de comprendre, de faire la part du plausible et du reste "en essayant de savoir ce qui a pu réellement, historiquement se passer", comme il le ferait d'une enquête policière, choisissant, comme Renan qu'il cite abondamment, de se faire historien.

Là où je me suis perdue, c'est que ma culture religieuse est vraiment limitée - j'ai bien essayé de me pencher dessus à la façon d'une oeuvre littéraire, mais guère plus - et qu'en dehors des grandes lignes de l'histoire du christianisme je n'en sais pas plus. Or l'ouvrage est d'une densité incroyable, d'une précision et d'une érudition effrayante - et aussi décomplexante puisqu'elle cherche à mettre les textes sacrés à portée de tous - le Christianisme pour les nuls, la Bible expliquée avec le vocabulaire d'aujourd'hui. Je me suis accrochée, mais j'ai fini par survoler pas mal de passages.

Ca ne m'empêche pas de penser que c'est un livre brillantissime, passionnant et exigeant, qui requiert du temps et de l'attention, sans jamais perdre sa dimension humaine : comme dans le précèdent, il y mêle des élèments de son histoire personnelle, s'y égratigne au passage, faisant acte de narcissime tout en le reconnaissant et en s'en repentant.
Rien n'est pourtant plus modeste que la conclusion du livre, à elle seule un fantastique résumé - mais pour la connaître il te faudra d'abord lire près de 600 pages.
Lien : http://anyuka.canalblog.com/..
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Oufti !!! J'ai dû m'accrocher mais j'y suis arrivée … car il faut bien avouer que ce fut une épreuve que de terminer cette somme somme toute assommante … pour en sortir avec l'impression agaçante de ne pas en retirer grand-chose.

L'auteur se propose de percer le mystère de nos contemporains qui croient à la résurrection du Christ, c'est-à-dire à l'incroyable, plus de 20 siècles après l'événement et en dépit des progrès et de la suprématie de la raison dans notre quotidien. Eh bien, je dis objectif raté. Car c'est surtout une longue diarrhée de détails historiques, d'inventions pour combler les blancs (au moins l'auteur a l'honnêteté de le reconnaitre) et de digressions en tout genre. Avec, une fois le livre refermé, l'impression d'avoir assisté à un long déballage sans queue ni tête d'un auteur – certes cultivé – qui aime s'écouter parler et montrer qu'il sait. Il sait beaucoup de chose, certes, mais on passe à côté de l'essentiel, car on n'est toujours pas plus avancé sur les raisons des croyants tant dans le domaine psychique ou philosophique (mais y a-t-il seulement des raisons dans ce domaine ? peut-on vraiment « expliquer » cela ?) que dans le domaine historique.

Et puis au cours du livre, on apprend que non en fait l'objectif de Carrère est d'enquêter sur Luc et son évangile : en tant que romancier, Carrère veut en quelque sorte comprendre comment l'auteur s'y est pris, la raison d'un tel succès (c'est vrai qu'en terme de best-seller et meilleur vente sur les deux derniers millénaires difficile de faire mieux que la Bible, le Coran, les Evangiles … Cela a dû/doit sûrement laisser rêveur des générations entières d'éditeurs et d'écrivaillons). Oui, bof, là aussi je n'y trouve pas mon compte …

Je préfère retourner à mes auteurs plus « classiques », plus discrets et beaucoup plus intéressants et enrichissants selon moi ….
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Sur les pas de St-Paul et de St-Luc, au coeur des premières communautés chrétiennes, Emmanuel Carrère enquête sur les origines de la foi chrétienne et dissèque les Ecritures : entre exégèse et essai historique, voici une somme, merveilleusement écrite, souvent drôle et passionnante qui ne peut laisser indifférent.
Bien sur, on peut reprocher à l'auteur ses fréquentes digressions, à moi elles m'ont permis d'assimiler plus aisément ces 600 et quelques pages qui de fait, se lisent comme un roman !
En dehors de 5 pages, totalement superflues sur la pornographie sur internet, on ne peut qu'être ébranlé par cet essai très fouillé, provocateur, intelligent et sincère qui s'interroge sur ce qui fonde notre civilisation et se termine par un énigmatique… « Je ne sais pas. » J'ai adoré.
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Avec des "si" on ne met pas seulement Paris en bouteille, on peut donner dans l'uchronie. Cette pratique consiste à refaire l'histoire sur la base de variantes hypothétiques. Elle est aussi appelée, moins pompeusement, histoire alternative.
Aussi, sur ce registre et dans le sujet qui fonde son ouvrage, le Royaume, Emmanuel Carrère peut-il extrapoler : si Jésus n'avait été mis en croix dans sa trente-troisième année, mais était parti de sa belle mort, le grand âge venu, le christianisme aurait-il vu le jour ? Hypothèse pour une histoire alternative du christianisme qui celle-ci tournerait court.

