AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,01

sur 197 notes
5
24 avis
4
18 avis
3
3 avis
2
3 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Il y a quelques temps déjà je quittais les Grandes plaines, ces terres rebelles colonisées dès la seconde moitié du 19ème siècle par les pionniers européens venus par trains entiers s'installer dans le Middle West. Ils ont du louer à n'en pas douter les immigrants ukrainiens, des Mennomites, qui introduirent à cette époque une variété de blé d'hiver résistant au froid … car au-delà du centième méridien ou à ses approches les terres de l'espérance avaient aussi un goût d'enfer .

Mais aujourd'hui encore je reste ancrée sur ces terres du Nébraska avec Mon Antonia de Willa Cather. Je ne peux oublier la vision de ces plaines infinies, ondoyantes et rougeoyantes, âpres et vierges que l'auteure a su peindre, des tableaux magnifiant les grands espaces aux immenses prairies couvertes d'herbes rouges parfois zébrées de traînées jaunes, les tournesols semés sur leur passage par les Mormons mais où indiens et bisons ne sont déjà plus qu'un souvenir.
Mon Antonia, une histoire d'amitié, d'amour inconditionnel mais aussi l'histoire d'un pan de la colonisation de l'Amérique, un hommage aux pionniers, à ces fermiers des Grandes Plaines, à leur labeur, leur solidarité et leur capacité d'adaptation.

Oui, j'ai aimé cette rencontre ou plutôt ces rencontres.
Rencontre avec Jim Burden, le narrateur, orphelin, à peine âgé de 10 ans, venu de Virginie rejoindre la ferme de ses grands parents proche de Black Hawk, bourgade du Nébraska. Découvrir à travers son regard ce Nouveau Monde dur et vide en compagnie de sa grande amie, Antonia Shimerda ou Tony, la jeune fille de Bohême, fille d'immigrés tchèques, de quatre ans son aînée, comme lui en exil. Epier leurs escapades automnales pour explorer un terrain de jeu inconnu, sans limites, en observant minutieusement leur nouvel environnement. Et bien sûr suivre le destin de cette jeune femme solaire au mental d'acier malgré les nombreuses turpitudes de la vie.

Rencontre avec les différentes communautés d'immigrants européens, Allemands, Scandinaves, Français, Russes, Tchèques qui devaient surmonter la barrière linguistique, en découvrant leur quotidien, des conditions de vie souvent rudimentaires au début de leur installation, leur acharnement à vaincre les épreuves quelles soient météorologiques (blizzard, canicule, tornade) ou économiques (endettement) et leurs efforts parfois transformés en exploit.
J'ai aimé partager la vie des amies d'Antonia, ces autres jeunes femmes volontaires, indépendantes, aux caractères bien trempés et aux trajectoires différentes, gravitant autour de notre héroïne, qui se sont affranchies des codes d'une société étriquée. Des portraits très réalistes.

Et pour finir rencontre avec une auteure, Willa Cather, admiratrice de l'un de ses contemporains, Gustave Flaubert, qui avec son écriture m' a réellement enveloppée d'ondes bienveillantes et réconfortantes à travers des vagues successives d'émotions et de sensations en sublimant entre autre la communion de deux âmes devant un paysage à couper le souffle.

Ecrit en 1918, Mon Antonia est une oeuvre avec une facette nature writing, un classique de la littérature américaine mais pour moi une vraie découverte. Née en 1873 en Virginie dans une famille de fermiers, Willa Cather, est partie elle-même enfant vers les Grandes Plaines du Nébraska pour Red Cloud. Une oeuvre donc gorgée de sa propre expérience et enrichie par les nombreux souvenirs et les histoires de son entourage. Dans l'introduction de Mon Antonia, l'auteure déclare s'être inspirée des confidences de James Burden, un ami d'enfance, qui notait sur un carnet toutes les réminescences de cette époque là, instants partagés avec Tony, son Antonia.

Marie-Claude Perrin-Chenour qui la qualifie d'écrivaine de la Frontière dit à propos de son style que « D'une certaine façon, c'est Mark Twain écrivant comme Henry James ».
Willa Cather a obtenu le Prix Pulitzer en 1923.

