Parti à la recherche des travaux plus anciens de
Christine Castelain Meunier, dans l'espoir d'y trouver moins de vulgarisation (plus de solidité ?) et également plus de recul vis-à-vis de ma problématique de
la paternité instituée, je continue de n'être que partiellement satisfait ; particulièrement par cet essai qui, en 2005, anticipe sur la question de « l'homme nouveau ».
L'incipit est convainquant et prometteur : la distinction de genre s'est atténuée par l'obsolescence de la force physique dans la production et par celle des rôles traditionnels dans la reproduction (quasi-monopole féminin dans la contraception et nouvelles technologies de PMA). Néanmoins, l'économie de l'homme neuronal est en passe de créer de nouvelles formes de dominations de genre alors que les représentations traditionnelles des genres, notamment au niveau culturel (cinéma, religion, etc.), perpétuent les formes anciennes. de surcroît, les transformations identitaires attendues des hommes, y compris par le féminisme et son aspiration à l'égalité, peuvent provoquer une réaction de rejet, de repli, et un surcroît de violence sexiste chez ceux dont l'identité est fragilisée par un cumul d'autres handicaps sociaux (chômage, discriminations, précarité, etc.), ce qui conduit à une dialectique entre progrès et réaction (lire : « masculinité défensive »).
Du côté des transformations, sont abordés successivement celles qui concernent le corps, l'habillement, l'importance nouvelle de la « plastique identitaire » et la fluidité des « frontières privé/public », puis le surgissement des « nouveaux hédonistes » dans la société de consommation.
Ensuite, un très long chap. IV est consacré à la sexualité et il s'organise contrastivement entre une partie relative aux « jeunes hommes de la deuxième génération, trente ans après le féminisme », qui représentent la masculinité nouvelle, et une seconde relative aux « hommes de la première génération du féminisme », qui incarnent les tentatives, plus ou moins abouties, d'assumer une première métamorphose de la masculinité et de préparer celle de l'avenir. le problème de ce chap., à part une surabondance de verbatim sur des thèmes de la sexualité dont la spécificité devient fastidieuse, presque voyeuriste, c'est qu'il est issu de deux corpus d'enquête sociologique très différents, datant pour l'un de 2005 et pour l'autre de 1985, avec deux méthodologies différentes, lesquels comportent une confusion entre les générations et les cohortes : en effet la première partie, récente, a pour objet des hommes dans la vingtaine, alors que l'ancienne est fondée sur des réponses d'hommes dans la quarantaine, ayant été jeunes adultes autour de Mai 68. Si le contraste est d'autant plus marquant (à toutes fins pratiques il est question d'un écart de deux générations), comme requis pour distinguer un « jadis » et d'un « à présent », il est pratiquement impossible de comprendre si la cause du contraste réside davantage dans le passage du temps ou dans l'avancement de l'âge, ce qui, de toute évidence, n'est pas anodin lorsqu'il est question de sexualité...
Un tel défaut méthodologique s'ajoute à deux autres circonstances qui m'ont repoussé également : subrepticement, sans aucune référence ni précision de la nature de l'éventuelle corrélation dont l'autrice émet l'hypothèse, la masculinité violente, défensive, est mise en relation d'abord avec les hommes musulmans, puis carrément avec l'islam, avec un sous-entendu de paternalisme envers le « cumul de handicaps » des représentants masculins des classes populaires – et ce en contradiction avec une seule petite référence à Ignatio Ramonet qui mettait déjà en garde sur la nature inter-classe et naturellement interculturelle des violences conjugales (un sujet abondamment et profondément connu désormais) ; la pornographie, dont la prégnance est soulignée dans la sexualité de « l'homme nouveau » (sans précision d'âge) est aussi inculpée comme pourvoyeuse de modèles de relations sexuelles de domination masculine et d'aliénation féminine, par ailleurs totalement contradictoires avec le corps de l'argumentation de l'autrice sur la métamorphose de la sexualité (une dénonciation encore très stéréotypée de la pornographie qui dénote que l'étude a vieilli alors que les 'porn studies' sont désormais un peu plus développées, bien qu'encore très confidentielles). Ces deux dérives, typiques des lieux communs réactionnaires – et carrément racistes pour le premier où une religion est désignée arbitrairement sans se pencher sur d'autres... - me paraissent franchement indignes de la démarche sociologique.
Heureusement, il y a encore quelque matière à réflexion à retirer du chap. V, qui a trait à
la paternité. Là, l'autrice elle-même dans ses études postérieures, ainsi que d'autres publications produites durant ces deux dernières décennies, ont apporté des contributions significatives sur le thème d'une paternité comme institution non pas en déclin mais en reconstruction. Il faut lui reconnaître le mérite d'avoir anticipé les dimensions de cette reconstruction ainsi que d'avoir introduit les notions d'« autonomie masculine » et d'« autorité négociée ».
Enfin, j'ai apprécié le constat que les représentations de la masculinité et de la féminité, qui naturellement traînent le pas sur les métamorphoses des phénomènes et des contextes, génèrent, dans toute leur ambivalence, des situations paradoxales qui apparaissent très fréquemment au sujet des relations entre les sexes et en particulier des violences domestiques.