Si le christianisme est devenu ce qu'il est aujourd'hui, vingt siècles plus tard, c'est bien aux apôtres et disciples de Jésus qu'on le doit, parmi lesquels Paul et Luc qu'Emmanuel Carrère à choisis pour centrer le sujet de ce qu'il qualifie d'enquête sur la naissance du christianisme.

Cet ouvrage était fait pour moi. Il l'a été et le sera pour d'autres encore à n'en pas douter, mais pour ce qui me concerne, je me le suis approprié avec le plus vif intérêt. Même s'il est tellement fouillé et documenté que le souci du détail finit par provoquer quelques longueurs et redites. Mais peut-on reprocher à un auteur de vouloir aller au fond des choses dans son argumentation ?
Dans la formulation d'hypothèses aussi. Car, comme le dit Emmanuel Carrère, les certitudes que l'on a de cette époque sont, par la force du temps mais pas seulement, nécessairement clairsemées. De grands blancs ont ainsi laissé le champ libre à l'imagination de qui aura voulu faire valoir sa propre conviction. Conviction qui sera le plus souvent travestie en vérité. Mais vérité n'est pas exactitude. Ce n'est pas Marguerite Yourcenar qui le démentira.

Une religion, fût-elle l'une des trois qualifiée, sans doute abusivement, de religion du Livre, n'est jamais qu'une secte qui a réussi. L'audience de l'une ou l'autre, reposant sur la croyance qu'elle parvient à ancrer dans l'esprit de ses adeptes, est à mettre au crédit de ses prêcheurs, de leur charisme, de leur force de persuasion. L'enquête d'Emmanuel Carrère cherche à décortiquer ce mécanisme qui a fait le succès du christianisme. Ce processus qui fait qu'un gourou devient Dieu sur terre.

La démarche est d'autant plus intéressante, nous confie-t-il dans la première partie de son ouvrage, qu'agnostique au moment où il l'écrit, il avait été gagné par la foi quinze ans plus tôt. Elle avait envahi son esprit comme la maladie le corps, par contagion. Devenu sceptique depuis, il a pu s'autoriser une confrontation de la vision des choses. L'approche métaphysique versus l'approche historique, réputée plus objective, quoi que... Il avoue même, dans quelques entretiens de promotion de son ouvrage, avoir pris dans sa posture rationaliste des positions de nature à choquer le croyant qu'il avait été. Et donc ceux qui le sont aujourd'hui. Ces derniers pourront l'être d'ailleurs à la seule vulgarité des styles et vocabulaires de certains passages. Et plus surement encore à la relation des prédilections sexuelles de leur auteur. L'effet était recherché. Pour être du domaine du mystique, la religion n'en est pas moins affaire d'hommes. Pour preuve, les glorieux temps, sans doute bénis, de l'apogée du christianisme, au cours desquels, fort de leur monopole, les plus hauts dignitaires de l'Eglise qu'il faut alors écrire avec une majuscule, n'ont pas été les derniers à amasser de grandes richesses bien terrestres celles-là et se vautrer dans d'autres voluptés tout aussi dénuées de spiritualité, tout en prêchant pauvreté et abstinence. Les Cathares en leur temps qui avaient bien perçu l'écueil ont très vite été disqualifiés, affublés d'hérésie et éradiqués. Dans la paix du Seigneur bien entendu.

Emmanuel Carrère a réalisé un travail énorme pour venir à bout de son ouvrage. En partant d'ailleurs d'une vingtaine de cahiers de notes qu'il avait remplis du temps de sa phase mystique. Le célèbre historien Paul Veyne, plusieurs fois cités dans l'ouvrage, a été le premier à le reconnaître. L'auteur du Royaume essaie de faire la part des choses entre le reconnu historiquement par tous et les interprétations des mêmes, comblant ainsi les vides chacun à sa façon, selon sa conviction. Le résultat étant que ce que "l'un affirme, certains le trouvent lumineux, et lorsque d'autres affirment le contraire, certains autres le trouvent tout aussi lumineux."