Un roman féminin et dans un sens féministe mais un roman aussi spirituel et poétique.
Un coup de coeur inattendue. Une belle surprise

Adapté au cinéma en 1995 par Joseph Sargent j'aurai bien imaginé pour ma part une version de Mon Antonia par Terrence Malick. Il est toujours bon de rêver...
Commenter  J’apprécie          12731
Antonia est une héroïne magnifiée dans ce splendide roman que les mots de Willa Cather mettent dans la narration réalisée par un autre héros du livre, Jim. L'histoire s'étend sur plus d'une trentaine d'années, débutant dans l'enfance et l'adolescence des deux protagonistes jusqu'à leur quarantaine.

C'est la première partie qui est la plus développée avec l'arrivée des deux jeunes dans le Nebraska : Antonia immigrée tchèque avec sa famille, Jim jeune orphelin venant vivre chez ses grands-parents.

Dès le début, le lecteur est saisi par leurs personnalités. Est-ce celle de Jim qui s'affirme le plus? Pour certains, peut-être car c'est bien lui seul qui raconte cette immense tranche de vie en la peuplant de ses analyses, sentiments, rêves, illusions, rencontres diverses. Mais, c'est lui aussi, en présentant Antonia, en la décrivant depuis l'enfance jusqu'à l'âge mûr, en faisant référence à sa présence indispensable pour lui, même lorsqu'ils éloignés l'un de l'autre, quelquefois pour des années, en l'admirant, en l'aimant finalement, les deux se réunissant dans une amitié indissoluble qui lie leurs parcours respectifs, c'est lui qui lui confère son titre d'héroïne de ce très beau roman.

Les saisons et les années s'écoulent, Willa Cather les observant par les yeux de Jim et traduisant dans une écriture poétique toutes les beautés de la nature au fil du temps. L'hiver pèse lourd pour les jeunes héros, ils attendent un printemps tellement long à venir qu'ils ne manquent pas d'admirer les beautés et douleurs hivernales, à travers la campagne figée du Nebraska, les ornières gelées, les lacs engloutis sous la neige s'accumulant sur l'épaisseur de la glace qui les enserre. Mais, dès le printemps, ce sont les milliers de fleurs explosant dans la nature qui sont déployées dans le roman, ajoutant encore à toute sa dimension poétique tant les descriptions sont soignées et parfaitement évocatrice de l'environnement des deux jeunes. L'été et l'automne, saisons des fruits, des récoltes, du maïs cultivé en tant que nourriture essentielle pour hommes et bêtes, développent encore la richesse de l'écriture de Willa Cather.

D'autres jeunes filles apportent les aspects de leurs personnalités au roman, particulièrement Lena, la frivole lucide, devenue riche, dont Jim développe longuement les traits, partage avec elle une intimité diffuse, la présence ou l'absence d'Antonia demeurant au coeur de toutes leurs relations.

Et puis, il y a les plus anciens qui ne sont pas des figurants, qu'il s'agisse des parents d'Antonia ou des grands-parents de Jim. Les deux figures de proue sont le père d'Antonia, immigré malgré lui dans un pays où sa femme croyait trouver la fortune, le dépossédant de ses racines tchèques. Il est l'homme bon, celui qu'Antonia aima par-dessus tout, qui ne sera jamais oublié, et que Jim reconnaît aussi comme le père par excellence, l'homme honnête qui sait distinguer le bien du mal. La grand-mère de Jim est une grande dame, généreuse, capable de se déposséder de certains biens pour les donner aux plus pauvres, la famille d'Antonia en l'occurence, même si la mère, elle, ne cherche que profit et dissension.

"Mon Antonia", c'est le cri d'adieu du père à sa fille aînée, c'est aussi celui de Jim qui reconnaît en elle, dès l'enfance, la femme à aimer, à préserver et il l'aide de son mieux dans les difficultés si nombreuses qu'elle rencontre dans sa jeunesse.

