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4,27

sur 3199 notes
Ce roman est un pavé dans la gueule, mais pas seulement ; c'est aussi une des plus sales pages de l'histoire du Proche-Orient et sa lecture est vraiment éprouvante.

En 1982, lorsque l'armée israélienne envahit le Liban, il y a déjà sur place 150'000 combattants appartenant à de multiples factions locales : l'armée du Liban sud qui opérait avec le soutien de l'armée israélienne ; la milice libanaise Kataëb formée des phalanges libanaises nationalistes ; le Parti socialiste progressiste ; Amal, une sorte de milice formée de détachements de résistants ; l'Organisation de libération de la Palestine ; le Hezbollah, groupe islamiste chiite ; etc. etc.
Dix-huit nationalités se chipotaient grave, le tout sur un territoire grand comme un département français.
Forcément, rien ne se déroula à l'avantage de la société libanaise, des femmes et des enfants, de la tolérance et de l'humanisme… Tout dérapa dans les grandes largeurs et une honte mêlée d'une forte odeur de charogne plana durablement sur Beyrouth et ses environs.

Aux hommes, je voudrais hurler cette supplique… « Abandonnez vos certitudes ! Abandonnez vos croyances et vos dogmes ! Oubliez vos idoles, jetez ces dieux épouvantables au plus profond des failles ou des gouffres que la terre ulcérée aurait la bonne idée d'ouvrir soudainement sous vos pieds… et comportez-vous enfin en frères, en maris et en pères. »

L'idée de Samuel, c'est de tromper le diable et de jouer une pièce de théâtre - l'Antigone de Jean Anouilh - sur les lieux de la disgrâce...
L'histoire lui en laissera-t-elle le temps et la possibilité ?

Décidément, je n'aime pas ce livre qui représente ce que l'on peut faire de pire.
Mais il est bouleversant et magistral.

Je vous le conseille…
...mais armez-vous de courage.
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« Ouvre l'oeil et regarde, tu verras ton visage dans tous les visages. Tends l'oreille et écoute, tu entendras ta propre voix dans toutes les voix. » Khalil GIBRAN – poète et peintre libanais.
*
Le quatrième mur est un roman tragique et puissant.

« Une volée de marches, un drapé de rideau, une colonne antique. C'est le dépouillement, la beauté pure ».
Résistante et fière Antigone.

La fraternité et l'amour - La liberté et la lutte – La violence et la douleur – Un décor de feu et de sang, de larmes et de terre. Réalité de la guerre dans toute son horreur.

« Tu as croisé la mort, mais tu n'as pas tué, a murmuré le vieil homme (…) Et je n'ai pas osé lui dire qu'il se trompait ».

Qu'adviendra-t-il d'un rêve de scène dans une ville théâtre de tragédie …

« J'étais entrée en violence pour défendre l'humanité ». Son ami lui rétorquait « La violence est une faiblesse ».
Georges a la hargne de défendre ses idées, atteint physiquement, sa colère reste intacte.
Il était chagrin et colère, Samuel, son ami, son frère, gaîté et sagesse.

Le Liban - Beyrouth - Au coeur d'une ville qui n'est alors que le théâtre de la violence et des combats, mettre en scène « Antigone » d'Anouilh semblait ubuesque, Georges portera cette idée belle et folle héritée de son ami Samuel. « C'était sublime. C'était impensable, impossible, grotesque ». Mais c'était une promesse faite à un frère.

« La guerre était folie ? Sam disait que la paix devait l'être aussi. »
Imaginer une scène sur une ligne de front. le théâtre pour faire taire la guerre quelques instants...
Une représentation – instant de trêve – dans une ville puzzle, une pièce avec des acteurs de tous les camps pour une suspension du temps dans une ville fragmentée.

« Retrancher un soldat de chaque camp pour jouer à la paix. Faire monter cette armée sur scène (…)
Demander à Créon, acteur chrétien, de condamner à mort Antigone, actrice palestinienne. Proposer à un chiite d'être le page d'un maronite. »

L'espoir d'un répit dans la tourmente des combats et de la mort qui rôde…
Mais les bombardements vont faire de Beyrouth un théâtre de martyrs suppliciés dans un décor meurtri, de débris d'obus, de massacres, de destruction – pays exsangue et dévasté aux cèdres spectateurs silencieux du désastre.