L'ouvrage s'organise en trois parties. La première autobiographique, la seconde consacrée à l'apôtre Paul, dont les lettres révèlent une fulgurance, un vrai talent d'écrivain, la troisième centrée sur Luc, médecin grec, non juif, compagnon de Paul et l'un des quatre évangélistes. En rédigeant Les Actes, il est devenu chroniqueur de ce temps. Ses écrits nous content l'histoire de ce groupe de fidèles de la première heure. Mais, les témoins directs disparus, l'histoire de la vie de Jésus s'est aussi et surtout colportée de bouche à oreille, en prenant au fil des siècles cette distance avec la réalité qui a renforcé son aura mystique et fait certitude de ce qui avait pu être inventé par les prêcheurs de tout acabit. Pas toujours au bénéfice de la vérité vraie, loin s'en faut.

Dans notre culture chrétienne, ce terme de secte affecte une connotation de marginalisation. Pourtant, nous dit Emmanuel Carrère, adopter le dogme d'une secte est plus noble que de persister dans celui de la religion qui nous accueilli le jour de notre naissance. Choisir est toujours plus noble que se laisser dicter sa conduite.

L'essentiel est de croire. C'est à partir de là que tout commence, ou selon, tourne court.

Très bel ouvrage qui nous est soumis dans un style moderne dénué des béatitudes et précautions qui auréolent habituellement les thèmes religieux. C'est ouvrage était vraiment fait pour moi.
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Une belle découverte en livre lu !

Ce n'est pas un roman, mais une sorte d'étude historique sur la vie d'évangélistes - tant sur les faits que sur leurs motivations, leurs relations, leurs philosophies. Plus qu'un exposé de résultats, c'est beaucoup un exposé de cheminement, avec une attention toute particulière aux indices laissés par la trace écrite et aux différentes conséquences possibles - tant avérées que spéculées.

Le ton est savant mais néanmoins divertissant. La pédanterie de l'auteur - assumée, pour une fois - exsude de partout, ce qui d'habitude m'agace. Mais là, ça fonctionne, peut-être par son côté assumé et par la manière dont je l'ai reçu - écouté plutôt que lu. Bon, la scène de porno complètement gratuite juste pour prouver que l'auteur assume et de ce fait se place au dessus des autres est un peu too-much quand même. De même que l'introduction sur son parcours spirituel personnel est un peu longuette et grandiloquente.

J'ai été plus que ravie par la version audio : c'est très bien lu par l'auteur, avec un ton plus naturel que théâtral. C'est bien écrit, et d'une manière qui s'apprécie à l'oral, même quand on réécoute un passage pour retrouver le point où l'on s'est arrêté. Et surtout, c'est finalement un peu un amalgame d'anecdotes, donc on a moins besoin de suivre le fil que pour beaucoup de roman, une "session" d'écoute isolée a un intérêt. Le tout est fluide, presque comme une conversation avec un ami qu'on aime écouter parler (et qui aime s'écouter parler aussi).
J'écoute surtout des livres lus pour me détendre et m'endormir, ce qui ne fonctionne qu'avec des choses qui m'intéressent. Là, c'était parfait.

Côté religieux, je suis a priori assez inculte, et j'ai par moment loupé des références ou été un peu perdue sans que cela ne m'ai jamais fait perdre le fil. C'est un livre dont on peut apprécier le fond et la forme sans absolument tout comprendre. Moi qui n'en ai pas l'expérience personnelle, j'ai apprécié d'y entendre parler de spiritualité et de quelques exemples de ce que l'on peut mettre derrière, avec une manie de tout décortiquer et expliquer rationnellement - ou en tout cas humainement - qui me parle.