La relation de Jim et d'Antonia est une vraie relation d'amitié et d'amour au sens le plus noble du terme, d'admiration réciproque, de besoin de se retrouver, de partager leurs univers et, en ce sens, les dernières pages du roman sont vraiment magnifiques et doivent se savourer lentement car elles reflètent l'essence de la relation de Jim et d'Antonia, cette possession du passé qui les unit pour toujours.
Commenter  J’apprécie          760
"Mon Antonia" c'est Antonia racontée par Jim, son meilleur ami, puis son amoureux. Antonia, c'est la conquête de l'Ouest, le temps des pionniers, ces Européens venus s'installer dans la Prairie pour la défricher, la cultiver, en vivre, voire peut-être s'en enrichir. Des temps durs, faits de souffrance, de désillusions mais aussi de joies simples.
Antonia a une petite dizaine d'années quand elle quitte la Bohème. Jim est un peu plus jeune, et quitte le Mississippi pour rejoindre ses grands-parents à la mort de ses parents.
.
Une histoire d'amitié entre deux feux-follets adorables avec découverte de la nature environnante, des animaux qui la peuplent.
Une histoire qui se mue en histoire d'amour quand Jim observe Antonia de loin.
La vie à la campagne, puis la vie dans la petite ville. Un monde les sépare, une hiérarchie se fait entre habitants. Et le regard des autres, déjà, toujours.... Surtout quand il s'agit de surveiller les jeunes filles.
.
Une autrice dont je n'avais jamais entendu parler, que je découvre grâce au challenge solidaire. Une mine ce challenge solidaire : une bonne oeuvre pour une association, des découvertes littéraires pour les participant(e)s. Moi clairement j'ai fait un beau voyage dans le temps, dans une nature sauvage qui n'existe plus, aux côtés de Jim et surtout d'Antonia.
Commenter  J’apprécie          499
Dans la fournaise d'un été, un train traversant les plaines de l'Iowa abritait la rencontre de Willa Cather avec Jim Burden, un ami d'enfance. Leur conversation s'arrêtait autour d'une fille qu'ils avaient connue tous deux. Elle venait de Bohême. Jim avait avoué noter depuis quelques temps ses souvenirs d'Antonia que Willa Cather était bien curieuse de lire. Elle les a depuis réécrits sous forme de ce récit porté par la voix de Jim et, la curiosité étant contagieuse, il me fallait les découvrir à mon tour.

Bien des années avant, alors orphelin à seulement dix ans, un autre train avait convoyé Jim vers le Nebraska où ses grands-parents pourraient l'aider à grandir. En tête du train, une voiture était dédiée aux immigrants. Parmi eux, une famille tchèque devait également faire halte à Black Hawk et devenir les plus proches voisins de la ferme isolée des grands-parents de Jim.
Un grand champ de maïs, un plus petit terrain planté de sorgho, quelques érables nains et, au-delà de ces terres cultivées, un paysage mouvant sous les ondulations de grandes herbes rouges qui tapissent l'immensité de cette prairie à conquérir. Des chemins se bordent de tournesols hérités d'un passage des Mormons sur ces terres vierges. Voilà le paysage qui va s'offrir aux yeux du garçon.
Les Tchèques, avec leurs trois mots d'anglais, arrivent à la recherche d'une nouvelle vie plus prospère, mais c'est une misérable habitation enfoncée dans le flanc d'une ravine et une concession bien cher payée, demandant beaucoup de sueur pour en tirer profit, qui seront les points de départ de leur rêve américain. La famille d'Antonia doit refouler d'aigres désillusions au coeur de cette Amérique sublimée avant le départ. La terre de richesses et d'avenir prometteur laisse plutôt germer la détresse. le père d'Antonia, ancien tisserand et joueur de violon, pas du tout préparé au dur travail de la ferme, aura bien du mal à faire taire son mal du pays.
Mais Antonia, quatorze ans, est bien décidée à mettre toute sa jeunesse, son énergie, sa volonté et sa force à s'épanouir dans cette nouvelle vie et Jim l'y aidera avec l'appui bienfaisant de ses grands-parents. Entre l'apprentissage de l'anglais, les vagabondages dans la prairie, les rencontres avec les autres déracinés venus de Russie, de Norvège, d'Autriche, nos deux jeunes noueront une belle amitié, et même peut-être un peu plus dans le coeur de Jim. Son portrait d'Antonia en fait ressortir son caractère tonique, spontané, passionné, et sa beauté de fille de la campagne, tout à la fois vigoureuse et chaleureuse.