Un quatrième mur pour se protéger de la peur, de la mort…
Mais qu'en sera-t-il des rêves, des promesses, des traumatismes, au milieu de cette guerre…

L'analogie avec « Antigone » est très troublante et magnifique, une violence inouïe.
C'est d'une poésie désespérée et d'une beauté tragique.
*
Quelle découverte ! Quelle sensibilité chez cet auteur que je commence à peine à lire.
C'est d'une intensité redoutable.
J'ai trouvé ce roman bouleversant, j'ai ressenti de profondes émotions lors de ma lecture. J'en ressors ébranlée.
*
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Après le très marquant « Enfant de salaud », « le quatrième mur » est un roman âpre sur la peur, la résistance, la paix, la liberté, l'amour.

Ce qui frappe d'emblée, c'est l'écriture de l'auteur, la justesse et la puissance des mots, le rythme du texte avec ses phrases courtes et mélodieuses.
Ce qui frappe également, ce sont les thèmes abordés, très dur, la guerre civile au Liban dans les années 1980, la violence intolérable des hommes ordinaires, et la douleur affreuse de ceux qui restent. Cette lutte armée est d'autant plus insoutenable qu'elle oppose les personnes d'un même pays. Vos amis deviennent du jour au lendemain vos ennemis, et les victimes d'un jour deviennent bourreaux le jour suivant. Il n'y a pas de morale. En chacun de nous, il y a la lumière et les ténèbres.

Ce roman est particulièrement noir avec des passages très durs, mais aussi de belles pages sur la liberté, la fraternité, l'amour.
Je retiens aussi de magnifiques personnages, comme Imane.

*
Le quatrième mur, c'est « Une façade imaginaire, que les acteurs construisent en bord de scène pour renforcer l'illusion. Une muraille qui protège leur personnage. Pour certains, un remède contre le trac. Pour d'autres, la frontière du réel. Une clôture invisible, qu'ils brisent parfois d'une réplique s'adressant à la salle. »

Le "quatrième mur" est donc un paravent invisible entre l'acteur et le spectateur. Elle protège le comédien des débordements émotionnels des spectateurs.
Elle est aussi une autre forme d'engagement, en défendant son point de vue sans violence, avec respect, seulement par la force des mots.

« le théâtre était devenu mon lieu de résistance. Mon arme de dénonciation. A ceux qui me reprochaient de quitter le combat, je répétais la phrase De Beaumarchais : le théâtre ? « Un géant qui blesse à mort tout ce qu'il frappe ». »

*
Samuel, un juif grec de Thessalonique, metteur en scène, a un rêve un peu fou, celui de mettre en scène la tragédie d'Antigone à Beyrouth, en pleine guerre civile, dans le but d'ouvrir, pendant deux heures, une fenêtre sur la paix et la réconciliation.
Il veut confier les rôles à des interprètes choisis parmi les différents camps en guerre, Phalangistes, Palestiniens, Arméniens, Chaldéens, Chiites, Druzes.

Mais atteint d'une maladie incurable, il convainc son ami Georges, lui-même metteur en scène, de prendre en charge la préparation et la mise en scène de la pièce.
Voulant respecter sa promesse, Georges quitte la France et s'envole pour le Liban.
Et c'est là que l'on entre de plein fouet dans la guerre.

*
Les références à la tragédie d'Antigone réécrite par Jean Anouilh invitent à réfléchir sur la résistance incarnée par la fière Antigone et l'autoritaire Roi Créon.
« Voilà. Ces personnages vont vous jouer l'histoire d'Antigone. Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien... »

La jeune Antigone apparaît bien fragile face à l'imposant roi Créon, mais n'est-elle pas celle qui refuse de céder ? J'ai aimé cette idée de l'art du théâtre contre la barbarie des hommes.

*
Pour être honnête, j'ai nettement préféré la deuxième partie de l'histoire. J'ai eu des difficultés à entrer dans l'histoire, car l'auteur prend son temps pour mettre en place son scénario et ses personnages. le début est donc essentiellement tourné vers la présentation des deux personnages principaux.
Et puis au milieu du récit, une fois au Liban avec Georges, on bascule dans une tempête qui vous percute, vous heurte et ne vous lâche plus. C'est un déferlement de violence et d'émotions fortes auquel on ne peut être indifférent.