Pour moi qui aime le côté documentaire, les enquêtes, les belles voix graves, la psychologie de comptoir et qui suit curieuse de la manière de penser des autres (religieux antique et actuels comme du riche parisien mégalo) j'ai adoré ce livre lu.
Lien : http://lemoulinacritiques.bl..
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L'"intelligent", le "riche", l'"homme d'en haut" qui "encombré de ce qu'il est" ("autant de handicaps pour entrer dans le Royaume") nous invite à le suivre dans ce récit, aboutissement d'une crise personnelle, et d'un travail "d'enquêteur" dont on ne peut qu'apprécier l'honnêteté scrupuleuse devant les Ecritures et L Histoire.
Le "je" omniprésent revendiqué par l'auteur nous le rend compagnon de notre lecture. Il est tour à tour émouvant, lucide, en doute, prudent, d'une mise à nu parfois dérangeante tant l'homme livre son moi intime le plus profond.
Peu importe, on le suit, croyant ou pas, au fait des paroles de Paul, Luc, Jean, Marc et les autres ou non, parce que tout simplement on découvre, on apprend, on s'étonne, on s'arrête, on suspend sa pensée, on s'émeut, on se révolte, on rejette, on relève l'incongruité de certains paroles et de certains actes.
Un tel livre raconte et nous raconte : nous, en tant qu'individu, nous, en tant qu'histoire des hommes, histoire commencée il y a plus de deux mille ans.
Selon notre sensibilité, selon le mode d'éducation religieuse reçu ou pas, selon nos connaissances sur le sujet, chacun trouvera matière et c'est en cela que le récit est riche.
Raccrochant l'histoire passée à la modernité, par des comparaisons, l'auteur met en exergue la similitude des faits.
La cassure de langage qu'il pratique en introduisant des termes crus ou contemporains "à la mode" peut déplaire mais elle est aussi là pour appuyer cette constance qu'ont les hommes à se répéter dans les choses, parfois les plus viles.
L'important n'est pas là, il est essentiellement dans la quête personnelle de l'auteur qui donne ce résultat : une histoire connue, mal connue, inconnue qui se révèle un peu à travers les lacis de la contradiction, de l'espoir, de la sempiternelle interrogation humaine face à ce mystère primitif qui donna lieu à des siècles obscurs, à une église actuelle en mal d'être, à son chef salué.
Et à ces doutes qui assaillent celui qui connut un semblant de foi absolue : Emmanuel Carrère qui "ne sait toujours pas".
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C'est peu dire que c'est un roman casse-gueule: la naissance du christianisme, rien moins, revisité dans le cadre de l'auto-fiction. Soit le subjectivisme le plus échevelé pour entrer au coeur de la matrice d'un religion qui étend son influence sur plus d'un milliard de personnes. Nouveau miracle évangélique: la mayonnaise prend. On se passionne autant à suivre les pérégrinations des Apôtres qu'à suivre l'auteur dans le labyrinthe de son théâtre intérieur. Carrère est un sismographe brillant du rapport que nous entretenons aujourd'hui avec cette matrice: mélange indémêlable de fascination/répulsion, vécu souvent avec agressivité parce qu'on devine qu'on en demeure prisonnier. Carrère violente son sujet d'enquête - le christianisme qui vit justement d'être sans fin une pierre d'achoppement, le lieu d'une controverse inapaisable. L'auteur le sait si bien qu'il laisse sentir dans son épilogue l'impossibilité de se frotter au Christ sans en subir l'empreinte indélébile.
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J'ai tout lu, car je voulais savoir !
Trop de pages pour du néant !
J'ai détester !
Une histoire d'un christianisme, basé sur sa petite personne à lui personnellement qu'il a, et, qu'il aime, heu, non voir qu'il aime se détester. C'est un selfie de lui-même devant une croix kitch.

Pendant trois ans, le monsieur a consommé de la FOI au kg, et puis maintenant, il est lassé, il s'ennuie le bonhomme, il doit consommer autre chose. Tien peut-être du végan ?

Je l'ai lu il y a deux ans, je viens de la vendre 50 centimes a un vide grenier !

Et là, je viens de terminer l'affaire Jésus d'Henri Guillemin, voilà quelque chose qui vaut vraiment le temps de la lecture sur un autre Jésus, et cela en moins de 200 pages.
Lien : https://tsuvadra.blog/2020/0..
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Il y a peu je me plaignais des remarques que je trouvais autocentrées de Binet dans son livre HHHH.
Me voilà bien marri devant cet ouvrage où l'auteur comme à son habitude mêle ses connaissances de la naissance du christianisme et ses remarques autobiographiques, parfois très « télé-réalité », souvent intimes, y mêlant également son entourage.
Autant Binet m'horripilait, autant j'ai apprécié l'essentiel des remarques de Carrère, alors qu'elles prennent une part bien plus importantes dans son oeuvre que dans le livre de Binet.
Probablement parce que Carrère sait le faire, qu'il me parait très sympathique et surtout que ses questionnements enrichissent considérablement le livre, tant sur le plan didactique que sur l'agrément de lecture.

Ses connaissances fondées sur une Foi passée mais intense sont formidables et son point de vue d'athée qu'il est devenu est enthousiasmant de distanciation de sensibilité et surtout d'honnêteté intellectuelle.
C'est un livre qui soutient l'athéisme avec élégance, sans agressivité, un livre qui éclaire sans cliver.

Au Masque et la Plume ils avaient été très déçus qu'il ne fasse pas partie de la sélection finale des candidats au Goncourt. Je souscris pleinement.

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