Willa Cather sublime ces prairies perdues dans l'immensité du Nebraska, parlant du vent qui s'amuse dans ces grands espaces, donnant à Jim les bons mots pour nous faire goûter toutes les merveilleuses teintes du premier automne qu'il passât là-bas avec les reflets cuivrés des herbes s'étendant à l'infini. Et lorsque l'hiver fait son entrée, se réchauffant dans la paille et les peaux de bison, Jim arrive tout aussi bien à nous décrire la neige modifiant subitement les prairies devenues aveuglantes de blancheur.
Par de petits chapitres, à la plume simple et chaleureuse, les souvenirs de Jim s'équilibrent harmonieusement entre rencontres humaines et perception de son environnement avec toutes ses variations climatiques, entre la campagne avec son dur travail des champs et la petite ville de Black Hawk.

La chaleur du vieux fourneau qui fournissait la nourriture réconfortante préparée par la grand-mère alors que les hommes rentraient gelés et harassés nous envahit tandis que les coyotes hurlent au loin. L'histoire glaçante de deux Russes qui ne pouvaient plus que fuir leur pays s'écoute, tremblotant, alors que le vent secoue les fenêtres de leur cahute. La veille du premier Noël se vit, en tirant de la malle de cow-boy d'Otto les éclatantes images autrichiennes pour orner le sapin.

Et puis, la vie s'écoule, nos deux jeunes grandissent, l'âge adulte les rattrape et leurs chemins suivent des axes différents. de petites déceptions finissent par être gommées par la grande admiration que Jim vouera toujours pour Son Antonia.
Ce très beau récit déploie délicatement le quotidien que fut celui de Jim sur ces étendues ouvertes des Grandes Plaines. Il a de doux accents nostalgiques, la chaleur des yeux bruns d'Antonia, la beauté de « la matière dont sont faits les paysages » et toute l'affection que des êtres peuvent se porter quels que soient leurs destins.
Commenter  J’apprécie          437

Mon Antonia, oui, "mon" Antonia... Et je gage que ce sera la vôtre, tout autant, si je parviens avec cette critique à vous donner envie de lire ce livre.



Quand nous rencontrons les personnages de ce récit, ils sont dans le même train pour "aller vers une autre vie" : Jim, qui a perdu ses parents, va vivre chez ses grands-parents qui possèdent une ferme au Nebraska et Antonia et sa famille, émigrés Tchèques, rejoignent le même bourg pour y démarrer une nouvelle existence, dans la maison qu'ils ont acquise avant leur départ de Bohême.


Trente ans vont s'écouler au fil des pages, sous la plume de Jim qui se souvient, et c'est leur vie, la vie de tous ceux qui les entourent qui nous est racontée : les joies, les peines, les déconvenues, le désespoir...
le père d'Antonia , joueur de violon, n'avait pas les mains d'un fermier. Personne ne parlait la langue du pays qui les accueille sauf Antonia qui ne sait dire qu'une phrase pour répéter leur destination, la maison n'était pas celle rêvée...

Jim et ses grands parents se lient d'amitié pour ces expatriés, leur venant en aide devant toutes les adversités, se souvenant des premiers temps d'incertitude qui ont été les leurs quand eux-mêmes sont arrivés sur cette terre où tout était à faire.

Et le lien tissé entre ces deux enfants perdurera toute leur vie.




C'est un très beau récit sur la vie des fermiers venus s'installer dans cet état, l'entraide qui était la condition pour rester en vie, l'écoute pour ne pas se sentir seul. Même si les deux employés de la ferme des grands-parents de Jim rêvent de découvrir, pour l'un et de retourner pour l'autre, prospecter ce métal qui peut vous rendre riche, ils sont conscients de la richesse présente, celle des sentiments d'affection que leur prodiguent leurs employeurs qui les traitent comme des membres de la famille.

C'est la présence d'une nature pas toujours clémente, le dur quotidien des êtres qui vivent de leur terre, le travail harassant des champs et aussi le bonheur du plaisir des récoltes, les joies qui naissent du partage de ceux qui ont peu mais donnent tout, des rencontres improbables que permet le monde sauvage...