« J'ai cherché de l'aide autour de moi, frappé à la première porte. Elle était entrouverte. Des chaussures étaient alignées sur son seuil. J'ai pensé à Boucle d'Or, à la famille ours de ma fillette en paix. Les sandales du père, les claquettes de la mère, les chaussures des enfants. J'ai passé la tête, j'ai appelé doucement. Je suis entré. »

*
Encore une fois, j'ai été saisie par l'écriture de Sorj Chalandon, à la fois bouleversante de force et de poésie.
D'une beauté farouche, dénudée du superflu pour n'en laisser que la force vitale, ce roman m'a impressionnée par le contraste entre la retenue du style et l'intensité des émotions exprimées.
Les mots, bouleversants, choisis avec une extrême minutie, combattent, frappent, brutalisent, se défendent, détruisent, tuent.
Assourdissants, comme une déflagration.

Le lecteur tombe dans un torrent d'émotions qui le fauche, le bouscule, l'écrase, le renverse. La haine, la peur, le dégoût, la colère, la tristesse s'enchevêtrent.

"Vous ne savez pas. Personne ne sait ce qu'est un massacre. On ne raconte que le sang des morts, jamais le rire des assassins."

Le quatrième mur prend alors un autre sens, car il devient également un rempart contre l'impossible, contre le drame des massacres, le sang, la folie des hommes. Je me suis sentie oppressée, étouffée, terriblement triste devant la souffrance des personnes qui vivent la guerre au quotidien.

Et en tournant la dernière page du livre, j'ai été frappée par un silence glacé et pesant.
Le déchaînement de violence s'est arrêté, j'étais de nouveau chez moi, en sécurité.

*
Pour conclure, ce roman récompensé par le Prix Goncourt des Lycéens en 2013 consolide mon envie de poursuivre ma découverte des autres romans de Sorj Chalandon. L'auteur raconte avec respect, sans prendre parti, la folie dont les hommes sont capables.
Il m'a transportée en zone de guerre et j'en suis ressortie bouleversée, émue.

