Guillaume Chamanadjian propose une immersion dans les jeux de pouvoirs de la Capitale du Sud avec ce tome 1 le sang de la cité.
Derniers survivants du clan du Souffleur, Nohamux et sa soeur Daphnée ont été recueillis, enfants, par l'attaquant vainqueur, le Duc Servaint de la Caouane.
Devenu jeune adulte, Nohamux de la Caouane travaille en tant que commis d'épicerie au service d'Eustaine. Fin négociateur et sans cesse chargé de livraisons, il connaît la Cité comme sa poche.
Pour ces deux qualités, Nohamux se voit – malgré lui – recruté par le Duc Servaint pour une mission hautement délicate. Servaint de la Caoune a l'ambition de construire un canal permettant de relier le Nord et le Sud de la Cité. Il s'agit d'un projet onéreux, politiquement source de conflits, car il bousculerait les forces économiques entre les clans.
La crédibilité et l'originalité du protagoniste Nohamux de la Caouane
Aux yeux des habitants de la Cité, Nohamux est parfois moqué ou interpellé par l'apostrophe « Suceur d'Os ». Recueillis par le Duc de la Caouane, les deux enfants, Nohamux et Daphné, affamés, se sont jetés sur les morceaux de viande qu'on leur a donné, jusqu'à en sucer les os, d'où ce surnom peu flatteur.
Malgré les événements subis dans son enfance, Nohamux se révèle un personnage entièrement dévoué à sa Cité, qu'il affectionne tant.
Il est présenté, dès le début du roman, très à l'aise dans son rôle de négociateur de denrées. Il passe beaucoup de temps dans les rues de la Cité, pour réaliser ses livraisons, usant des raccourcis connu de lui seul. Ses escapades sont pour lui synonyme de liberté.
Nox est également un grand amateur de poésie, sensible aux contes fondateurs de la Cité,
protecteur de l'Olivier.
Ces caractéristiques en font un personnage atypique, et attachant. Au cours du récit, il peut se montrer aussi bien intelligent et indépendant, que – parfois – naïf. Cette ambivalence contribue à conférer au personnage sa crédibilité.
Les intrigues politiques et l'enjeu du canal
Pour parvenir à réaliser son projet, Servaint de la Caouane doit convaincre une multitude de clans concernés par le tracé du canal – notamment la Jubarte, le Lion, Chien, le Lapin, l'Hirondelle.
Au fil du roman, le personnage de Servaint est progressivement percé à jour. Fin manipulateur, il se présente toujours comme le sauveur des deux Suceurs d'Os, et le bienfaiteur de la Cité. Il se révèle un personnage prêt à tout pour parvenir à ses fins, même
- à mettre la vie de Lotharie en danger. Combattante de la Caouane, elle est envoyée au tournoi de la Canopée afin de susciter le soutien de la population ;
- à se marier avec la duchesse Vitia de l'Hirondelle, même si personne n'ignore qu'il est amoureux et amant de Sixtie de la Rainette ;
- à manipuler Daphné et Nohamux, qu'il envisage d'adopter officiellement puis de les marier à des fins politiques ;
- à instrumentaliser la Demoiselle, L Olivier millénaire, découvert par Nox.
Le Chant de la Cité
La ville est très bien construite et décrite, permettant au lecteur une immersion plus grande. Par sa description, elle peut même parfois apparaître comme vivante, personnifiée.
Nox entend ce qu'il appelle « Le Chant de la Cité ». Par ses qualités d'observation, d'écoute, et grâce au livre mystérieux qui lui a été offert par Guenaillie de la Jubarte,
Nox fait une découverte des plus étonnantes : le Nihilo. La Cité cachée dans la Cité, la même Cité, mais vide de ses habitants et dont l'espace ne semble pas répondre aux mêmes lois physiques, de telle sorte qu'il peut voyager dans la Cité beaucoup plus rapidement.
Atout indéniable pour se cacher et se déplacer, pour autant, le Nihilo n'est pas sans danger. Il a d'ailleurs pris la vie du Nordien Russmor, emporté dans la brume.
Le Nihilo recèle encore bien de mystères qu'il nous tarde de percer dans le prochain tome. Il confère à la Cité ce côté vivant et donne au roman une dimension fantasy.
La fin du roman : le début d'un autre
Après ce dénouement, le lecteur attend impatiemment la suite.
Nox a pris conscience des moyens que le Duc emploie pour parvenir à ses fins, et de l'ensemble des victimes collatérales – dont lui même :
- Tussine, habitante de la Citée et amie de Nox, expulsée de chez elle, pour le passage du canal ;
- Lotharie, vivante mais potentiellement handicapée, sacrifiée par Servaint ;
- Daphné et Nox, instrumentalisés. le canal offrira à Servaint un pouvoir immense sur la Cité. Mais pour parvenir à payer ses dettes, il a pour projet de former des alliances avec d'autres clans, en échange d'un accès au canal. Ainsi, après l'adoption officielle des deux Suceurs d'Os, il envisage de marier Daphné au clan du Lion, et Nox à un autre clan – peut être même – à son amante Sixtie de la Rainette ;
- Pelagia, tuée lors des affrontements entre l'Hirondelle et la Tortue, dans le tumulte ayant suivi l'assassinat de Vitia ;
- Symètre, meilleur ami de Nox, dévasté par la mort de sa mère, qui voit par ailleurs la Poivrière-au-Coq partir en fumée, avec ses vignes, son avenir avec Guenaillie de la Jubarte.
Si Nox apparaît au début du roman comme dévoué à sa Cité et au service de son Duc, il est après tous ces événements, déterminé à obtenir sa vengeance. Par l'évolution du personnage, on peut y voir un coté initiatique intéressant.
En conclusion, le sang de la Cité constitue un roman d'intrigues politiques très bien ficelé, au centre duquel évolue un personnage attachant et atypique. L'immersion dans la Cité est totale, par la force des descriptions et par l'aspect vivant de la Cité. Après cette lecture, il reste bien des mystères à élucider (
la deuxième Daphné, soeur de Servaint ; le Nihilo) et il me tarde également de connaître la suite des aventures de Nox.