Tandis que Jim fait des études, Antonia se loue pour travailler : son seul défaut sera de "toujours faire confiance à ceux qu'elle aime", sa vie sera éprouvante mais ce sera une vie de liberté, une vie conforme à ses aspirations, au milieu des saisons qui transfigurent cette terre de campagne qu'elle aime tant...




Je ne veux pas tout vous raconter, le bonheur distillé par ces pages est trop intense, trop bienfaisant. Il faut vous le laisser découvrir et en jouir pleinement.





Une lecture fabuleuse que je regrette presque d'avoir faite parce que la magie de ces pages lues ne sera plus pour moi mais je souhaite qu'elle soit intensément vôtre.
Commenter  J’apprécie          429
J'avais déjà adoré L'un des Nôtres, je récidive avec ce roman reçu grâce à la dernière Masse Critique, donc un grand merci à Babelio et Archipoche.
Ce roman s'inscrit clairement dans la grande tradition de la littérature américaine classique, avec ses paysages lumineux, ses couleurs changeantes au fil des saisons, ses grands espaces encore vierges et naturels. Jim, jeune orphelin originaire de la Virginie, et Antonia, son aînée de quelques années fraîchement émigrée de la Bohême tchèque avec sa famille, débarquent tous les deux le même soir d'un train à destination du Nebraska. Une nouvelle vie commence pour chacun, voisins de quelques kilomètres et très vite très proches. A l'époque, les terrains ne sont pas tracés ni clôturés, les routes parfois à peine tracées, la petite ville la plus proche - Black Hawk, ne date que de quelques dizaines d'années. Tout est à faire, et pour ça on a besoin de bras. Si Jim grandit dans un environnement affectueux et sécurisant auprès de ses grands-parents et de leurs hommes, Antonia et sa famille, eux, se retrouvent à vivre dans une hutte à flanc de coteaux dans une grande misère. Ce roman très naturaliste et chaleureux évoque cette Amérique du Midwest avec une certaine affection mais n'omet pas les difficultés de ces pionniers venus s'installer sur cette terre pauvre, ni les comportements très puritains et moralisateurs de ses citoyens, protestants scandinaves pour la plupart. Nul doute qu'Antonia et sa famille dénotent dans cet environnement.
Encore une fois, j'ai goûté à l'écriture lumineuse de Willa Cather avec un grand bonheur, devinant en elle une belle ouverture d'esprit et de l'amour pour les siens. J'ai bien sûr adoré le personnage d'Antonia, belle fille vivace et courageuse que Jim admirera toute sa vie, tout comme elle.
Des lectures comme ça, j'en rêve.
Commenter  J’apprécie          284
Mon Antonia est un chef d'oeuvre car c'est un mirage littéraire. Sous couvert de dépeindre l'ouest américain aux balbutiements de son peuplement, au travers de deux enfants aux origines contraires et aux parcours mêlés (Jim Burden et Antonia Shimerda), Willa Cather dessine en filigrane une figure de la mémoire comme puissance créatrice ultime et de la littérature comme antidote au passage du temps. En même temps que Proust, elle fait du souvenir et de l'expérience subjective le sujet moderne par excellence, mais par le biais d'un récit beaucoup plus concis et intime.

La narration est d'une virtuosité totale : l'auteure semble s'être absentée et avoir confié à Jim, le personnage par lequel l'histoire nous est contée, les clefs d'un récit qui oscille entre la candeur enfantine des premières sensations lors de son arrivée au Nebraska et le regard distancié de l'adulte qu'il est au moment où il rédige le manuscrit que nous parcourons ("son" Antonia). La langue paraît simple, agencée avec beaucoup de naturel, et témoigne pourtant d'un souci poétique permanent, rythmé de figures de style d'autant plus efficaces de beauté qu'elles sont d'une discrétion confondante.