Je n'ai eu qu'une envie, celle de découvrir un autre de ses romans et y retrouver cette puissance narrative.
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En plongeant le lecteur dans la guerre civile libanaise des années 80, c'est dans le feu de toutes les guerres que l'auteur le transporte, jusqu'à le confronter à la fragilité de sa mémoire et de sa conscience. le regard de Georges sur les cadavres mutilés à Sabra et Chatila, m'a renvoyé en boomerang à mes souvenirs de ces années-là J'avais trente ans, et je croyais inscrire les noms des massacres perpétrés au Liban dans une histoire à venir où ils n'auraient plus jamais
leur place. Quarante ans après, l'horreur est toujours présente, pesante chez les victimes, du Liban à la Syrie, le moyen orient n'en finit pas de son agonie, les divisions sont toujours là, elles ont même pris du poids, elles ont fait des petits.
Sorj Chalandon est virtuose dans l'art de mettre en lien les tragédies du monde :
Ainsi fait-il de Samuel Akounis, le grec, un passeur d'histoire, pour tracer l'héritage depuis Sophocle, pour dire l'imposture des militaires au pouvoir au début des années 70, Samuel Akounis, gardien de la mémoire universelle, de ses parents fauchés à Salonique par le nazisme, à Joseph Boczov, sur l'Affiche rouge qui n'aura pas assisté quelques mois avant son exécution à la représentation de l'Antigone d'Anouilh dans le Paris occupé. Samuel Akounis qui choisit le théâtre pour dire son humanisme et choisit la pièce d'Anouilh pour porter l'idée de résistance au coeur des déchirements libanais à Beyrouth, n'ira pas au bout de son projet, l'ami Georges ira à Beyrouth à sa place. Au nom de Sam, il réussira à rassembler Imane, Charbel, Nakad et les autres, dans les décombres d'un cinéma en ruines sur la ligne de démarcation. L'illusion fonctionne, le quatrième mur est en place mais la guerre aura raison de ses parois de verre tout comme elle fera voler en éclats la vie de Georges car on ne revient pas indemne de l'enfer.
Un livre coup de poing.
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[Lu en 2017]
Quel livre magnifique. Encore une fois, l'auteur parvient à me transporter dans son mon. Un monde qui n'est pas facile puisque le principal de l'action se déroule lors de la guerre civile libanaise.
J'ai eu un peu de mal à rentrer dans le livre au début puisque Georges énonce pas mal de faits biographiques ce qui donne un effet "listing" au récit. Mais bien vite, cela s'estompe.
Lorsque Samuel lance son projet fou de monter Antigone, on se dit qu'il est bien gentil, mais que c'est irréalisable. Mais Samuel fait partie de ces gens qui arrivent à ouvrir des portes et convaincre. Bien vite Georges se retrouve mêlé à cette histoire et on le suit au Liban, à côtoyer tous les partis qui se font la guerre. Les épisodes sont courts mais si intenses... ! La répétition qui a lieu dans le théâtre est je pense l'une des plus belles scènes de ce livre.
Je suis restée scotchée jusqu'au bout, j'ai souffert pour Georges, compris pourquoi il était trop difficile pour lui de reprendre sa vie d'autrefois comme si rien ne s'était passé. Et la scène de la découverte du corps d'Imane... Rien que d'y penser, j'en ai le coeur qui se soulève encore.
Ce livre est un bijou qui m'a bouleversé et j'ai aimé tout du début à la fin, la fin qui est d'ailleurs si logique que si elle avait été différente, j'en aurais été déçue.
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Excellent. Début poussif et un peu longuet, comme toujours chez Chalandon, avant que ça bascule tout d'un coup de manière saisissante dans un vrai cauchemar, malheureusement reconstitué avec trop d'efficacité, trop de réalisme. Pour une fois on pouvait regretter que ça ne soit pas moins bien écrit !
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Je continue mon exploration de la bibliographie de Sorj Chalandon avec énormément d'intérêt.
Après nous avoir parlé de l'Irlande avec "l'ami irlandais", l'auteur va nous emmener cette fois au Liban au plus fort du conflit, un livre intéressant à plus d'un titre principalement en raison de l'approche proposée.
"L'idée de Samuel était belle et folle : monter l'Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth.", ce livre va nous parler d'un rêve fou, d'une utopie, il va surtout nous faire réfléchir à plusieurs niveaux et je l'ai apprécié pour cela.
Difficile de dire ce que chacun gardera de cette lecture, s'il sera question du Liban bien sûr, l'auteur ne nous instruira pas sur les causes du conflit, cela-dit il va par contre nous présenter les différentes factions au travers des acteurs pressentis pour jouer la pièce, acteurs qui doivent représenter toutes les composantes de ce Liban en guerre.
Réflexion sur la violence, réflexion sur la violence qui engendre la violence, réflexion sur l'engagement pour une cause, réflexion sur la paix, réflexion sur la réconciliation et le pardon, réflexion sur les convictions, réflexion sur la justesse des convictions, beaucoup de grain à moudre, beaucoup...
Réflexion aussi sur la vision de la guerre selon que l'on soit en France ou selon que l'on s'y confronte sur place, la scène n'est pas la même et le décor non plus.
Sorj Chalandon va étayer son histoire en nous proposant des portraits d'une belle intensité, des gens avec des qualités et des défauts, cela-dit si la trame de l'histoire est claire, l'auteur va de façon admirable nous laisser nous débrouiller avec nombre de contradictions car son propos semble être de ne pas prendre parti et j'ai fini par apprécier cette idée.
J'ai aimé le personnage de Samuel, beaucoup, même si on peut se poser au moins une question, beaucoup moins aimé Georges, personnage bancal et peu fiable, aimé les acteurs, les libanais toutes factions confondues.
J'aurais aimé pouvoir discuter avec l'auteur pour comprendre quelles étaient exactement ses attentes en écrivant cette histoire, j'ai rarement "phosphoré" à ce point au moment de terminer un livre.
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Un tres belouvrage sur la lutte en cours au moyen orient et ses conséquences actuelles au travers de l'histoire d'un realisateur de theatre.Un ouvrage où rien n'est rajoute ni factice et où l'auteur nous fait voyager avec lui durant tout le livre.Un voyage vers l'horreur des zones de guerre et de leur quotidien difficile.
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A Paris, l'ami, le frère, Samuel Aroukis, Grec et juif, metteur en scène de théâtre veut réaliser son rêve fou : monter Antigone d'Anouilh le long de la ligne verte de Beyrouth, avec des acteurs chrétiens maronites, Palestiniens sunnites, chiites, Druzes. Il a réussi à réunir une troupe invraisemblable, chaque camp de la guerre qui fait rage au Liban est représenté. Mais il tombe malade et charge Georges, l'ancien mao de 68, l'homme de théâtre libertaire, de mener son rêve au bout. C'est une vraie course contre la montre, contre la mort de Sam, contre la guerre qui jaillit de partout dans ce Liban déchiré, torturé, éviscéré, violé, où vivre ne signifie presque plus rien. Mais Georges est décidé : malgré sa femme Aurore et leur fille Louise, laissées en France et dont l'image le torture de remords, malgré les atrocités vues au camp de Chatila et ceux évoqués de Damour, malgré la méfiance au sein de la troupe improbable d'acteurs-ennemis, acteurs-frères humains cependant, il jouera l'Antigone d'Anouilh le 1er octobre 1982. Il le faut, au nom du souffle de la vie qui unit ces ennemis malgré eux, au nom de l'humanité encore défendable, au nom de l'espoir d'un autre futur.

Il y aura même une ouvreuse ! « Une ouvreuse. J'ai pensé à Victor Hugo récité par un assassin. A l'absurdité de la guerre. Nous allions jouer Anouilh écrasés par les ruines, avec une ouvreuse qui prendrait soin de nous. Qui accueillerait le spectateur à la porte. le conduirait à sa place entre les pierres meurtries, les douilles et le verre brisé. »

Quelle connerie la guerre...disait Prévert.

Ce livre est d'une beauté absolue, d'une écriture magnifique, à arracher des larmes au plus sec des lecteurs. La pièce d'Anouilh trouve ici un écho dramatique, d'une humanité bouleversante qui obligera à une relecture des phrases de Créon, d'Antigone, de Hémon, du Choeur. Ici, personne ne juge, personne n'accuse ni ne soutient, sauf à prendre fait et cause pour la douleur humaine, contre l'horreur du massacre. Tous sont regardés comme des frères en humanité, tous sont plaints, de quelque bord qu'ils soient.

Une belle plume. Un grand livre.
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Attention, ma critique pourrait en révéler trop sur ce roman

Difficile d'ailleurs de faire la critique de ce roman qui m'a littéralement estomaquée dès les premières lignes. La violence, on y plonge tête la première dans cette explosion qui vous prends dès la première page et projette le lecteur, avec violence et absurdité, dans la guerre. Reste à savoir ce qui s'est passé. On sait dès le début où ce récit va.

L'idée de monter Antigone est belle mais les arguments qui s'y opposent sont simples et directs: pourquoi venir d'Europe, de la confortable France où on vit la vie rêvée de ceux qui ne peuvent échapper à la guerre, pour monter un pièce avec tous partis opposés comme acteurs? Pour se donner l'impression d'apporter la paix? Pour réaliser un rêve? Pour venir voir la guerre des autres de plus près ou si cela est possible?

Antigone - comprise complètement différemment par chacun des partis, plait finalement et le projet amuse certains, enthousiasment d'autre. Mais la question reste: Pourquoi?

Pour envoyer un jeune militant qui voulait se voulait combattant là où ses rêves se heurtent à la réalité. Qui est Sam en réalité? Et pourquoi envoie-t-il un père de famille enfin stable monter une pièce au centre de toutes les tensions, de toutes les violences? Je me suis vraiment demandée quelle était vraiment sa volonté: sacrifier un ami à son rêve ou lui donner l'opportunité d'apprendre une leçon, ou de vivre la vie intense de combat qu'il n'a pas eue. Jusqu'où va-t-on pour réaliser la folie d'un ami? Pourquoi tout lui céder.

Par les diverses interprétations de la pièce par les différents partis, on se retrouve aussi face à cette possibilité de faire dire au même texte ce que l'on veut bien y comprendre - comme des livres religieux. Et à chaque fois, l'interprétation est possible. Que deviennent les textes entre les différentes mains?

La tragédie qui s'intensifie devient insoutenable. je dois dire que ce roman se vit, on en fait des cauchemars tant il place le lecteur dans la peau de Georges qui nous prête ses yeux, ses yeux blessés mais sans concessions. On voit l'inéluctable se mettre en place et c'est trop tard, une fois entré dans ce récit, il faut aller jusqu'au bout. C'est douloureux, ça laisse très songeur. J'ai surtout pensé aux années de militantisme - on est nombreux à avoir consacré notre jeunesse à ces mouvements - le récit ne les rend ni inutiles ni dérisoires mais montre néanmoins le confort de militer en démocratie et de jouer les martyrs en sachant qu'on est en sécurité. Et lorsqu'il s'agit de l'ailleurs, les idéaux qui se construisent sur des bruits lointains, un manque de contact, des échos.

J'ai refermé ce livre avec un grand sentiment de malaise nécessaire.
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