L'Antonia de Jim, fille d'immigrés tchèques, avec laquelle il entretient tout du long une relation ambiguë, prend vie sous nos yeux à la moindre de ses apparitions, lesquelles s'additionnent comme de petites photos dans un album composite où les nombreux personnages secondaires dressent un ouest truculent et coloré, à la fois toile de fond et sujet même du roman. Les sensations et l'expérience humaine font l'objet d'un traitement d'une grande finesse, à mi-chemin entre l'intensité et la fragilité, le plaisir de la découverte et la conscience de la perte promise qu'elles engendrent.

Les dernières pages de Mon Antonia sont un soleil couchant pour soi tout seul, un repli doux et paisible vers l'intime, comme une plume qui tombe au sol : la précision, le lyrisme sage des dernières images qui en bien des mains auraient cédé à un mélodramatisme dégoulinant, touchent au sublime et font de ce court roman l'un des plus beaux qu'il m'ait été donné de lire.
Commenter  J’apprécie          202
Pour Noël, il y a bien longtemps, ma tante m'a offert les 8 tomes de la série "La petite maison dans la prairie" de Laura Ingalls Wilder. Bien loin de la niaiserie qu'en a fait la télévision, c'était un témoignage formidable sur la vie des pionniers à la fin du XIXe siècle. Étonnamment, le souvenir le plus persistant que j'en ai, c'est l'image des Grandes plaines à travers les yeux de l'enfant qu'était Laura. Chez Willa Cather, j'ai retrouvé les Grandes plaines, celles du Nebraska où arrive le jeune narrateur après le décès de ses parents. Jim vient vivre dans la ferme de ses grands-parents et, dans le train qu'il l'emmène à Black Hawk, se trouve une famille de Bohème qui vient d'acheter la ferme voisine, parmi lesquels la jeune Antonia qui va se lier d'amitié avec Jim. Si la famille de Jim est déjà bien installée et vit relativement confortablement (c'est-à-dire qu'ils ont de quoi se nourrir et se vêtir), celle d'Antonia part de zéro. Heureusement, il y a un grand sens de la communauté, du partage et de l'entraide et la famille de Jim volera au secours des Shimerda à plusieurs reprises.
Quelle belle plongée dans l'histoire du peuplement des États-Unis ! Tchèques, Russes, Norvégiens, Suédois arrivent dans ce pays avec quelques sous en poche, juste de quoi acquérir quelques terres et une cabane branlante. de l'herbe rouge à perte de vue, tout est à faire. le froid, la faim, les longues journées de dur labeur, les enfants dépenaillés. Certains y arrivent, d'autres non. Willa Cather rend un bel hommage à cette vague de migrants et surtout aux filles, envoyées à la ville comme bonnes et dont la solde permet à leur famille d'acquérir des bêtes ou de nouvelles terres. Comme elle le souligne, c'est grâce à ces filles, qui bien sûr ne sont pas allées à l'école, que ces colons ont pu s'enrichir et avoir des fermes prospères.
Commenter  J’apprécie          180
J'ai mis bien des années à découvrir Willa Cather et je dois dire que c'est une très belle découverte. Ce roman lumineux débute comme une succession de tableaux. Peintures vives des couleurs du Nebraska : rouge de l'herbe à bisons, jaune des champs de blé et des tournesols, vert des champs de maïs et bleu insolent d'un ciel sous lequel transpirent les fermiers.

Les premières sensations sont celles d'un émerveillement et d'un sentiment de liberté face à la beauté vaste et ondoyante des grandes plaines d'herbes à bison émaillées de champs de maïs et de quelques masures. A cette belle immersion viennent très vite se greffer de l'intérêt pour les personnages, et plus encore, de l'attachement pour Jim le jeune orphelin recueilli par ses grands-parents et pour Antonia, la courageuse adolescente d'une famille d'émigrants tchèques qui ont fui la Bohême pour venir s'installer au Nebraska. Sur ces terres où les colons travaillent durement pour survivre, faisant face aux dettes, aux sécheresses de l'été ou au gel mordant de l'hiver, Jim et Antonia grandissent, développant une amitié parfois mise à mal par leurs différences de statut social.

Puis, trop âgés pour continuer à cultiver leurs champs, les grands-parents de Jim s'installent dans la petite ville de Black Hawk. J'ai presque été déçue de quitter les magnifiques prairies pour rejoindre la ville. Mais si le point de vue se déplace, l'intérêt ne faiblit pas. A Black Hawk, tandis que Jimmy étudie, privilégié par la relative aisance dans laquelle vivent ses grands-parents, Antonia et les autres jeunes filles venues des fermes s'épuisent comme bonnes à tout faire.

Dans ces belles pages qui célèbrent la beauté du Nebraska et rendent hommage au courage des pionniers à travers le magnifique portrait d'Antonia, on ressent beaucoup de nostalgie. Celle de Willa Cather pour son enfance au Nebraska, et surtout le lancinant mal du pays des anciens pour leurs contrées d'origine, quittées à contrecoeur pour cette région d'Amérique libre de barrières, encore un peu sauvage, même si les hommes s'approprient chaque année un peu plus de ces terres. On y lit aussi la nostalgie et les regrets à moitié avoués de Jim pour son Antonia qu'il a abandonnée à un autre... Pourquoi ? Cela reste le secret de Jim...

Challenge Multi-défis 2023
Challenge Plumes féminines 2023
Challenge solidaire 2023
Commenter  J’apprécie          180
Il y a des rencontres que l'on n'oublie jamais, et j'ai bien l'impression qu'en ce qui me concerne je n'oublierai pas Antonia.
Tout comme Jim Burden n'a jamais oublié celle qu'il appelle « Mon Antonia ».
Et c'est avec un Jim Burden enfant qui tout juste âgé de 10 ans qui vient de perdre ses parents et qui a quitté sa Virginie natale pour aller rejoindre ses grands-parents dans le Nebraska, chez qui il va désormais vivre, que s'ouvre ce récit de mémoire.
Jim rencontrera pour la première fois Antonia et sa famille dans le train qui les conduit à Black Hawk, petite bourgade perdue dans les grands plaines qui s'ouvrent tout juste aux colons qui en cette fin du 19ème siècle arrivent essentiellement de Suède, de Norvège, de Russie et d'Europe centrale pleins d'espoirs de cette vie nouvelle qui ne peut qu'être meilleure que celle qu'ils ont quitté en laissant tout derrière eux, sachant parfaitement qu'il n'y aurait pas de retour possible et qu'ils étaient condamnés à réussir dans ce nouveau pays dont ils ne connaissaient rien pas même la langue.
Antonia et les siens qui arrivent tout droit de Bohême, et dont le père qui pourtant avait tant d'économies arrivera sans un sou en poche, le voyage leur ayant coûté bien plus cher qu'il n'avait cru.
Mais ils auront aussi à affronter la désillusion de s'être fait escroquer par l'un de leurs compatriotes qui leur a vendu une « ferme » qui n'est pratiquement pas exploitable et une « maison » qui n'est guère plus qu'un trou creusé dans une ravine, dans des conditions météorologiques extrêmes entre canicule, blizzard, et tornades qui achèveront de transformer leur rêve américain en cauchemar.
Mais Antonia qui est la seule à comprendre quelques mots d'anglais fera face du haut de ses 10 ans pour aider du mieux possible sa famille.
Et ce sont 30 ans de la vie de cette jeune fille et de quelques autres de ses amies que l'auteure nous raconte à travers les souvenirs de Jim et de sa propre vie à lui.
30 ans qui verront s'achever le 19ème siècle et naître le 20ème avec ses progrès.
Mais pour ces émigrants et leurs descendants qui essaient de survivre du mieux qu'ils peuvent dans ces fermes isolées, la vie est toujours aussi laborieuse.
Récit publié en 1918 et qui restera un superbe témoignage en mémoire à tous ceux qui en quittant l'Europe pensaient trouver des villes aux rues pavées d'or mais qui souvent n'ont fait qu'échanger une misère contre une autre dans des paysages à couper le souffle mais qui se sont avérés eux aussi parfois aussi cruels que somptueux.
Commenter  J’apprécie          161




Lecteurs (495) Voir plus



Quiz Voir plus

Dead or Alive ?

Harlan Coben

Alive (vivant)
Dead (mort)

20 questions
1822 lecteurs ont répondu
Thèmes : auteur américain , littérature américaine , états-unisCréer un quiz sur ce livre

{* *}